Dénicher des profils qualifiés n'est pas tâche aisée pour bon nombre d'employeurs... Les fidéliser l'est encore moins. En ce sens qu'il ne suffit pas de bien rémunérer un collaborateur pour le fidéliser, au contraire, d'autres facteurs entrent en jeu dès lors qu'il s'agit de renforcer l'attachement des équipes à la vision et au développement de l'entreprise. Et les directeurs des ressources humaines en savent quelque chose ! Si bien que le cabinet Diorh vient de mettre à leur disposition une étude sur la question, rendue publique en fin de semaine dernière lors du 6e symposium de l'Observatoire social international-Maroc. Intitulée «Appartenance à l'entreprise, fidélisation : les enjeux», l'étude en question confirme que le premier facteur contribuant à la fidélisation des salariés dans l'entreprise reste principalement la reconnaissance. En effet, chaque salarié quelle que soit sa fonction ou son ancienneté, cherche à être valorisé d'une façon individuelle. D'où l'intérêt de «l'adoption d'une politique de management individualisé par l'entreprise», étaye Abdelkrim Sekkak, DRH de Shell Maroc. À la reconnaissance, vient s'ajouter l'effet de la notoriété de la structure sur le collaborateur ou le prestige induit par la fonction exercée. À ce sujet, Hicham Zouanate, directeur des ressources humaines de la Centrale laitière, souligne que «l'image que transmet l'entreprise au sein de son environnement ainsi que le niveau d'importance des projets qu'elle affecte à ses collaborateurs en font une cible pour les talents à la recherche d'un nouveau poste, mais augmentent aussi le taux d'attachement des actuels collaborateurs». En troisième lieu des facteurs de fidélisation, l'étude cite bien entendu les perspectives d'évolution et de carrière qu'offre la structure aux équipes. Un constat logique pour Azelarab Elharti, directeur général de Centrelec. Pour lui, «l'évolution de carrière reste le point le plus important pour un collaborateur, les jeunes s'intéressant de plus en plus à intégrer des structures où l'évolution de carrière (plus précisément de poste) est garantie». La rémunération, ou la politique de rémunération menée par l'entreprise de manière plus globale, vient en quatrième position, devant la culture d'entreprise et les relations avec le top management. Dans la liste de Diorh, on retrouve également mais surtout, les avantages sociaux. L'échantillon de cadres interrogés ont en effet identifié, dans l'ordre, la couverture sociale de qualité, la retraite complémentaire, la mise à disposition d'une voiture de fonction ou l'aide à l'acquisition d'une voiture, les taux de crédit négociés, les formations individualisées, et enfin les subventions diverses, notamment aux abonnements en salles de sport. Un distingo «sémantique» est d'abord à établir. «Fidéliser ne signifie pas retenir à tout prix», tranche déjà Jean-Pierre Ermenault, directeur général de la Lydec. De l'avis des experts, la fidélisation consiste à créer un environnement de travail qui maintiendra l'attachement des employés à long terme. Cette approche se doit d'être ciblée en orientant les efforts de fidélisation «les employés qui démontrent réellement un intérêt pour l'entreprise», estime Ermenault. C'est la raison pour laquelle un programme de fidélisation doit, avant tout, être fondé sur des valeurs communes à l'entreprise et aux employés: le plaisir, l'investissement personnel et le développement des compétences en sont des exemples. Egalement, la recherche de la cohésion interne et l'instauration d'une culture d'entreprise sont un souci que la plupart des directeurs des ressources humaines partagent. En revanche, «des efforts sont déployés mais doivent encore se multiplier pour mieux professionnaliser les fonctions managériales, et en faire ainsi le principal enjeu de la rétention des talents», révèlent les résultats de l'enquête. Pourquoi la fidélisation ? La fidélisation est certes sensible à préserver, mais elle demeure néanmoins plus intéressante pour les managers que la gestion d'un départ, notamment lorsqu'il s'agit de profils pointus ou de personnes indispensables au sein de la structure. Car, même un employé «fidèle», une fois destabilisé ou dont l'un des facteurs de fidélisation a été perdu, mettra très probablement fin à sa collaboration. C'est généralement en raison de mauvaises relations avec le management, manque d'intérêt ou l'absence de challenge dans l'exercice de la fonction et enfin, des perspectives d'évolution limitées. Les synthèses des résultats de