Une nouvelle résolution devait être votée mercredi avec comme enjeu la durée du mandat de la Minurso. En attendant la table-ronde du 4 décembre, le Maroc devra batailler ferme à l'UA, lors du prochain sommet extraordinaire. Le Polisario perd en influence et ses alliés se désistent les uns après les autres. C'est l'une des rares fois où les Etats-Unis s'opposent aux Nations Unies. Le différend sur la durée du mandat de la Minurso entre les deux a même retardé de deux jours la date de l'adoption, par le Conseil de sécurité, d'une résolution sur le Sahara, prévue initialement lundi 29 octobre. Les Etats-Unis ont déjà insisté et obtenu, en avril dernier, la prorogation du mandat de la mission onusienne au Sahara de seulement six mois au lieu d'une année comme d'habitude. Ils veulent reconduire le même mandat pour inciter les parties à avancer rapidement dans le processus de résolution du conflit. L'ONU souhaite, par contre, donner le temps au processus d'évoluer sans précépitation. Le différend ne concerne que ce point. Le reste du projet de résolution basé sur les conclusions du rapport du Secrétaire général de l'ONU ne devrait poser aucun problème au moment du vote qui devait intervenir, au plus tard, mercredi. Le Etats-Unis étant, rappelons-le, le «pen-holder», ou le pays auquel revient traditionnellement de rédiger, après concertation avec les membres du Club des amis du Sahara, le projet de résolution concernant le Sahara qui est soumis au vote du Conseil de sécurité. Ces derniers évènements n'ont pas manqué de susciter une interrogation de taille : Est-ce un signe de changement de position de l'Administration Trump sur la question ? La nomination de «l'ami du Polisario» John Bolton à la tête du Conseil de la sécurité nationale (NSC) aurait-elle un lien avec cet hypothétique changement ? Il faut d'abord préciser une chose. Certes John Bolton «était l'un des rares responsables américains à avoir exprimé, plus d'une fois, son soutien au référendum d'autodétermination pour trouver une solution au conflit du Sahara», rappelle Samir Bennis, conseiller politique et diplomatique basé à Washington. Mais, convient-il, «le ferme soutien de Bolton à la tenue d'un référendum d'autodétermination a amené beaucoup d'observateurs à croire que Bolton est un fervent partisan du Polisario. Toutefois, cette position ne découle pas de son soutien à la création d'un Etat indépendant au Sahara, ni de sa conviction de la légitimité des revendications des séparatistes, mais de son souci que l'ONU joue pleinement et efficacement son rôle et évite de prolonger les conflits à son ordre du jour». Cela d'autant que «le responsable américain ne peut pas faire cavalier seul», conclut-il. Une question technique De même, si du côté du Polisario, et de ses mentors, l'on a tendance à expliquer cette dernière position américaine par «une pression des Etats-Unis exercée sur le Maroc», il n'en est rien de cela, tranche Naoufal Bouamri, juriste et observateur attentif de l'évolution du dossier. Il faut rappeler, explique-t-il, que «la position des Etats-Unis a connu une évolution positive depuis 2012. L'Administration américaine est pour une solution politique négociée». En effet, pas plus tard que le 17 septembre dernier, les Etats-Unis ont réaffirmé que le Plan d'autonomie au Sahara est «sérieux» «réaliste» et «crédible», en soulignant que ce plan est à même de satisfaire les aspirations des populations du Sahara «à gérer leurs propres affaires dans la paix et la dignité». Qu'est-ce qui a changé donc pour que les Etats-Unis réagissent à contre-courant sur cette question du mandat de la Minurso? «Sur le plan politique, il est clair que les Etats-Unis soutiennent le processus de résolution politique engagé par l'ONU ainsi que les efforts de l'envoyé personnel du SG. Leur position, et ils ont insisté sur ce point, ne concerne que le volet technique de l'action de la Minurso. Ils sont les premiers contributeurs financiers à cette mission, et ils exigent des résultats. C'est tout. C'est d'ailleurs une approche globale des Etats-Unis envers toutes les opérations de maintien de la paix dans le monde», commente Naoufal Bouamri. Cela dit, des sources diplomatiques citées par les médias internationaux qui se sont intéressés à la question indiquent que les autres membres du Club des amis du Sahara (formé des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de la Russie, de la France et de l'Espagne) œuvrent pour arriver à un compromis entre les Etats-Unis et l'ONU qui pourrait faciliter l'adoption, à l'unanimité, de la nouvelle résolution. Ce faisant, ce serait de la part du CS une confirmation de son soutien aux efforts de l'envoyé personnel du Secrétaire général et un encouragement à ses initiatives, notamment la table ronde qu'il compte organiser début décembre à Genève. Cela d'autant que la Chine sort de sa neutralité en soutenant la proposition du relèvement du mandat de la Minurso à une année, se rangeant ainsi du côté de l'ONU mais également de