La revalorisation du Smig n'a pas été acceptée mais l'idée d'une adaptation au milieu rural est envisagée. Le gouvernement remet sur la table le projet sur la réglementation du droit de grève que les syndicats refusent. Le dossier de la réforme des retraites devait être examiné jeudi 26 avril. Intervenant mardi 24 avril, à une semaine seulement du 1er mai, la rencontre entre le Premier ministre et les syndicats pouvait laisser croire que des annonces fortes allaient être faites aux travailleurs à l'occasion de leur fête annuelle. Pas vraiment, selon les syndicats qui ne cachent pas leur regret que leur revendication d'une revalorisation du Smig et du Smag (salaire minimum agricole généralisé) n'ait pas été acceptée. Le gouvernement considère, contexte sécuritaire aidant, que le temps est venu de s'intéresser aux autres catégories de la population, celles qui ne disposent pas de travail ou qui ne sont pas défendues par les syndicats. Par ailleurs, l'Exécutif ne semble pas vouloir heurter les entreprises, lesquelles refusent l'idée d'une revalorisation du Smig, invoquant les difficultés auxquelles elles font face dans un contexte de concurrence exacerbée. En fait, ce que les pouvoirs publics souhaitent mettre en place, sur ce point particulier, c'est plutôt la «ruralisation» du Smig, une piste nouvelle à ne pas confondre avec la régionalisation du Smig, défendue un moment notamment par la CGEM (Confédération générale des entreprise du Maroc). Le ministère de l'emploi, en tout cas, paraît acquis à cette idée, considérant, d'une part, que le niveau de vie n'est pas le même partout et que, d'autre part, ce serait là un moyen d'attirer les investisseurs dans les régions, ce qui permettrait, souhaite-il, de fixer les populations sur place. Les syndicats, eux, estiment que le Smig doit être unique, et que ce serait donc une violation des lois sociales que de discriminer les citoyens par rapport au revenu minimum. Vaste débat ! Quoi qu'il en soit, de la rencontre de mardi, les syndicalistes ne sont pas revenus bredouilles. Ils ont obtenu «une avancée sociale importante», selon Miloud Moukhariq, secrétaire national à l'UMT. En effet, il a été convenu, à cette occasion, que désormais les salaires seront indexés sur le coût de la vie. Outre son aspect équitable, cette mesure, espère-t-on, permettra d'éviter les revendications d'augmentations devenues récurrentes. Une telle mesure laissera aux syndicats le temps de s'occuper d'autres choses, au lieu de rabâcher constamment la même revendication. L'indexation décidée sera annuelle, et elle entrera en vigueur le 1er janvier 2008. Rendez-vous a été pris pour discuter prochainement des mécanismes de cette indexation. Le gouvernement accusé de prendre parti pour les employeurs Le projet d'indemnité pour perte d'emploi, une prestation sociale prévue par le code du travail et déjà étudiée par la CNSS, a également été posé sur la table des négociations cette semaine. Mais les syndicats refusent que les salariés contribuent à cette indemnité – à côté du patronat – comme le prévoyait le schéma initial. L'autre point discuté lors de la rencontre du 24 avril concerne les «violations» des libertés syndicales. Selon Farouk Chahir, secrétaire national à l'UMT, le Premier ministre a pris note des doléances syndicales et demandé au ministre de l'emploi, Mustapha Mansouri, d'examiner le dossier. Une commission sera d'ailleurs constituée qui aura pour objet de «mettre un terme à ces violations». Sur le terrain, des syndicalistes signalent des dépassements «de plus en plus grandissants» de la part de certains employeurs. Ils mettent directement en cause les pouvoirs publics, accusés de fermer les yeux sur le non-respect du code du travail. On précise que seulement 15% des entreprises appliquent le code du travail, et encore, pas la totalité du code ! Le plan de mise à niveau social, récemment lancé, table sur un taux de 30% des entreprises devant appliquer cette loi à la fin de l'année 2007 et 60% à la fin de 2008. «Autrement dit, entre 2004, date d'entrée en vigueur du code et la fin 2008, il se sera écoulé quatre ans et demi d'inapplication du code. Vous trouvez cela normal ?», s'interroge le syndicaliste. Il faut noter que si le dialogue social, de manière générale, avec ses effets collatéraux, a généré, depuis 1996, une