Durant les années 90 du siècle dernier, le Maroc importait seulement 20% de ses besoins. Les médicaments importés et qui ont une alternative fabriquée au Maroc représentent 2 milliards de dirhams par an. La fabrication locale de l'insuline est l'unique production protégée par des mesures anti-dumping. La crise sanitaire est une période où la préférence nationale est considérée comme l'un des moyens en mesure de renforcer l'économie. Dans le secteur pharmaceutique, cette préférence prend tout son sens alors que la pandémie persiste. En 2019, le Maroc a importé 48% en valeur de ses besoins en médicaments de l'étranger. Durant les années 80 et 90 du siècle dernier, on n'importait que 20% de ces besoins. Ce qui représente, d'après les industriels, une grande perte subie par la production locale. Evidemment, une bonne partie de ce pourcentage (48%) est représentée par les médicaments concernant le traitement des maladies chroniques, non encore «génériqués». Si nous ne connaissons pas combien cela représente en chiffres, plusieurs alternatives à ces médicaments sont toutefois fabriquées au Maroc. Cela dit, l'importation de médicaments dont les similaires et équivalents sont fabriqués au Maroc est estimée à deux milliards de dirhams. «Plusieurs autres médicaments peuvent être fabriqués au Maroc. Cela veut dire que nous pouvons réduire encore plus le pourcentage de 48%», déclare Layla Sentissi, directrice exécutive de l'Association marocaine de l'industrie pharmaceutique (AMIP). Récemment, l'AMIP a commandité une étude afin de déterminer le manque à gagner engendré par ce pourcentage dans le segment privé. L'association a également déposé une saisine auprès du Conseil de la concurrence au sujet d'une marge accordée aux médicaments importés. Actuellement, tous les produits importés bénéficient d'une marge supplémentaire de 10%, ce qui se répercute sur le prix final. Cette marge qui suscite le mécontentement de l'industrie pharmaceutique nationale pousse les opérateurs à opter pour l'importation au lieu de fabriquer eux-mêmes les médicaments. Les produits stratégiques continueront à être importés Une question s'impose malgré sa simplicité : Qu'est-ce qui empêche la fabrication des produits médicamenteux stratégiques au Maroc ? En effet, le Royaume ne figure pas sur la liste des plus grands fabricants de nouveaux produits, constituée de pays dont l'industrie pharmaceutique alimente les marchés mondiaux, grâce à de moyens financiers et de technologies très avancés. Ainsi, ce à quoi l'industrie locale peut seulement aspirer est que ces pays investissent au Maroc. «Tenant en compte plusieurs éléments, comme les ressources humaines, le niveau de transfert de technologies ou le cadre juridique, nous pouvons attirer davantage de multinationales afin qu'elles puissent exploiter le Maroc comme plateforme de production et d'exportation de leurs produits», souligne Layla Sentissi. Au cours des dernières années, l'industrie pharmaceutique mondiale a connu un très grand élan de délocalisation qui a atterri notamment en Afrique du Nord. Le Maroc n'a pas eu une part satisfaisante, estiment les professionnels. Le risque est de voir le Maroc exclu de cet élan, ce qui représente une grande perte, d'autant plus que la fabrication locale dépend entièrement des investissements étrangers. Dans les faits, le Maroc dispose d'un code d'investissement très avantageux pour les investisseurs étrangers. Plusieurs mesures incitatives permettent aux multinationales d'exporter le bénéfice à leurs pays d'origine. De plus, l'implantation de ces multinationales au Maroc leur permet de fournir les marchés africains. Par ailleurs, si le marché marocain demeure insignifiant, comparé au marché européen, ces avantages ont une réelle valeur ajoutée lorsqu'il s'agit d'attirer les investissements étrangers. Cela dit, la réglementation marocaine encourage plus l'importation que la fabrication. Selon Layla Sentissi, les autorisations de mise sur le marché (AMM) à l'importation sont plus faciles à obtenir, comparées aux AMM de fabrication locale.