la France et de l'Espagne qui soutiennent la position marocaine. La Chine, pays membre permanent du CS, s'est abstenu, rappelons-le, lors du vote de la résolution 2414 en avril dernier, au même titre que la Russie et l'Ethiopie. En plus de la Chine, le Venezuela s'est également fait remarquer par le changement radical de sa rhétorique relative à ce dossier. Ce pays, qui comptait parmi les rares alliés inconditionnels du Polisario en Amérique Latine, appuie désormais les efforts de l'ONU pour une solution politique. Le rétablissement des relations diplomatiques avec Cuba et le changement de position par plusieurs pays d'Amérique Latine ont fait que le Polisario et ses mentors perdent progressivement et inexorablement le terrain sur ce continent. Et partout ailleurs. Le dernier rapport du Secrétaire général recèle d'ailleurs quelques signes le confirmant. Exclusivité de l'ONU «Dans les 19 pages de ce rapport, observe Naoufal Bouamri, le SG n'a jamais évoqué le Polisario autrement qu'en organisation. Et il traite le front en conséquence». Il va sans dire que pour l'ONU, comme d'autres institutions et Etats, le Polisario n'est pas le «représentant unique» des Sahraouis. Des élus des trois régions du Sahara participent désormais aux réunions aussi bien à l'ONU, comme lors de la dernière réunion du Comité spécial des 24, et à l'Union européenne pour représenter les intérêts de la population des provinces du Sud et parler en son nom. Partant de là, et ce, selon ce juriste, avec le temps le Polisario est devenu une «simple partie du conflit dont l'influence sur l'évolution du dossier ne cesse d'affaiblir à mesure que le Maroc enchaîne les victoires diplomatiques en Europe et en Afrique». C'est ainsi que dans ce dernier continent, et après avoir obtenu la neutralité relative de l'Union Africaine, le Maroc ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. C'est d'ailleurs ce qui suscite beaucoup de craintes et provoque l'agitation dans l'autre camp. En effet, l'UA a décidé lors du dernier Sommet, tenu à Nouakchott, de confiner le rôle de cette Organisation régionale à l'appui total et l'alignement complet sur les efforts et le processus onusiens, menés conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, depuis 2007. Le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a d'ailleurs confirmé, pour sa part, une fois de plus dans son dernier rapport au Conseil de sécurité, le caractère exclusivement onusien du processus politique, basé sur les résolutions du Conseil de Sécurité depuis 2007. Ces dernières, y compris la 2414 d'avril dernier, ne mentionnent nullement l'Union Africaine et ne lui attribuent aucun rôle, de quelque nature que ce soit, dans le processus politique concernant le Sahara. Le Souverain a d'ailleurs évoqué ce point dans le discours du 20 Août dernier et a tenu particulièrement à exprimer ses «remerciements» et sa «considération» aux dirigeants africains frères, «qui ont interagi de manière positive avec les positions de principe du Maroc, et qui ont répondu favorablement à l'appel que le Conseil de sécurité a lancé aux membres de la communauté internationale pour soutenir ses efforts». Siège éjectable Cette question ayant été tranchée, ce sont les projets du Maroc à l'UA qui travaillent ses adversaires. Et ce, à l'approche du prochain Sommet extraordinaire qui devra avoir lieu ce mois de novembre. Ce rendez-vous de haut niveau, qui devrait rassembler les chefs d'Etat et de gouvernement du continent, sera axé sur les réformes de l'institution. Et c'est justement ce qui justifie toute cette agitation. Le Polisario et ses soutiens en Afrique appréhendent avec préoccupation cette étape. Ils craignent que le Maroc ne fasse adopter à l'aide de ses amis une résolution qui pourrait éventuellement conduire à l'exclusion, et à défaut à la neutralisation, du Polisario au sein de cette instance. Si les statuts dans leur version actuelle ne prévoient pas la possibilité d'exclure un membre de l'union, rien n'empêche, expliquent certains analystes, que le Maroc avec l'appui des deux tiers des membres arrive à faire adopter un amendement dans ce sens. En effet, d'après la Charte de l'UA (art.32), «les amendements ou révisions sont adoptés par la Conférence de l'Union par consensus ou, à défaut, à la majorité des deux tiers, et soumis à la ratification de tous les Etats membres, conformément à leurs procédures constitutionnelles respectives». Le Polisario est donc préoccupé par la volonté manifeste du Maroc de l'exclure des rangs de l'Union par le dépôt d'une requête de révision de l'Acte constitutif de l'UA lors de ce sommet. Cela d'autant qu'en juillet 2017, 28 Etats africains avaient demandé la suspension de la pseudo-RASD. Atteindre le seuil des deux tiers des membres de l'union (soit 37 membres) semble possible. Quelques jours après avoir livré celle de l'ONU, la diplomatie marocaine aura à peine le temps pour se préparer à une nouvelle bataille dans les arcanes de l'UA. Entre-temps, l'Union européenne