Le danois Novo Nordisk de nouveau accusé de dumping par Sothema. Une requête pour la reconduction du bouclier antidumping mis en place en 2012 a été déposée. Sothema vise une révision à la hausse du droit de douane supplémentaire. Les laboratoires Sothema ont déposé une requête auprès du département de défense commerciale relevant du ministère de l'industrie et du commerce, en vue de reconduire le bouclier antidumping accordé en 2012 contre l'insuline en provenance du Danemark. En effet, Novo Nordisk est de nouveau pointé du doigt pour ses pratiques anticoncurrentielles, en l'occurrence la baisse drastique des prix de son insuline, et ce au-dessous du coût de revient de Sothema. L'industriel danois subit, depuis 7 ans, un droit de douane supplémentaire de 13,89%, remettant son prix de vente au niveau de la moyenne du marché marocain. Cependant, le bouclier dont bénéficie Sothema arrive à échéance fin octobre 2019, et les craintes de voir le même scénario se reproduire se renforcent. Notons que Laprophan, distributeur de Novo Nordisk au Maroc, est visé par ricochet. Lamia Tazi, directrice générale de Sothema, se livre sur cette guerre commerciale qui n'en finit pas. La position de Lamia Tazi, directrice générale de Sothema. Vous demandez un réexamen de la mesure antidumping contre Novo Nordisk. La donne a-t-elle changé ? Dans un but de sauvegarder la production nationale de l'insuline et d'assurer une sécurité permanente des approvisionnements du marché local, Sothema a introduit une requête en vue du réexamen du droit antidumping appliqué sur les insulines importées originaires du Danemark. Sothema a constaté qu'à l'approche de la fin de l'application de la mesure antidumping prévue le 28 octobre 2019, Novo Nordisk a recommencé ses baisses abusives des prix. Sothema redoute qu'une fois la mesure échue, Novo Nordisk poursuivra ses baisses de prix dans un but de l'écarter du marché des appels d'offres du ministère de la santé, lequel marché représentant 90% de son chiffre d'affaires sur l'insuline. Sothema prévoit, qu'après l'expiration du droit antidumping en octobre prochain, Novo Nordisk baissera encore ses prix en dessous de nos prix de revient. Au Brésil, il a, à coup de dumping sauvage, fait disparaître une industrie prometteuse d'insuline représentée par la société brésilienne Biobras. Juste après la disparition de cette dernière, Novo Nordisk a profité de son monopole du marché pour multiplier ses prix par deux. Qu'avez-vous remarqué sur les récentes actions de Novo Nordisk sur le marché marocain que les conclusions de l'enquête précédente n'ont pas relevées ? D'abord, je dois rendre hommage à l'équipe de la défense commerciale relevant de notre ministère du commerce et de l'industrie pour son professionnalisme et son impartialité et indépendance. Sothema n'a jamais cherché à monopoliser le marché marocain de l'insuline, ce qui n'est pas le cas de Novo Nordisk. Un monopole serait préjudiciable aussi bien pour notre pays que pour le patient marocain car, en cas de rupture ou d'un quelconque autre incident, c'est bel et bien le Marocain insulinodépendant qui en fera les frais au détriment de sa santé, comme cela fut le cas en 2018 et 2019 en raison des longues ruptures causées par Novo Nordisk ayant pris en otage des milliers de Marocains qui ne trouvaient plus d'insuline dans les hôpitaux publics. Ces deniers étaient obligés de se rendre aux pharmacies pour payer l'insuline de Novo Nordisk à un prix 10 fois supérieur à celui des appels d'offres (la même insuline de Novo Nordisk est vendue à 192 DH sur le marché privé alors que le prix de l'insuline fabriquée par Sothema est de 85 DH le flacon sur le marché privé). Sollicitée en urgence par le ministère de la santé, Sothema avait «dépanné» les hôpitaux publics par des livraisons de stocks d'insuline, ce qui a permis de sauver la vie à des milliers de malades. L'inaccessibilité à l'insuline présente un risque majeur pour l'humanité. Ce phénomène a été abordé dans une étude scientifique parue en novembre 2018 dans The Lancet Journal qui a indiqué «qu'un risque de pénurie d'insuline se profile à l'horizon, alors que le marché mondial est dominé par seulement trois fabricants, dont Novo Nordisk qui contrôle environ 50% du marché». Les scientifiques préviennent qu'il est impératif de rendre ce médicament plus disponible, tout particulièrement en Afrique qui sera la plus touchée par la pénurie. Selon les prédictions, le nombre d'adultes ayant besoin d'insuline sera de 80 millions en 2030. Seulement 38 millions auront accès à l'insuline. Une réunion avec les représentants du ministère de tutelle est-elle prévue pour bientôt ? Normalement, après l'ouverture de l'enquête suite à notre requête, des auditions seront programmées. Les enquêtes menées par le département de défense commerciale peuvent durer jusqu'à 18 mois. Quel droit de douane provisoire visez-vous ? Ne voulant pas revivre la même situation préjudiciable que nous avons vécue entre 2011 et 2016, suite au dumping de Novo Nordisk où Sothema a perdu successivement des appels d'offres d'une quantité totale d'environ 12 millions de flacons et d'une valeur totale d'environ 230 millions MAD, nous appelons à la remise en place du droit antidumping contre les insulines importées du Danemark, tout en révisant ce droit à la hausse afin qu'il soit équitable et qu'il garantisse à Sothema une marge raisonnable. Ce genre de protection est courant même dans les pays les plus libéraux comme aux Etats-Unis qui a instauré 25% de droits de douane sur les importations de fer, ce qui a relancé l'industrie sidérurgique américaine avec la création de milliers d'emplois nouveaux. En conclusion, Sothema appelle à protéger la fabrication locale de l'insuline. Défendre un laboratoire national qui assure la fabrication de l'insuline depuis des décennies, garantissant au Maroc une sécurité sanitaire et des centaines d'emplois qualifiés ainsi que des rentrées de devises, est un devoir national.