Les drones permettent le traitement de 100 ha/jour/drone, contre un rendement de 2ha/j pour le traitement manuel . Des drones 100% marocains ont vu le jour pour accompagner la technologie agricole. Parmi les cultures ciblées, le riz, la canne à sucre, le maïs, le colza, le tournesol... Le secteur agricole marocain emploie de plus en plus de drones pour différentes missions, notamment celles de traitements, de diagnostic ou de contrôle des cultures, mettant ainsi à contribution les nouvelles technologies pour le développement de la filière agricole au niveau national. Les aéronefs déployés dans le domaine agricole permettent également de fournir aux agriculteurs, de manière rapide et avec exactitude, des informations utiles pour prendre des décisions durables et agir intelligemment (augmenter ou réduire la quantité d'eau dans certaines zones, effectuer des traitements spécifiques..). L'objectif étant d'économiser l'eau et les produits de traitement en faveur de l'environnement et de l'agriculteur. Les drones de traitement représentent aujourd'hui «un outil efficace et durable» pour une agriculture d'avenir, a indiqué, dans une déclaration à la MAP, Abbes Kailil, professeur et ingénieur d'Etat en aéronautique et pilote de drones, ajoutant que l'utilisation de ces engins représente «un saut vers les métiers du futur» et engendre «un nouvel état d'esprit» quant à l'utilisation de l'intelligence artificielle au Maroc. Les cultures ont besoin d'une fertilisation équilibrée, uniforme et d'un entretien continu. Actuellement, ces traitements se font à travers des pulvérisateurs traînés par des tracteurs ou embarqués sur de petits véhicules ou par avion en cas de grandes superficies, a fait remarquer M. Kailil. Ces méthodes classiques peuvent être très coûteuses en temps et en énergie, polluantes et non économes en eau. Elles peuvent engendrer aussi des dégâts, surtout à des stades avancés de la culture, a-t-il expliqué. L'utilisation des drones pour les traitements phytosanitaires et la fertilisation foliaire, économe en temps, en eau et en énergie, a-t-il dit, pourrait être la solution idéale pour les cultures à accès difficiles (riz, canne à sucre, maïs, colza, tournesol....), soulignant que ces engins peuvent être exploités de manière totalement autonome et programmée pour fonctionner selon des horaires et des itinéraires spécifiques. Face à ces nouveaux défis technologiques, l'innovation locale advient souvent. Dans cette optique, des drones 100% marocains voient le jour, tel est l'exemple du «Moroccan Agriculture Spraying Drone M6» (MASD-M6), qui est une nouvelle technique innovante pour le traitement phytosanitaire des cultures par voie aérienne, créée par une équipe scientifique composée de chercheurs marocains, sous la supervision de M. Kailil et en collaboration avec de grandes institutions nationales. Les terrains argileux, a-t-il dit, représentent une majorité des superficies agricoles dans plusieurs régions du Maroc. «Ces terrains deviennent boueux après des précipitations ou irrigation, ce qui empêche tout accès pour les différents types de machinerie agricole», a-t-il relevé. Les agriculteurs se voient donc obligés de recourir aux méthodes manuelles, dont le rendement ne dépasse pas 2ha/jour, a précisé M. Kailil, faisant savoir que le drone peut atteindre 100 ha/jour/ drone. A titre d'exemple, la betterave sucrière et les rizières, qui sont traitées exclusivement manuellement, vu l'impraticabilité des terrains après les irrigations. La même logique s'applique pour les terrains accidentés ou en pente impraticable pour la machinerie agricole sur roues, a souligné l'ingénieur. Aussi, des cultures qui, en stade avancé (mais, canne à sucre, colza, tournesol, blé, etc.), ne peuvent être traitées en faisant recours aux méthodes classiques (manuelles et tracteurs), étant donné leur caractère fragile et les immenses dégâts qui peuvent survenir, suite aux opérations de traitement, at- il noté. D'autre part, le drone