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«Dans l'assurance, la fraude existe mais son impact est exagéré et mal expliqué»
Publié dans La Vie éco le 13 - 09 - 2018

Pour Nabil Adel, la fraude n'explique pas l'augmentation des sinistres. Il exhorte les autorités de tutelle à pousser les acteurs à faire le métier pour lequel ils ont un agrément, à savoir appréhender un risque, le tarifer et le gérer.
Les assureurs ont procédé ces dernières années à plusieurs artifices pour contrer, selon leur propos, la hausse de la sinistralité de la branche automobile. Leurs actions sont-elles justifiées ?
Quand on analyse la sinistralité de la branche automobile, il faut nuancer par type de garantie et distinguer clairement la responsabilité civile (RC) obligatoire et la partie optionnelle, les garanties complémentaires (GC). Le ratio de sinistralité de la branche assurance – automobile dans son intégralité n'a pas augmenté dans le temps, il a même baissé, passant de 90,45% en 2006 à 63,67% en 2016.
En revanche, ce sont les GC (vol, incendie, bris de glace, dommages, etc.) qui se sont détériorées, et ce, à partir de 2008 jusqu'en 2012, puis en 2016. Cette altération s'explique par une mauvaise décision de management et par le non-respect de deux principes élémentaires de l'assurance :
La mauvaise décision de management tient aux efforts acharnés des assureurs pour développer ces GC, fortement sinistrées, en bradant les tarifs et sans mettre en place les garde-fous nécessaires en termes de contrôle et de pilotage pour éviter les dérapages. Nos calculs nous ont permis d'établir une forte corrélation entre l'évolution de la part des GC dans la prime totale de l'automobile et l'aggravation de sa sinistralité (coefficient de détermination de 70,3%).
La deuxième raison est liée à ce qu'on appelle dans le jargon de l'assurance «l'aléa moral». En d'autres termes, plus un individu est bien assuré, plus il aura tendance à être négligent, surtout si son exposition financière en cas de sinistre est faible. Ce qui est tout à fait le cas des GC qui, dans leur version complète, indemnisent l'assuré même en cas de responsabilité totale et sans qu'il n'y ait un accident avec un autre véhicule.
La troisième raison est à chercher dans le principe que les assureurs appellent «l'antisélection». En vertu de celui-ci, les mauvais assurés (qui le savent et qui le cachent à l'assureur) auront tendance à se surassurer et à souscrire les garanties maximales. A contrario, les bons assurés se contenteraient de l'assurance minimale. Autrement dit, on ne s'assure en GC que quand on sait qu'on est mauvais risque.
Pour réduire l'exposition à ces deux phénomènes, les assureurs font habituellement participer les assurés aux coûts des sinistres (franchises, vétustés, etc.). Or, quand on sait que les assureurs marocains ont non seulement réduit les tarifs en GC pour les développer, mais ont proposé des clauses de rachats de franchises et de vétustés, on comprend que la dégradation de la sinistralité était inéluctable.
Est-ce qu'ils activent aujourd'hui les bons leviers? Leurs efforts ont-ils des chances de réussir ?
Malheureusement non ! Aujourd'hui la doxa ambiante est à l'explication partielle et partiale des résultats et qui ne peut aboutir qu'à de mauvaises décisions. Ainsi, la justification de l'augmentation des sinistres par la fraude est l'arbre qui cache la forêt et ne résiste pas un instant à l'épreuve des faits et des chiffres. S'il y avait une hausse de la fraude, elle aurait eu lieu tant en RC qu'en GC (car très rares sont les cas de sinistres auto ne faisant intervenir que les GC). Or, nous avons vu qu'il n'y avait pas de détérioration globale de la sinistralité, que celle-ci était limitée aux GC (qui représentent 14% des primes) et qu'elle n'affectait pas la profitabilité de la branche automobile dans son ensemble. Cela ne veut pas dire que la fraude n'existe pas, mais tout simplement que son impact est exagéré et mal expliqué.
Quand on analyse la fraude dans l'assurance, il faut distinguer deux types :
La fraude comportementale émanant de l'assuré qui cherche à faire supporter à l'assureur en totalité ou en partie un sinistre qui n'est pas dû (souscription d'une assurance après survenance du sinistre, utilisation d'un événement pour se faire indemniser sur d'autres, etc.). Ce type de fraude évolue lentement et n'augmente pas d'un seul coup.
La fraude institutionnelle. Celle-ci provient de réseaux organisés souvent par des mandataires de l'assureur (intermédiaires, réparateurs, experts, médecins, assurés, etc.). Elle prend le plus souvent la forme de faux dossiers montés de A à Z. Quand la fraude explose subitement, il y a de fortes chances qu'elle soit institutionnelle et non comportementale.
Pour mieux piloter leurs risques, les assureurs doivent agir sur les bons leviers :
Tout d'abord, il y a le levier de tarification. Il est en effet anormal qu'on admette que les déterminants de la sinistralité soient la taille du parc par ville, l'âge du véhicule et l'âge du conducteur et qu'on continue à tarifer sur la base de la puissance fiscale et du type de carburant. Il est temps que les compagnies marocaines fassent le métier d'assureur. Aujourd'hui, l'élaboration d'un tarif auto est un projet de licence en économétrie. Ce n'est pas plus compliqué que cela.
