Ne claquez pas la porte sur un coup de tête. Le monde professionnel est petit et votre réputation vous suivra tout au long de votre parcours. La rumeur de votre départ peut se propager très vite. Réservez la primeur de la nouvelle à votre supérieur hiérarchique. Gardez le contact avec vos anciens collaborateurs, c'est utile pour votre carnet d'adresses. «L'annonce de ma démission l'a laissé sans voix. Mon patron n'a pas admis que je le quitte précipitamment, sans raison valable. La séparation s'est faite dans la douleur», souligne Ali B., cadre commercial dans une multinationale. Ce cadre a connu des déboires même après avoir quitté l'entreprise en question. «Il est allé jusqu'à m'envoyer un courrier pour critiquer ma décision (pour ne pas dire me traiter de "lâche") et nuire à ma réputation par la suite. Pour moi, ce départ était tout à fait légitime, j'aspirais tout simplement à une meilleure qualité de vie». Ce genre de séparation, avec pertes et fracas, tout le monde peut le vivre un jour. Bien que la mobilité des cadres se soit considérablement accélérée ces dernières années, rares sont ceux qui gèrent leur départ avec soin. Si elle est normale, la démission reste un acte délicat Abdelfattah Mouloud, patron d'une société, en sait quelque chose. «J'ai connu la valse des cadres à un moment où l'entreprise vivait des moments difficiles. Changer constamment de têtes, trouver un remplaçant et devoir, de nouveau, l'encadrer, ne plus réussir à fidéliser les anciens… A la longue, cela peut devenir insoutenable. J'ai toujours été étonné par l'attitude de certains collaborateurs qui m'informaient de leur démission par lettre recommandée, sans avoir pris le temps de révéler leurs intentions plus tôt. Ce qui aurait pu changer beaucoup de choses». Eh oui, une démission est une décision délicate, et qui demande beaucoup de tact. Avez-vous pris le temps de gérer vos dossiers importants ? Vos collaborateurs ne vont-ils pas être déboussolés après votre départ ? Avez-vous essayé de ménager la susceptibilité du patron ? Cette dernière question est loin d'être anodine car un patron qui se pense «trahi» est un patron dangereux. Il est préférable de trouver un autre emploi avant d'annoncer vos intentions Karim R., cadre commercial, a dû mûrir sa décision pendant trois mois avant de l'annoncer. «J'ai attendu que la tension retombe pour l'annoncer calmement au patron. Pour ne pas déstabiliser non plus l'équipe, j'ai déniché moi-même un successeur. Le relais s'est fait en toute sérénité», explique-t-il. Pour Patrick Barrau, expert coach et directeur associé au cabinet Maroc Devenir, «quitter son entreprise n'est jamais facile. Souvent, les salariés se laissent submerger par la dimension émotionnelle. Ils confondent les problèmes affectifs liés à leur démission et la réalité professionnelle qui motive leur décision. C'est un obstacle réel à leur évolution de carrière. De leur côté, les patrons ont tout intérêt à rendre transparente l'évolution de carrière des collaborateurs». Même son de cloche pour Mohammed Benouarrek, DRH dans une multinationale, qui souligne qu'il faut démystifier l'acte de démission et le rendre tout à fait «normal», au même titre qu'un recrutement. «Malheureusement, dans certaines entreprises, une démission est synonyme de trahison, surtout pour les postes de responsabilité». Donc, quand on démissionne, il faut savoir y mettre la forme. Vous vous sentez à l'étroit dans vos fonctions ? Vous ne supportez plus l'atmosphère ? Vous aspirez à une meilleure qualité de vie ? à un salaire supérieur ? à décrocher un poste plus motivant ? Autant de bonnes raisons pour aller respirer ailleurs si vous ne voyez aucun espoir se profiler au sein de votre société. Mais attention : ne claquez pas la porte sur un coup de tête. Il faut dire aussi que l'univers professionnel n'est pas si vaste et que votre réputation vous suivra tout au long de votre parcours. La discrétion reste le meilleur moyen pour partir avec les honneurs. Annoncez votre décision seulement quand vous aurez trouvé le job qui vous convient. Ensuite, il s'agit de réserver la primeur de la nouvelle à votre supérieur hiérarchique. Car la rumeur sur votre compte peut très vite se propager. «Je tiens à préserver ma décision. Même mes proches collaborateurs sont tenus à l'écart pour que la nouvelle ne s'ébruite pas», souligne Karim R., notre cadre commercial. Attention à la durée du préavis et à la clause de non-concurrence Autre précaution à prendre avant de vider les lieux : finaliser tous les dossiers en cours. «J'étais en négociation avec un gros client pour une grosse commande. Même si cela a pris plusieurs semaines, j'ai préféré rester pour conclure l'affaire», note ce commercial. C'est épuisant mais payant au bout du compte. Pour sa part, Mohamed Ennaji, responsable des ressources humaines, note qu'il faut rester professionnel jusqu'à la fin de son préavis. «Un dossier mal bouclé laisse une mauvaise impression. Il faut les passer au peigne fin afin de détecter les éventuelles irrégularités pour que votre successeur ou votre patron ne remettent pas en cause votre travail», souligne-t-il. Vous pensez avoir fait l'essentiel ? Pas vraiment, votre départ ne sera pas totalement fini tant que vous n'avez pas encore négocié votre préavis. «Mon ancien patron avait toujours tendance à me retenir pour boucler des dossiers soi-disant prioritaires», souligne le responsable RH. Le meilleur moyen pour partir rapidement ? Proposer un successeur. «J'essaye toujours d'identifier un prétendant. Je le teste. Bien évidemment, je loue ses mérites auprès de la direction. Le patron finit toujours par céder», ajoute-t-il. Mais, attention ! Dans la plupart des cas, le contrat de travail prévoit un préavis d'une certaine durée, souvent fixé à deux mois. Si c'est le cas, on risque des poursuites (même si peu d'employeurs s'y hasardent) en cas de départ précipité. Il peut aussi y avoir, dans votre contrat, une clause de non-concurrence, signifiant qu'il ne vous est pas possible d'intégrer, pendant un laps de temps déterminé une entreprise exerçant une activité similaire. Ces dispositifs légaux doivent être bien gérés pour éviter d'éventuels problèmes. Votre pot d'adieu approche ? Attendez encore avant de manifester votre soulagement. Il est utile de rendre un dernier hommage à son patron et à ses collaborateurs (sans excès de zèle), histoire de perpétuer la relation. «Même après un départ, je n'hésite pas à téléphoner à mon ancien patron ou à déjeuner avec lui. C'est bon pour entretenir son réseau. Et, pourquoi pas, se retrouver dans un nouveau cadre dans le futur?», souligne Ali B., cadre financier dans un établissement de crédit . Les salariés confondent souvent les problèmes affectifs liés à leur démission et la réalité professionnelle qui motive leur décision. C'est un obstacle à l'évolution de carrière. De leur côté, les patrons ont intérêt à rendre transparente l'évolution de carrière des collaborateurs. Restez professionnel jusqu'au bout. Si vous avez droit à un pot d'adieu, c'est que vous aurez bien fait les choses.