La campagne de reconstitution biologique réalisée en 2018/2019 a touché 38 000 ha. Les superficies reboisées sont passées de 17 000 ha par an avant 2004 à plus de 40 000 après 2004. Le plan décennal 2015-2024 prévoit de maintenir les mêmes efforts de reconstitution des écosystèmes naturels. Mohamed Endichi, directeur de la lutte contre la désertification et de la protection de la nature au Haut commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification (HCEFLCD) révèle dans cet entretien le résultat de l'ensemble des opérations de préservation de la nature au Maroc. Des progrès significatifs ont été réalisés en matière de préservation de la biodiversité et de lutte contre le braconnage. Où en est votre programme de reboisement ? La superficie totale sur laquelle porte la campagne de reconstitution biologique 2018/2019 est de 38 000 ha (50% de reboisement, 31% de régénération et 19% d'ASP (Amélioration sylvo-pastorale). Le taux de plantation à la date du 22 mars 2019 est de 90%. Le reste à planter concerne les périmètres d'amélioration pastorale dont le délai biologique de plantation s'est terminé à la fin du mois de mars. Le mécanisme de compensation financière de la privation du droit de parcours en domaine forestier, créé par la loi 1855-01, et adopté par le HCEFLCD depuis 2002, (250 DH/ha reboisé, 350 DH/ha pour le cas de l'arganier), a permis une réelle dynamisation du développement local des zones péri-forestières et d'assurer une nette amélioration des taux de réussite des périmètres de reboisement. Il y a eu la création de 166 associations d'éleveurs jusqu'à aujourd'hui, regroupant 16000 adhérents gérant 97 000 ha. Le montant de la subvention est passé de 1,5 MDH en 2005 à 25 millions. Et en amont ? L'effort soutenu entrepris depuis les années 50 a permis le reboisement de près de 1 400 000 ha dont 400 000 ha depuis 2004. Les superficies annuellement reboisées ont connu un accroissement significatif durant les 15 dernières années, passant de 17000 ha /an avant 2004 à plus de 40 000 ha/an en moyenne, et ce, malgré les contraintes liées aux irrégularités du climat et aux oppositions de la population locale. Pour ce faire, plus de 35 millions de plants forestiers sont produits annuellement au niveau de plus de 50 pépinières au niveau national. Le plan décennal 2015-2024 prévoit de maintenir cet effort soutenu de reconstitution des écosystèmes naturels. Grâce à cette stratégie, le couvert forestier, qui était en régression de 1% au cours de la décennie 1990-2000, a connu une augmentation de 2% durant la décennie 2000-2010, soit un gain de 3% en couvert forestier. Ceci a permis au Maroc d'être parmi les 25 pays dans le monde qui ont pu relever ce défi. Avez-vous procédé à une évaluation du programme de lutte contre la désertification ? Quelles en sont les conclusions ? Les efforts de lutte contre la désertification ont permis d'atteindre des résultats importants. Il s'agit, primo, de l'homologation de 98% du domaine forestier dans le cadre du programme de sécurisation foncière. Secundo, les actions de préservation des espaces forestiers a permis la réhabilitation des écosystèmes dégradés par le reboisement des espèces autochtones sur une superficie de 730 000 ha dans le cadre du programme de conservation et de reconstitution des écosystèmes forestiers. Nous avons aussi créé 38 réserves naturelles et 154 sites d'intérêts biologiques et écologiques, couvrant une surface de 2,5 millions d'ha, dotés de plans d'aménagement et de gestion dans le cadre du programme de conservation et de valorisation de la biodiversité. Concrètement, comment peut-on quantifier tout ça ? Toutes les actions de conservation, de réhabilitation et de valorisation de l'espace forestier préservent la productivité des écosystèmes et génèrent des avantages éco-systémiques qui sont estimés en moyenne à 11,7 milliards de DH par an, soit environ 1,5% du PIB national (2010). L'accélération de l'investissement dans ces actions de gestion durable des terres permettra d'éviter les pertes induites en cas d'inaction. Aussi, dans le cadre du programme d'aménagement des bassins versants, nous avons effectué un traitement biologique et mécanique des terres pour lutter contre l'érosion. Ceci a permis de préserver la productivité des terres dans les zones rurales en amont des barrages sur une superficie de 850 000 ha. Selon des évaluations récentes, ces efforts génèrent des avantages en termes de gain de productivité estimés en moyenne à 250 MDH par an. Outre ces avantages, la lutte contre la pauvreté et le développement humain dans les zones rurales en amont pourraient bien profiter des effets et des externalités positives, moyennant une redistribution équitable de la richesse inhérente à la valorisation de l'eau par les secteurs économiques en aval. Cette redistribution, si elle est bien entreprise, contribuera durablement à lutter contre la précarité et à mettre fin à des situations de rupture dans le développement humain entre l'amont et l'aval des bassins hydrauliques. Qu'en est-il de l'ensablement ? La création de sept ceintures vertes et la fixation mécanique et biologique des dunes littorales et continentales (source de sable), sur une superficie de 40 050 ha dans le cadre du programme de lutte contre l'ensablement ont eu des impacts très significatifs et permettent de protéger bon nombre d'agglomérations, des palmeraies et écosystèmes oasiens, et également des infrastructures hydro-agricoles et routières. Les forêts marocaines abritent certaines espèces dites disparues, protégées ou en voie de disparition. Le Haut commissariat a-t-il un rôle à jouer à ce propos ? Au Maroc, il y a une prédominance des écosystèmes forestiers stricts (forêts) et des écosystèmes pré-forestiers (matorrals, steppes, etc.), favorisant le développement d'une flore riche estimée à 7000 espèces avec un taux