Lancé il y a trois ans, ce chantier de développement de l'arganiculture sur 10 000 ha est étalé sur six ans. Les plantations réalisées aujourd'hui à près de 70% seront achevées en 2021. Une première expérience du genre à travers l'agriculture solidaire pour renforcer la résilience des communautés rurales. Ce chantier pourrait aussi ouvrir la voie à de gros investissements dans cette culture avec à la clé une forte productivité et forte valeur ajoutée pour la filière. Durant longtemps, les projets de plantations, de l'arganier étaient difficilement maîtrisables et réalisés uniquement dans le domaine forestier avec peu d'implication des ayants droit. Depuis la mise en œuvre du Plan Maroc Vert (PMV) et la création de l'Andzoa (Agence nationale pour le développement des zones oasiennes et de l'arganier), des expériences réussies de replantation ont prouvé que l'arganiculture est possible. Le projet de Développement de l'arganiculture en environnement dégradé (DARED), mis en œuvre depuis 2017, est aujourd'hui le premier chantier à grande échelle d'arganiculture au niveau mondial. Dans la zone de la Réserve de biosphère de l'arganeraie (RBA), il couvre trois régions (Souss Massa, Marrakech-Safi et Guelmim Oued Noun). C'est aussi le développement d'un modèle économique résilient aux changements climatiques et stimulateur d'un changement de paradigme dans la conception et la réalisation des projets d'agriculture durable, rentable et résiliente aux changements climatiques, souligne Latifa Yaakoubi, directrice de développement des zones de l'arganier à l'ANDZOA. Trois ans après son démarrage, le chantier qui vise le développement de l'arganiculture sur une superficie totale de 10 000 ha dont 2 000 ha de plantes aromatiques médicinales en intercalaire est bien en avance, assure Latifa Yaakoubi. La superficie totale de 10 000 ha est aujourd'hui mobilisée et le taux de réalisation des plantations atteint actuellement près de 70%. Il devrait être finalisé durant l'année 2021. Concernant les superficies dédiées aux plantes aromatiques médicinales en intercalaire avec l'arganier, près de 95% de ce volet est engagé et devrait être achevé fin 2021. L'inclusion de la culture des plantes aromatiques médicinales dans ce programme est d'offrir de nouvelles alternatives de cultures aux populations de l'aire de l'arganier, précisent les responsables du dossier, à l'ANDZOA. C'est une opportunité d'initier dans ces zones de nouvelles activités génératrices de revenus. Jusqu'à présent, les ayants-droit de ces contrées ont cultivé l'orge pour améliorer les revenus générés par l'arganier. Selon les indicateurs de rentabilité des systèmes de cultures communiqués par l'ANDZOA, le développement de l'arganiculture peut offrir une marge brute moyenne de plus de 7 200 DH/ha. L'arganiculture, conjuguée à la culture d'orge, peut générer pour sa part une marge brute moyenne de plus de 9 300 DH/ha. Cette marge est de plus de 17 000 DH/ha pour l'arganiculture avec les plantes aromatiques en intercalaire. Elle peut dépasser les 19 000 DH/ha en combinant l'arganiculture avec les plantes aromatiques et l'orge. C'est dire l'intérêt pour les populations des zones de l'arganeraie d'adhérer au projet DARED pour explorer de nouvelles cultures et améliorer ainsi leurs revenus. Etalé sur la période 2017-2023, ce projet, rappelons-le, est l'un des premiers projets cofinancés par le Fonds vert pour le climat (Green Climate Fund-GCF). Il est soumis par le ministère de l'agriculture et des eaux et forêts via l'Agence de développement agricole (ADA) en tant qu'entité accréditée par GCF. L'ANDZOA, en sa qualité d'agence d'exécution du projet, est en charge de sa réalisation en partenariat avec les représentations régionales et provinciales du département de l'agriculture et des eaux et forêts et les agences des bassins hydrauliques concernés. La Fédération interprofessionnelle de la filière de l'argane est également partie prenante de ce programme. L'investissement global est de 49,2 millions de dollars, à travers un apport de 39,3 millions de dollars par le Fonds vert pour le climat. Le gouvernement marocain apporte pour sa part une contribution de 9,9 millions de dollars. Les enjeux de ce programme sont multidimensionnels, à savoir économique, social et environnemental à l'échelle nationale et internationale. Sur le plan environnemental, rappelons que le Maroc, dans le cadre de la convention cadre des Nations Unies, s'est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 42% à l'horizon 2030. Et ce suivant le NAMA développé (Mesure d'atténuation appropriée au niveau national). A cet effet le NAMA arganiculture vise la plantation de 43 000 hectares de vergers d'arganiers. Cet engagement devrait être dépassé, puisque le département ministériel de l'agriculture envisage de le porter à 50 000 ha au total. C'est une priorité nationale, car outre son rôle socioéconomique sur le plan préservation du patrimoine forestier, l'arganier est indéniablement notre dernier rempart contre la désertification. La croissance du marché international de l'huile d'argane met en exergue également l'intérêt et la nécessité de reconstituer et développer les vergers d'arganiers pour renforcer l'offre et préserver le patrimoine. Dans ce cadre le projet DARED constitue une première phase de l'ensemble du programme NAMA arganiculture. Sur le plan social, ce programme d'envergure profitera à une population directe et indirecte de plus de 370 000 habitants. L'approche participative qu'initie ce programme est aussi une première expérience de modèle de co-management de la forêt. La démarche co-managériale devrait maintenant être formalisée à travers des textes législatifs dans le cadre de la nouvelle stratégie des zones forestières. A terme, ce chantier devrait contribuer au renforcement de la résilience des communautés rurales et de la réserve de biosphère de l'arganeraie et sûrement libérer le plein potentiel des zones de l'arganier et de sa chaîne de valeur.