aura validé les accords agricole et de pêche en y intégrant les ajustements qui s'imposent de manière à préserver les intérêts du Maroc, un associé de référence, tout en se conformant au dictat des différentes institutions de l'union. [tabs][tab title ="Le Sahara devant la 4e commission, un anachronisme"]L'ambassadeur représentant du Maroc à l'ONU, Omar Hilal, n'a cessé de le répéter, la dernière fois c'était lors d'une déclaration devant la commission il y a un peu plus d'une semaine, le maintien de la question du Sahara marocain à l'ordre du jour de la 4e commission se fait en violation flagrante de la Charte de l'ONU et c'est bien pour cette raison que cette instance onusienne doit s'en dessaisir. Le diplomate a, dans ce cadre, qualifié d'«anachronique» ce double examen de la question du Sahara marocain, en ce sens qu'il «viole l'article 12 de la Charte de l'ONU qui stipule que tant que le Conseil de sécurité remplit à l'égard d'un différend ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la charte, l'Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation». Or, l'objectif des pères fondateurs de l'organisation à travers cet article est justement de prévenir une situation où deux organes onusiens se saisissent d'une même question. Cet article vise également à éviter l'adoption de décisions contradictoires, comme c'est le cas actuellement avec la résolution de la 4e Commission sur le Sahara marocain et celle du Conseil de sécurité sur le processus politique. Le dernier objectif de cet article est de garantir la prépondérance et la prééminence du Conseil de sécurité, qui est la source du droit international et qui demeure le principal organe onusien en charge du maintien de la paix et de la sécurité internationales. C'est pourquoi le Maroc ne cessera jamais d'appeler à la dessaisine de la question du Sahara marocain par la 4e Commission afin de garantir la sérénité et l'atmosphère appropriées pour la relance du processus politique, sous les auspices du Conseil de sécurité. Cela étant, le Maroc n'en continue pas moins de plaider sa cause devant cette commission avec, bien souvent, des résultats probants. C'est ainsi que l'examen de la question du Sahara marocain par la 4e Commission a pris fin, le 24 octobre, par l'adoption d'une résolution réitérant son soutien au processus politique mené sous les auspices exclusifs de l'ONU, afin de parvenir à «une solution politique, réaliste, pragmatique et durable qui repose sur le compromis» à ce différend régional. C'est également devant cette commission que le Venezuela a changé, pour la première fois, de propos sur la question. «Le Venezuela continue de soutenir une solution négociée pour le règlement de la question du Sahara», a déclaré le représentant de ce pays devant la 4e Commission reléguant ainsi au passé ses logorrhées sur la «décolonisation» et le «référendum d'autodétermination». Le diplomate vénézuélien a, de même, souligné que son pays invite toutes les parties impliquées à privilégier le dialogue pour parvenir à une solution juste et durable au conflit autour du Sahara.[/tab][/tabs] [tabs][tab title ="D'autres batailles à livrer devant le «Comité des 24» "]Le Comité spécial des 24 a été créé en 1961 par l'Assemblée générale des Nations Unies pour «étudier l'application de la Déclaration sur la décolonisation et formuler des recommandations sur sa mise en œuvre». Cet organe chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la «Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples colonisés». Le comité se réunit chaque année pour revoir et mettre à jour la liste des territoires concernés par la déclaration. Il écoute des représentants élus et nommés des territoires ainsi que des pétitionnaires, dépêche des missions dans les territoires et organise des séminaires sur la situation de leur système politique, social, économique et éducatif. Lors de sa dernière réunion, le 11 juin dernier au siège de l'ONU, le comité a assuré son plein soutien pour l'initiative marocaine d'autonomie pour la région du Sahara par une majorité d'Etats membres de cet organe subsidiaire de l'Assemblée générale des Nations Unies. Tous ont fait valoir que les efforts de l'ONU visent à parvenir à une solution politique mutuellement acceptable et négociée au différend régional sur le Sahara marocain, avec la participation pleine et entière de toutes les parties, y compris les Etats voisins, et donc l'Algérie, comme le recommandent les résolutions du Conseil de sécurité. Ils se sont félicité du nouveau modèle de développement du Sahara marocain lancé en 2015, doté d'un budget de 8 milliards de dollars, afin d'améliorer le niveau de vie de la population de la région. Notons que cette réunion a vu la participation, pour la première fois dans l'histoire du C24, des élus des provinces du Sud. Il s'agit, en l'occurrence, de Mhamed Abba, vice-président de la région Laâyoune-Saquia El Hamra et de Ghalla Bahiya, vice-présidente de la région Dakhla-Oued Eddahab.[/tab][/tabs]