Mohamed Sajid a promis d'autoriser l'exercice des guides des espaces naturels même sans niveau d'instruction. La fédération nationale dénonce un rabaissement du seuil des exigences pour l'éligibilité au métier de guide. On craint un chômage des guides agréés après leur intégration car jugés non qualifiés. Après l'intégration de 1108 nouveaux guides touristiques (905 des villes et des circuits touristiques et 203 guides des espaces naturels) après le concours organisé par le ministère du tourisme en février 2018, une nouvelle vague de guides devrait renforcer les rangs du total actuel de 3808 guides agréés. L'objectif serait de recruter essentiellement des guides des espaces naturels. Dans une allocution au Parlement, Mohamed Sajid, ministre du tourisme, du transport aérien, de l'artisanat et de l'économie sociale, a promis d'intégrer, après concours, de nouveaux guides d'espaces naturels dotés de compétences professionnelles «malgré leur illettrisme». «Suite à l'incident déplorable d'Imlil et dans un élan de solidarité avec les jeunes de la région, les autorités ont délivré des autorisations d'exercer légalement l'activité de guide de montagne dans la région. Aujourd'hui, par le biais d'une prolongation, jusqu'en 2023, de l'article 31 (expiré en 2017) de la loi 05-12, le ministère peut donner à des guides non autorisés et non diplômés le droit d'exercer la profession. Seules leurs compétences professionnelles ont été retenues. Au même moment, parmi les 1108 guides touristiques (diplômés) ayant réussi leur examen en 2018, seulement la moitié est dotée d'un bon niveau de culture générale, de langues, de présentation et d'élocution. Pour une réelle mise à niveau, un an de formation à l'Institut du tourisme de Tanger est nécessaire», déplore Jamal Saadi, guide touristique et ex-président de la Fédération nationale des guides touristiques. Nécessité de former les nouveaux guides agréés Les guides touristiques agréés dénoncent «un rabaissement criard des exigences en termes de qualification des guides par le ministère» au détriment de la qualité des prestations accordées au touriste. «Notre objectif n'est pas de s'opposer contre l'intégration de guides touristiques qualifiés, formés, polyglottes et diplômés d'au moins une licence ou équivalent comme stipulé dans la loi n°05-12. Ce que nous dénonçons c'est l'intégration de nouveaux guides sans niveau d'instruction sous prétexte qu'ils ont des compétences professionnelles. Comment peuvent-ils parler au touriste de la culture, des traditions, de l'histoire du Maroc, défendre sa politique étrangère...», déclare Hassan Janah, président de la Fédération nationale des guides de tourisme au Maroc. Au moment où le ministère veut intégrer «tout le monde», les guides, considérés comme des ambassadeurs du Maroc auprès des touristes, espèrent tirer la profession vers le haut. Ils ont 30 ans de métier, voire plus, et déplorent un manque de rigueur pouvant «anéantir» la profession et lui ôter tout prestige. Pour M. Janah, sur les 147 guides appelés en 2018 pour exercer dans la région de Fès, seule une vingtaine est opérationnelle. «Beaucoup d'entre eux doivent être formés aux notions élémentaires de présentation et d'élocution ainsi qu'aux comportements décents à adopter chaque jour face aux touristes. Avec cet effectif supplémentaire, une trentaine d'anciens guides ne trouvent plus de travail même en haute saison», avance M. Janah. Plusieurs demandes de reconversion des guides d'espaces naturels en guides de villes La profession de guide des villes et circuits touristiques semble très plébiscitée. «En outre, avant même l'intégration de ces nouveaux guides des espaces naturels, nous assistons déjà à des demandes de reconversion de guides d'espaces naturels de la région de Drâa-Tafilalet (345) désormais installés à Fès et Marrakech en guides de villes. Leurs demandes sont déposées auprès de la direction de la réglementation et de la qualité chez le ministère», renchérit M. Janah. Comme cité précédemment, l'effectif total des guides touristiques au Maroc est de 3808. Avec l'intégration d'une nouvelle vague de guides d'espaces naturels, ce chiffre devrait encore augmenter. «Si le phénomène des faux guides se rétracte grâce aux autorisations de travail et à l'octroi de badge professionnel à tout-va, on se retrouvera face à un nouveau phénomène, celui du chômage des guides agréés. Comment peut-on confier un groupe de touristes à un guide qui ne pourra ni lire les noms des touristes sur les passeports ni remplir les vouchers», s'alarme Mohamed Bouchaab, ex-président de l'Association des guides d'Agadir et membre de la Fédération internationale des guides. Les agents de voyages et les riads sont les premiers clients des guides touristiques auxquels ils font appel afin d'accompagner leurs clients dans les circuits. S'ils ne sont pas qualifiés, les guides seront tout simplement rejetés. «Il existe certes des "faux" guides qui ne réalisent pas de circuits et de visites de monuments. Faute de qualification, ils deviennent rabatteurs de bazars. Ils travaillent gratuitement et obtiennent une commission sur les achats des touristes. Devra-t-on aujourd'hui légaliser cette pratique sous prétexte d'absorber le chômage ?», s'alarme M. Saadi. Les diplômés chômeurs existent. Certains détiennent des doctorats en langues, en sociologie ou autres. D'autres préconisent entre 3 et 6 mois de formation pour l'éligibilité au métier de guide. Le ministère a pour sa part confié la formation obligatoire de 45h après obtention de l'agrément à la Fédération nationale des guides touristiques. Son président actuel témoigne que le budget est inexistant. Une issue favorable est espérée.