Elotmani, Elyazghi, Bahraoui, Chaà¢bi… La plupart des têtes d'affiche devraient se représenter. A Rabat, la bataille s'annonce rude, duels de ténors politiques en vue. Les chefs de partis préfèrent les circonscriptions «calmes». Absence des femmes, transhumance, fortes rumeurs de corruption. Les élections de 2007 seront-elles vraiment différentes ? Rabat, bientôt un champ de bataille électoral ? A cinq mois des élections législatives, les premières tensions se font jour, les rumeurs commencent à circuler. Pourtant, les candidatures ne sont pas encore officielles puisque les partis ne devraient commencer à finaliser leurs listes qu'entre la mi-mai et le mois d'août. Qu'à cela ne tienne, dès aujourd'hui, plusieurs formations reconnaissent avoir déjà sélectionné au moins la moitié de leurs candidats voire la majorité. Et si l'on rechigne à livrer des noms, les processus de distribution des accréditations étant encore en cours, suffisamment d'entre eux se dégagent pour présager de batailles sanglantes en septembre. Conformément à la tradition, Rabat devrait plus que jamais mériter son surnom de «triangle de la mort». Déjà considérée comme un terrain dangereux en 2002 pour sa forte concentration en ténors politiques, la capitale devrait assister en septembre à l'arrivée de nouveaux challengers. Ainsi, les trois sièges de la circonscription de Rabat-Chellah, qui comprend les quartiers de Takaddoum, Souissi, El Youssoufia, et Hassan, devraient être disputés, entre autres, par Omar Bahraoui, Driss Lachgar et Abdellah Baha, respectivement maire haraki de la ville, chef du groupe USFP à la Chambre des représentants et son alter ego PJD. Tous trois élus actuels de la même circonscription, pour garder leurs sièges, ils devront faire face à Faouzi Chaâbi, fils de Miloud Chaâbi, ainsi qu'à l'ancien jeune loup de l'USFP, Abdelkrim Benatiq, qui, depuis Rabat, dirigera l'assaut du Parti travailliste sur le Parlement. La deuxième circonscription de Rabat, qui recouvre entre autres les quartiers de Yacoub El Mansour, Agdal et Riyad, a beau comprendre un siège de plus, elle n'en est pas moins dangereuse. Ici, les trois candidats sortants, Mohamed Elyazghi (USFP), Abdelhamid Aouad (PI) et Mohamed Aujar (RNI) auront notamment à en découdre avec Saïd Oulbacha, candidat haraki et secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, et Abdelmajid Bouzoubaâ, secrétaire général du Parti socialiste. La bataille s'annonce d'autant plus dure qu'une autre pointure risque de se jeter dans la mêlée. Il s'agit de Mohamed Sassi (membre fondateur du PSU), poussé au front, alors que deux autres leaders de son parti, à savoir le secrétaire général, Mohamed Moujahid, et l'ancien numéro un de la GSU, Mohamed Bensaïd Aït Idder, ont annoncé leur décision de ne pas se présenter. Face à de tels concurrents, le candidat du PJD aura fort à faire. Il reste, toutefois, à connaître son identité. Car, pour l'heure, il n'est pas acquis que le parti reconduise son actuel représentant dans la circonscription, Lahoucine Kerroumi, également président du conseil de l'arrondissement de Yacoub El Mansour. Face à une telle concurrence, les têtes de plusieurs listes devront aussi prendre en compte un électorat difficile. «Cette circonscription se caractérise par une importante concentration d'étudiants, de fonctionnaires et un des taux de scolarisation les plus élevés», indique Mohamed Aujar, qui déplore que la concurrence soit autant concentrée sur son territoire. «Le pays a besoin de tous ses candidats, pourquoi s'entretuer dans une seule circonscription ? En principe, s'il y avait une majorité bien définie, elle ne placerait pas des ténors pour s'entretuer», souligne-t-il. En dehors de la capitale, d'autres points chauds vont également attirer de grosses pointures. C'est le cas de Casablanca, où l'USFP, renforcée par une opération portes ouvertes qui, selon des sources internes, lui aurait rapporté quelque 15 000 nouveaux membres, semble décidée à récupérer son ancien territoire, tombé entre les mains du PJD. Pendant ce temps, le parti islamiste devrait se faire discret à Anfa où, conformément à son accord avec Forces citoyennes, il devrait prêter main forte à Abderrahim Lahjouji. Abdessamad Haïkar et Rachid Medouar, tous deux élus PJD d'Anfa en 2002, devront-ils se contenter de la