fonctionne d'une manière autonome et avec une quantité minimale d'eau, ce qui permet la protection des sols (environnement) et des personnes, a-t-il fait savoir, soulignant que son utilisation permet l'augmentation du rendement et la fiabilité des traitements foliaires, ainsi que la réduction des coûts. «Pour les champs du maïs, de la canne à sucre, du colza et de tournesol, le drone s'impose comme une solution efficace et non une alternative», a-t-il relevé. M. Kailil a, à ce propos, relevé que les traitements mécaniques des grandes cultures engendrent des pertes importantes dues aux superficies écrasées par les roues des tracteurs pendant les traitements. «A titre d'exemple, les pertes au niveau des céréales varient entre 6% et 8% en fonction de la largeur des pneus. Le remplacement des tracteurs par des drones entraînera une augmentation automatique des rendements, qui permettra au Maroc de mieux sécuriser sa production et diminuer ses importations et les devises qu'elles mobilisent», a-t-il soutenu. Pour ce qui est des plantations d'arbres à haute densité, l'ingénieur a indiqué que la haute densité a été une des principales révolutions apportées au niveau des techniques d'arboriculture. «Ces techniques ont permis d'augmenter le nombre d'arbres par ha, et de booster les rendements. Toutefois, pour certaines cultures, les espacements restent conditionnés par les passages nécessaires aux tracteurs fruitiers et leurs équipements », a-t-il expliqué. Le recours aux drones va permettre d'améliorer encore plus les densités possibles pour certaines cultures, et maximiser les potentiels des superficies plantées, a-t-il affirmé, notant que cela permettra la protection des cultures contre les destructions causées par les machines agricoles lors des traitements, outre le gain en surfaces cultivées. L'équipe de recherche marocaine ayant développé cet aéronef, qui est désormais opérationnel (depuis 2 ans maintenant) et exploitable par les agriculteurs, estime que le développement de ce projet au Maroc sera une plateforme et un projet fédérateur de collaboration entre professionnels et scientifiques pour la vulgarisation des technologies du futur. S'agissant des autres utilisations des drones au niveau national, Marwane Khadimi, jeune ingénieur et membre de la cellule technique de l'EMIaero (le club de l'Ecole Mohammadia d'ingénieurs (EMI) spécialisé en aéronautique ), a relevé que ceux-ci sont utilisés dans la cartographie 3D et l'inspection des chantiers et l'agriculture. Ces derniers secteurs exploitent ces aéronefs dans la surveillance des troupeaux, la pulvérisation des pesticides et l'observation des champs afin de donner des informations sur les parcelles cultivées, a-t-il noté. Pour ce qui est de l'aspect sécuritaire et réglementaire au Maroc (où l'importation et l'utilisation sont verrouillées), Anass Ait Ben El Arbi, spécialiste en génie informatique et membre de la cellule technique de EMIaero, a estimé que cet aspect limite la créativité chez les jeunes, ajoutant que la motivation dans ce domaine est freinée par les mesures légales et les temps d'attente très longs pour recevoir une réponse (approximativement de 3 mois). «Cette limitation est remarquée pendant l'importation des pièces ou au niveau des problèmes de licence pendant les essais de vols», a-t-il fait observer, ajoutant que cet aspect réduit aussi le potentiel économique de ces aéronefs. De l'avis de la présidente de l'EMIaero, spécialiste en génie mécanique, Assia Qarqachat, l'absence de cet aspect réglementaire et sécuritaire du citoyen «va étouffer la liberté des citoyens». «Ces appareils peuvent être utilisés pour l'espionnage ou pour causer de graves perturbations comme celles qui ont été produites à l'aéroport Gatwick à Londres en 2018», a-t-elle soutenu. Pour éviter ce genre de problèmes, seules les entreprises ayant besoin de drones pour des utilisations bien spécifiques peuvent obtenir une licence, a conclu Mme Qarqachat. MARIA MOUATADID (MAP)