Depuis une vingtaine d'années- et malgré les efforts consentis pour le financement du secteur de la santé- les ménages continuent à couvrir plus de 50% des frais de soins. Sur papier, la stratégie est séduisante. A l'horizon 2025, Anas Doukkali promet de ramener le ratio des dépenses directes des ménages en matière de santé à 25%, exactement ce que préconise l'OMS. Pour cela, il compte entre autres sur l'effet mécanique de la mise en place de l'assurance maladie des indépendants dont le déploiement est prévu –en théorie – pour 2020 avec à la clé l'entrée dans le système de quelque 11 millions de nouveaux adhérents. Le hic, c'est que même pour les métiers les mieux organisés (avocats, médecins, architectes…) dont les négociations sont en cours pour définir les modalités de leur intégration, le chantier avance très lentement. En définitive, on est clairement en droit de douter de la faisabilité de la stratégie du ministre. D'autant plus que depuis une vingtaine d'années- et malgré les efforts consentis pour le financement du secteur de la santé- les ménages continuent à couvrir plus de 50% des frais de soins, soit un peu plus de 30 milliards de DH. Un indicateur inquiétant auquel se sont attelé bien des ministres avant Doukkali. Ils ont comme lui présenté des stratégies et se sont engagés sur des deadlines pour le réduire de moitié. Les résultats n'ont pas suivi, et le Maroc est toujours au même niveau de couverture des charges par les ménages. Autre indicateur édifiant: le reste à charge, qui indique la part qu'un assuré finance, s'élève à 34%, selon l'ANAM. Un ratio qui demeure très élevé malgré l'élargissement des paniers de soins et de la population éligible. En outre, comment réussir cette stratégie si l'hôpital public qui, en principe, donne la mesure de l'efficacité du secteur de la santé au Maroc renvoie une image des plus ternes? Il ne joue pas son rôle en tant que régulateur de tout le secteur, ni en tant que facilitateur de l'accès de la population aux soins. Résultat : le taux de captation par ce service public des ressources de l'assurance maladie obligatoire ne dépasse pas les 10%. C'est dire que le secteur a besoin d'une vision opérationnelle avec des mécanismes d'implémentation concrets, et ce afin d'éviter de mettre des fonds faramineux dans un projet où, dès le départ, le risque de non-aboutissement n'est pas à écarter. «Nous sommes bons quand il s'agit de mettre en place des stratégies. Nous ne sommes pas autant performants quand il s'agit de les déployer», commente un fin connaisseur du secteur.