deuxième et troisième position ? En attendant, le combat s'annonce intéressant entre l'ancien chef du patronat marocain et la secrétaire d'Etat à la famille, Yasmina Baddou, en territoire familier puisque, dès 2002, à Casa-Anfa, elle était devenue une des premières femmes élues sur liste locale. Ailleurs, la tension baisse légèrement. C'est d'ailleurs loin des principaux champs de bataille que la plupart des chefs de partis devraient se présenter, laissant présager un retour au Parlement sans trop de difficultés. Ainsi, Abbas El Fassi, secrétaire général du parti de l'Istiqlal, a choisi Larache, où il a déjà été élu en 2002. Ismaïl El Alaoui, s'il venait à se présenter, devrait probablement le faire à Sidi Slimane, dans la région de Kénitra. Pendant ce temps, Mohand Laenser, secrétaire général du MP, devrait se présenter à Boulemane, tandis que Mustapha Mansouri, l'un des prétendants à la présidence du RNI, annonce son intention de se présenter, pour la quatrième fois depuis 1993, à Laroui, dans la province de Nador, son chef-lieu d'origine, mais aussi la petite ville dont il préside la municipalité… Idem du côté de Saâd-Dine Elotmani, du PJD, qui devrait se représenter, sauf surprise, à Inezgane, dont il est originaire. Pendant ce temps, Ali Belhaj (ADL), annonce son intention de se présenter dans sa commune de prédilection, Dar Bouazza ; Abderrahmane El Kadiri (PND) à Berrechid, et Najib El Ouazzani (Al Ahd) à Nador. Ainsi, de belles batailles s'annoncent pour septembre, à condition que les accréditations distribuées confirment les candidatures annoncées. Depuis que la loi sur les partis politiques les oblige à inclure «le mode de choix des candidats du parti aux différentes consultations électorales et les organes qui en sont chargés» dans leurs statuts, ces derniers ont été amenés à coucher sur le papier voire à mettre en place des mécanismes très complexes pour la désignation de leurs candidats : un traitement centralisé des candidatures pour le MP, un système de points pour l'Istiqlal et un système de désignation des candidats par la base assorti d'une possibilité de veto du bureau politique pour le PJD. La complication est différente pour le PSU qui doit négocier ses candidatures avec le PADS et le Congrès national Ittihadi (CNI), ses partenaires au sein du RGD (Rassemblement de la gauche démocratique), avec lesquels il projette de présenter une liste commune. «Nous allons nous préoccuper de l'intérêt général. Pour nous, l'objectif est d'obtenir le plus grand nombre de voix et de sièges. Il s'agira de présenter une équipe unie, et nous voudrions au moins dépasser les 5%, sinon les 6%», explique Mohamed Moujahid, secrétaire général du PSU, en référence aux seuils d'accès à l'aide financière de l'Etat et à la liste nationale réservée aux députés femmes. Pas d'illusions, toutefois. Aussi sophistiqués qu'ils soient, ces systèmes de désignation des candidats n'impliquent pas un changement majeur au niveau des profils choisis. D'un bout à l'autre du champ politique, les notables et les individus déjà «montés» au Parlement ont la cote, tandis que les programmes politiques continuent de jouer un rôle secondaire. Exemple extrême, au RNI, la crise de succession vécue par le parti et les retards qu'elle a engendrés en matière de préparatifs électoraux au niveau national n'ont pas empêché les candidats de commencer à se mobiliser au niveau local, sans attendre les accréditations… Un point certes positif pour le RNI en crise, mais qui signifie aussi que la transhumance des élus a de beaux jours devant elle. Parmi les transhumants, l'on retrouvera, par exemple, plusieurs membres du RNI passés au MP ou à l'USFP, dont Hassan Derhem, ex-élu de Laâyoune, pressenti pour porter les couleurs du parti de la rose dans la même ville en septembre prochain. D'autres ont quitté le MP pour le RNI ou encore l'USFP, tels Saïd Raïs ou un autre membre du MP qui aurait récemment contacté le président de la Chambre des représentants, Abdelouahed Radi, pour négocier un passage vers l'USFP. Malgré les condamnations officielles, ces transhumants sont encouragés par l'accueil positif des partis. Après tout, pourquoi les refuseraient-ils, surtout quand ils apportent avec eux des voix, des électeurs et même des sièges ? Dans deux partis de la majorité, l'on