l'étude Diorh prouvent également que la recherche d'une rémunération plus avantageuse n'est pas le principal leitmotiv des cadres pour rejoindre une nouvelle structure, puisque le facteur rémunération vient en dernier lieu dans les raisons de départ listées auprès des cadres interrogés. Il est à noter que les conditions de travail, l'éloignement du lieu de travail ou encore la pression et le stress sont également des facteurs qui poussent au départ, et ce, quel que soit le sexe. «Toutes ces raisons prouvent que l'entreprise doit être encore plus proche de ses collaborateurs afin de connaître leurs besoins et attentes», soutiennent ainsi les Directeurs de ressources humaines. Selon eux, la motivation doit se faire tout au long la période de présence du collaborateur au sein de l'entreprise et non seulement durant la période de préavis. À ce moment, il est déjà trop tard ! Fiche technique L'enquête de Diorh sur les enjeux de la fidélisation des salariés dans l'entreprise a été menée auprès d'une vingtaine d'entreprises, dont 20% des grandes entreprises nationales, 73% des filiales de multinationales et 7% des PME marocaines. Plusieurs secteurs sont représentés, tels que l'agroalimentaire, l'industrie pharmaceutique, les banque et assurances, l'audit et conseil, l'industrie automobile, la grande distribution, le transport, ou encore la distribution des produits pétroliers. Concernant l'effectif moyen chez ces entreprises sondées, il est de 924 salariés. S'agissant du taux d'encadrement moyen, il est estimé à 16%. Le taux de turnover quant à lui est de 3,4%. Notons que 66% de ces entreprises ont déjà mené une enquête de climat social. Au sujet de la politique de rémunération mise en place par ces entreprises, 86% parmi elles disposent d'un système de rémunération variable, au moment ou 80% ont mis en place un management par objectif. Côté formation, 80% des entreprises mènent une étude de recensement annuelle des besoins en formation. Cette enquête auprès des entreprises a été également complétée par uneautre auprès de cadres Middle et Top management, visant à déterminer les facteurs récurrents dans la motivation et la fidélisation des salariés d'une part, et les causes récurrentes de leur départ de l'entreprise, d'autre part. Pour information, l'âge moyen des sondés est de 37 ans. Départs, tout un débat... Le départ reste toujours une décision difficile à accepter par l'employeur, notamment si le collaborateur est une ressource indispensable pour la bonne marche du travail. «Retenir un salarié ne peut se faire naturellement pour une entreprise qui ne se développe pas dans d'autres entités (filiale et bureau à l'étranger)», déclare d'emblée Jean-Pierre Ermenault, directeur général de la Lydec. Selon lui, souvent certaines personnes deviennent indispensables pour l'entreprise. Certes, elles sont très essentielles à la bonne marche du travail, mais si l'entreprise est incapable de leur assurer une continuité de carrière, il vaut mieux ne pas les retenir après une décision de départ. En effet, par une telle décision, l'entreprise se priverait d'un nouveau «savoir-faire et savoir-être», qui aurait pu rejoindre ses troupes. Autrement dit, l'entreprise reste une organisation qui a toujours besoin de sang neuf pour se développer et réussir. Du coup, elle ne doit pas se contenter du savoir et de l'expertise de ses actuels collaborateurs. Elle doit en effet se donner l'occasion d'en recruter de nouveaux, qui vont évidemment apporter de nouvelles idées et une nouvelle méthode de management. De plus, «dès que vous empêchez quelqu'un de partir, vous êtes dans un processus de surenchère», commente cet expert en ressources humaines. «Certes, il faut faire des efforts pour les retenir, mais ne pas les empêcher de partir», soutient-il. Dans un autre sens, il ne faut pas «trop les gâter», car lorsqu'un collaborateur prend une telle décision, cela prouve qu'il en est convaincu et qu'il a des raisons qui le poussent à quitter la structure. Alors tout comportement exagéré positif ou négatif à son égard ne fera que ternir l'image l'entreprise. D'un autre côté, le démissionnaire pourrait occuper un poste susceptible de servir l'entreprise dans l'avenir. Pour cela, le top management, doit être conscient que le départ de l'un de ses collaborateurs, est une grande opportunité, «car cela vous permet d'avoir quelqu'un que vous connaissez bien de l'autre côté, que cela soit chez des concurrents ou chez des partenaires», estime pour sa part Muriel Morin, présidente de l'OSI.