d'endémisme d'environ 20 % et une faune très diversifiée avec plus de 24 000 espèces. Toutefois, nombreuses sont les espèces qui ont déjà disparu et d'autres se trouvent menacées de disparition. La surexploitation des ressources naturelles, la perte et la fragmentation d'habitat, la déforestation, les incendies, le surpâturage, l'urbanisation et la pollution auxquels s'ajoutent les conditions climatiques sévères constituent les principales menaces qui pèsent sur la faune au Maroc. Face à cette situation, le Haut commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification a mis en place une stratégie nationale ambitieuse. Des résultats satisfaisants ont pu être atteints durant le programme décennal 2005-2014, dont notamment le maintien à l'état sauvage des populations de la gazelle dorcas, de la gazelle de cuvier et du mouflon à manchettes ainsi que la restauration de certains de leurs habitats. Les effectifs de la gazelle de cuvier dépassent aujourd'hui les 2000 individus. Le Maroc dispose aussi des plus grands stocks mondiaux des gazelles dorcas, des gazelles dama, des oryx et des addax répartis sur 26 enclos. Un établissement de groupes fondateurs: addax et gazelle dama, dans la station d'acclimatation de la faune saharienne de Safia dans la province de Bir Guendouz, et de l'oryx et de la gazelle dama dans la station d'acclimatation de Msissi a été également réalisé. Comment le Haut commissariat gère-t-il l'occupation temporaire du domaine forestier ? Conformément à la législation forestière, toute occupation temporaire du domaine forestier est assujettie à une procédure qui tient compte à la fois des impératifs du développement et des aléas de la conservation. Ces mesures précisent qu'en cas d'absence d'alternatives, l'occupation temporaire du domaine forestier peut s'opérer pour une durée limitée tout en exigeant le paiement d'une redevance annuelle dont le montant est fixé par une expertise provinciale conformément aux termes de la note circulaire n° 4217 du 15/09/2015 complétant la circulaire n°2088 du 03/05/2011 sur la gestion du patrimoine national forestier. Cependant, il existe plusieurs redevances. Les redevances relatives à l'occupation du sol, les redevances relatives à la quantité minimale et à la surface bâtie en matériaux à caractère léger, la taxe FNF (Fonds national forestier) et la compensation du domaine forestier, appliquée depuis 2004, qui est une disposition appliquée à toutes les autorisations d'occupation temporaire. A partir de 2015, les occupations temporaires du domaine forestier pour les exploitations de carrières sont octroyées dans le cadre de l'appel à la concurrence. Le braconnage persiste malgré les efforts entrepris. A-t-on une évaluation des dégâts causés par ce phénomène ? La lutte contre le braconnage est l'une des préoccupations majeures du Haut commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification. Elle s'opère selon trois niveaux. Le premier niveau est celui de la sensibilisation de la communauté des chasseurs à travers l'organisation, en partenariat avec les associations des chasseurs, de sessions de communication sur la nécessité de conservation et de développement du patrimoine cynégétique national et de l'intérêt d'un engagement effectif de leur part en vue d'une chasse durable et responsable. Le deuxième niveau est l'encouragement de la politique de l'amodiation du droit de chasse aux associations des chasseurs qui contribuent considérablement à la surveillance de leurs territoires de chasse, surtout dans des zones à forte concentration de chasseurs et là où la surveillance par le personnel forestier uniquement s'avère difficile. Cette politique a permis d'intégrer plus de 1100 associations sur plus de 2,8 millions d'hectares. Le troisième niveau consiste en l'exercice de la police forestière visant d'abord la persuasion, et le cas échéant la répression des délits par le personnel forestier constituant un réseau de près de 500 agents qui encadrent le territoire national, notamment dans les régions réputées giboyeuses ou recelant un important potentiel de faune sauvage. Certaines structures du HCEFLCD sont même spécialisées dans la protection de la faune et de la flore sauvage. Quelles sont les régions et les espèces les plus touchées par ce phénomène ? Il n'y a pas de région caractérisée particulièrement par ce phénomène. Son ampleur dépend du degré d'abondance d'une espèce donnée. En tout cas, les tentations de braconnage font face à la mobilisation de la société civile aux côtés du personnel forestier et des autorités administratives impliquées. Cette synergie qui ne cesse de se consolider a donné de très bons résultats. Chaque année, une moyenne de 550 infractions liées à la chasse illicite de la faune sauvage sont constatées selon une répartition uniforme dans toutes les régions du Maroc. Une moyenne de 55 infractions par an porte sur le braconnage d'espèces protégées. Pensez-vous que les moyens mis en place pour lutter contre ce fléau sont suffisants ? La particularité de ces infractions, c'est qu'elles sont perpétrées dans des zones difficiles à contrôler en raison notamment des difficultés d'accessibilité. C'est pour cette raison que la stratégie de lutte contre le braconnage déployée par le HCEFLCD n'est pas basée uniquement sur la répression mais surtout sur un encadrement adéquat des territoires de chasse et l'implication d'autres partenaires dans la conservation de la faune sauvage. L'arsenal juridique a été également renforcé afin de mieux définir les règles de protection et de valorisation durable de la faune sauvage. Comme exemples je citerai la loi sur la police de la chasse révisée en 2006, la loi sur les aires protégées promulguée en 2011, celle relative à la préservation et le contrôle du commerce de la faune sauvage en 2012, la loi sur la pêche dans les eaux continentales, etc.