reconnaît qu'ils sont acceptés, à condition qu'ils n'en demandent pas trop, à savoir des places dans les hautes instances, réservées aux cadres bénéficiant d'une certaine ancienneté… Pendant ce temps, les femmes continuent de se faire rares au niveau des listes locales. Si, à l'Istiqlal, l'on fait état d'une vingtaine de candidatures féminines à sélectionner, ces dames restent trop peu nombreuses à vouloir se présenter sur le terrain. Pourtant, les exceptions existent. Ainsi, la députée PJD de Fahs Bni Makada, à Tanger, Fatna Belahcen, devrait se présenter sur liste locale à nouveau, bien que sa circonscription ait récemment fait l'objet d'un remaniement. De même, au PPS, c'est très probablement la maire d'Essaouira, Asmaâ Chaâbi, qui devrait se présenter à la tête de la liste PPS de la ville des alizés dont le député PPS actuel se trouve être… son père, Haj Miloud Chaâbi. Malgré tout cela, ce mal qu'est la transhumance apparaît relativement bénin par rapport aux rumeurs de corruption de plus en plus insistantes qui commencent à courir, particulièrement à Rabat, où des accusations à peine voilées sont formulées à l'encontre de certains candidats. Celles-ci font notamment état de la distribution de bons d'achat de denrées alimentaires, de voyages organisés, de menaces à l'encontre de militants œuvrant pour la concurrence ou encore de fêtes coûteuses organisées à l'occasion de Aïd El Mawlid. Même des obsèques – financées par des candidats prêts à tout pour glaner des voix – n'auraient pas échappé à la tendance… S'il n'est pas exclu que de telles accusations puissent avoir été formulées pour nuire à la concurrence, la multiplicité des sources qui les rapportent prête à réfléchir. Quand on sait que nous ne sommes qu'au début de la course électorale, l'on se demande si les procès des conseillers, accusés de corruption, au lendemain des élections du 8 septembre dernier, ont vraiment servi à quelque chose… Surprise Ils ne se présentent pas… Dans un milieu où les élus ont tendance à cumuler les mandats, souvent dans des territoires acquis, ce sont plutôt les non-candidatures qui attirent l'attention. L'année 2007 sera ainsi marquée par l'absence de Mohamed Bensaïd Aït Idder. Selon ses camarades du PSU, le fondateur de l'ex-GSU, 82 ans et parlementaire depuis 1984, aurait décidé de renoncer à un nouveau mandat dans la circonscription de Chtouka Aït Baha «pour ouvrir le terrain à la jeunesse». Dans le même parti, le secrétaire général du PSU, Mohamed Moujahid, a lui aussi décliné l'idée d'une candidature : «C'est déjà très difficile d'être secrétaire général du parti et de continuer d'exercer en tant que médecin. Devenir parlementaire en plus, c'est impossible», explique-t-il. Enfin, Nizar Baraka, membre du comité exécutif de l'Istiqlal et présenté comme l'un des futurs ténors du parti d'Abbas El Fassi, indique lui aussi son intention de ne pas se lancer dans la course. Surprise ? La décision est stratégique. «Une des raisons pour lesquelles je ne me présente pas, c'est que je compte me présenter pour les élections communales. Je préfère commencer par la démocratie locale», explique-t-il. Une stratégie qui s'avérera sans doute payante sur le long terme. Longévité «Serial candidats» Si, à 82 ans, Mohamed Bensaïd Aït Idder a fini par se retirer de la course aux sièges, il n'en est pas de même pour un grand nombre de parlementaires qui se préparent aujourd'hui à ajouter de nouveaux mandats à leur score. Parmi ces derniers, l'on notera Abdelouahed Radi, député depuis 1963 (à l'exception de la législature de 1970), qui devrait très probablement présenter une nouvelle candidature, gardant ainsi, à l'âge de 72 ans, son statut de doyen du Parlement. Parmi les nombreux récidivistes, l'on notera également Abderrahmane El Kadiri, secrétaire général du PND, candidat à Berrechid, et qui devrait prétendre à son cinquième mandat depuis son entrée au Parlement en 1977. Mustapha El Mansouri, actuel ministre de l'emploi et de la formation professionnelle, devrait se présenter, pour sa part, pour la quatrième fois à Laroui, non loin de Nador, son chef-lieu d'origine, mais également petite ville dont il préside la municipalité. Plusieurs chefs de parti font partie du lot, dont Mohamed Elyazghi, présent au Parlement depuis 1977, Mohand Laenser, Abbas El Fassi, etc.