Le secteur avicole a perdu près de 10% du chiffre d'affaires annuel réalisé en 2019, ce qui en fait l'un des secteurs les plus sinistrés par la pandémie du Covid-19. Quelque 3 milliards de DH en trois mois de confinement. Ce chiffre choc, révélé en exclusivité à La Vie éco par Chaouki Jerrari, le directeur de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA) qui ressort d'une étude sectorielle en cours de réalisation et qui englobe la totalité des pertes de l'amont jusqu'à l'aval, représente le double du chiffre annoncé lundi dernier par les producteurs de viandes de volailles. En effet, les élevages et les abattoirs avicoles du Royaume tournent au ralenti depuis le début de la crise sanitaire et l'entrée en vigueur de l'état d'urgence sanitaire. «La demande a chuté de 50 à 60% sur les principaux produits avicoles», confie tout de go le directeur de la FISA, qui qualifie la situation provoquée par le confinement de «catastrophique» dans l'ensemble du secteur avicole. Une chute due principalement à l'arrêt total de la restauration collective – hôtels, snacks, restaurants, événementiel – depuis le 20 mars. A lui seul, ce gros débouché commercial du secteur avicole représente 50% du marché de commercialisation de la viande de poulet et une part significative du marché de la dinde, à en croire l'Association nationale des producteurs de viandes de volailles (ANPVV), qui est membre de la FISA. Comme un malheur ne vient jamais seul, la baisse du pouvoir d'achat provoquée par les pertes d'emplois observées depuis le début du confinement au Royaume a également freiné la demande sur les produits avicoles. Il va sans dire que l'offre est devenue excessivement abondante, provoquant ainsi une baisse des prix de tous les produits (viandes, œufs). «Le prix du poulet de chair a chuté à 6 DH au départ de la ferme et à 7,5 DH au marché de gros, ce mardi 16 juin. Celui des œufs a baissé à 58 centimes alors qu'il était avant la crise à 75 centimes. Tous les segments du secteur avicole sont touchés», déplore Chaouki Jerrari. Résultat des courses : la production de poussins, d'œufs et de viandes a, elle aussi, baissé significativement, en l'absence de débouchés sur les marchés. A titre d'illustration, la production de poussins a baissé de 10 à 7,5 millions d'unités par semaine. Pire, les coûts de production ont augmenté, vu que les éleveurs ont été forcés de stocker la production de poulets et dindes vifs pendant plusieurs semaines, ce qui a entraîné une hausse du poids des animaux à l'élevage. L'activité dans les abattoirs a reculé de 50%, vu que ce maillon du secteur avicole travaillait essentiellement avec la restauration collective. Plus dramatique encore, la filière de la dinde de chair qui dépend elle aussi de la restauration collective a vu son activité reculée. Le prix de vente de dinde vif a chuté de 30% à 10 DH en trois mois. Le stockage dure désormais plus que d'habitude, ce qui, là encore, augmente les coûts de production, faisant saigner les éleveurs. La faible capacité du pays en termes d'infrastructures de froid et de congélation n'arrange rien à la situation, estiment les professionnels, qui relèvent que les capacités de stockage sont totalement saturées. D'après l'ANPVV, la situation de la filière de la viande de volailles est d'une extrême gravité. A lui seul, ce maillon a estimé ses pertes à 1,5 milliard de DH. Si l'on ajoute les autres segments comme l'œuf, le transport de viandes, la transformation dans les abattoirs, les aliments composés, les pertes passent du simple au double. «Le secteur a connu plusieurs crises endogènes, mais il a su toujours se redresser et avancer. Le problème cette fois-ci est que la cause de la crise nous dépasse mais nous en payons le prix», déplore Chaouki Jerrari. Ce qui aggrave davantage la situation est le manque de visibilité quant à la reprise de la demande, c'est-à-dire la relance de la machine grippée du secteur avicole. A commencer par la reprise de la restauration collective et les mesures de soutien attendues par les professionnels. Si les entreprises structurées du secteur comme les opérateurs des abattoirs, les usines d'aliments de bétail et de transformation peuvent bénéficier des mesures mises en place par le Comité de veille économique (CVE), les éleveurs – qui sont des personnes physiques – devront affronter seuls la crise et sa grosse ardoise. «Ce sera très compliqué d'offrir des aides directes. Au même temps, cette crise sera fatale pour plusieurs éleveurs qui seront forcés de cesser leur activité», indique le directeur de la FISA. La baisse de la production qui continuera certainement, d'après lui, risque de perturber l'approvisionnement des marchés dans le futur. S'agissant de l'investissement, le business de l'aviculture qui était jadis réputé pour être rentable n'arrivera plus à attirer les investissements nécessaires à la poursuite de son développement. D'ailleurs, tous les investissements prévus auparavant sont gelés. A suivre. secteur avicole