Ensuite, il faut instaurer un pilotage technique des résultats, en mettant en place des systèmes de contrôle des prestataires (base commune des coûts de la main-d'œuvre et des pièces de rechange, une liste noire des prestataires fraudeurs, etc.) et de surveillance du portefeuille (analyse des coûts moyens et de la fréquence).
Enfin, les assureurs marocains doivent penser processus. Ils ont un grand retard dans la mise en place de processus garantissant la qualité, l'intégrité et l'exhaustivité des données qui leur permettent de gérer correctement le risque.
Quel regard portez-vous sur la profitabilité de la branche automobile ?
Le secteur de l'assurance automobile connaît son âge d'or au Maroc. Les primes ont augmenté en moyenne annuelle de 6,5% sur 20 ans contre à peine 5,2% pour le parc automobile et 1,2% pour le coût moyen des accidents. Il en a résulté une excellente profitabilité avec un bénéfice technique de 3 milliards de dirhams en 2016 (contre 2,9 milliards en 2015) pour des primes de 9,9 milliards de dirhams (soit un taux de marge avant impôts de 30,7%). Cette consolidation est expliquée tant par l'amélioration des résultats de souscription que des résultats de placements. Autant dire que c'est une branche qui se porte plutôt bien.
Le secteur de l'assurance est très concentré, étant donné le poids de l'automobile. Quels risques cela recèle-t-il ?
Effectivement en 2016, l'assurance RC – Automobile obligatoire représentait 41,4% des primes, mais presque 80% des bénéfices de l'assurance non-vie ; et 24,5% des primes, mais les 2/3 des bénéfices de tout le secteur. Cette concentration est alarmante et a tendance à s'aggraver dans le temps. Ainsi, la part des résultats de la RC Auto dans l'assurance non-vie est passée de 59,03% en 2007 à 79,02% en 2016, soit 200 points de base de plus. Ce constat est fort accablant, surtout quand on sait que 74,9% des résultats de l'automobile proviennent de la gestion des placements et non de la gestion des risques assurés. Le moindre mauvais vent sur le marché financier risque de faire effondrer le secteur comme un château de cartes. Le redressement de cette situation d'extrême fragilité doit être la priorité des actionnaires et des dirigeants des compagnies d'assurances.
La solution lancée comme ballon d'essai d'augmenter les tarifs est non seulement injustifiée (les taux de marge de l'assurance Automobile sont très généreux à 30,7% des primes en 2016 et 38,8% en moyenne sur les 10 dernières années), mais potentiellement dangereuse. Et pour cause, elle augmenterait davantage la concentration des profits dans le secteur, accentuant par là même sa précarité.
Devant ce constat, quelle est la marge de manœuvre de l'Autorité de contrôle (ACAPS) pour protéger le secteur ?
Les autorités de tutelle doivent pousser les acteurs à faire le métier pour lequel ils ont un agrément, à savoir appréhender un risque, le tarifer et le gérer. C'est un long processus d'accompagnement où l'ACAPS doit donc encourager les assureurs à élaborer des tarifs propres (pas uniquement en automobile d'ailleurs) sur la base de l'expérience et des modèles mathématiques de chaque compagnie. Il est temps de ne plus compter sur un vieux tarif rouge, sur une table de mortalité d'un autre pays ou sur le réassureur pour fixer le prix du risque. Ce n'est qu'en revenant au métier de l'assureur qu'on garantira la pérennité de ce secteur.
De grands chamboulements se laissent entrevoir dans le marché automobile, notamment avec l'arrivée du Self driving vehicles (SDV). Qu'est-ce que cela aura comme retombées sur les équilibres de la branche dans le moyen et le long terme ?
C'est à un bouleversement cataclysmique que nous assistons avec les SDV. Et pour cause, alors qu'un conducteur fait en moyenne un accident tous les 100000 kilomètres, la machine ferait un accident tous les 10millions de kilomètres. C'est-à-dire 100 fois moins. Mieux encore, les algorithmes des SDV sont programmés pour réduire les coûts en cas d'accident. Avec l'intelligence artificielle, l'assurance automobile telle que nous la connaissons aujourd'hui est amenée purement et simplement à disparaître, car non seulement les tarifs seront divisés par 100, toutes proportions gardées, mais la notion même de RC basculerait de l'utilisateur du véhicule à son constructeur qui assurerait lui-même en RC produits les véhicules qu'il vend. D'ailleurs, la voiture passerait d'une propriété à un service consommé au besoin. Imaginez l'impact de tous ces chamboulements sur l'écosystème de l'assurance – automobile empêtré dans des débats d'un autre âge. Aujourd'hui, les SDV sont en phase de tests finaux ; les premières voitures de ce type arriveraient sur le marché en 2020, avec une quasi-généralisation dans deux décennies (à l'instar des smartphones) et ça sera plié pour les assureurs conventionnels sur ce segment. Seuls survivront ceux qui anticipent ces mutations à tous les niveaux (conception de nouveaux produits, tarification, distribution, gestion opérationnelle, etc.) et s'y préparent dès aujourd'hui.


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