hausse des charges annuelles de l'Etat de l'ordre de 22,3 milliards de DH (voir encadré), ce sont les salariés de la fonction publique qui en ont le plus profité. Pour le privé, les accords du dialogue social du 30 avril 2003, bien que théoriquement très prometteurs, y compris le contenu du code du travail (qui a résulté de ces accords), ne se sont pas traduits, sur le terrain, par des avancées considérables, estiment les syndicalistes. Ceux-ci rappellent que l'augmentation de 10% du Smig s'est traduite par une hausse de 15 DH au lieu de 190 ; les syndicats sont «constamment persécutés», la durée légale du travail (44 heures) n'est pas appliquée et, plus généralement, le code du travail, «qui est pourtant une loi qui doit s'appliquer à tous sitôt publiée au Bulletin officiel», est resté lettre morte. Dans cette histoire, curieusement, tout le monde se croit floué. D'un côté, les syndicats, parce qu'ils ont paraphé les termes de l'accord du dialogue social et approuvé le contenu du code du travail pour les voir ensuite «remis en cause». De l'autre côté, des chefs d'entreprises qui accusent l'ancienne équipe de la CGEM d'avoir «bradé les intérêts de l'entreprise». Entre ces deux protagonistes, le ministère de l'emploi, et plus généralement le gouvernement, paraissent pris entre deux feux, donnant raison tantôt aux uns, tantôt aux autres, sans jamais satisfaire personne. Mais pour certains syndicalistes, il n'y a pas de doute, le département de Mustapha Mansouri et, au-delà, la Primature, «en ne faisant pas appliquer ce qui a été convenu, y compris un texte de loi comme le code du travail, a pris fait et cause pour les employeurs». Quand cette observation est faite aux responsables du ministère de l'emploi, ces derniers répètent à qui veut les entendre que «tout cela n'est pas vrai, et que leur seule religion est celle de favoriser par tous les moyens la création et la sauvegarde des emplois». Ils reconnaissent, toutefois, que le code du travail doit être appliqué «de manière intelligente», c'est-à-dire, plus clairement, en tenant compte de la réalité. Une façon sibylline de reconnaître que le code du travail ne colle pas aux réalités économiques du pays ! En fait, dans l'esprit de ceux qui, côté patronat, avaient négocié l'accord du dialogue social du 30 avril 2003, il était question d'un «package», à les en croire. Et ce package, c'était des concessions sur le Smig et la durée du travail, entre autres, en contrepartie d'un texte encadrant le droit de grève. Le ministère de l'emploi a fait plusieurs tentatives dans ce sens, en rédigeant des projets de loi organique sur la grève, mais à chaque fois, il essuie un refus des syndicats, en particulier de l'UMT. Lors de la réunion de cette semaine, le Premier ministre, Driss Jettou, a de nouveau soulevé la question, et les représentants de l'UMT ont réitéré leur position de refus. Enfin, dernier point discuté mardi 24 avril, la réforme des caisses de retraite. Une réunion de la Commission nationale pour la réforme des retraites est prévue à cet effet pour jeudi 26 avril. D'ores et déjà, l'UMT a demandé que le code des assurances, qui entre en vigueur le 1er janvier 2008, ne soit pas appliqué à la CIMR (Caisse interprofessionnelle marocaine des retraites) et qu'un nouveau statut soit élaboré pour cette caisse, qui est aujourd'hui une association à but non lucratif. Coût Une charge additionnelle de 22,3 milliards de DH… Entre 1996, date de son démarrage, et 2006, le dialogue social a généré, directement et indirectement, une charge salariale additionnelle sur le Budget de l'Etat de 22,3 milliards de DH. Par secteur de destination des augmentations salariales, celui de l'Education nationale, tous cycles confondus, absorbe la part la plus importante : plus de 8 milliards de DH, dont 3,3 milliards dans le cadre du dialogue social stricto sensu, et 5 milliards pour les différentes revalorisations et autres révisions de certaines dispositions statutaires en faveur du personnel mais que l'on peut considérer comme des effets collatéraux du dialogue social. Pour ne s'en tenir qu'à la période allant de 2003 à 2006, le dialogue social a produit sur le Budget de l'Etat une charge additionnelle annuelle de plus de 3,5 milliards de DH, bénéficiant à 1,9 million de personnes. En voici les principales mesures : – Impact du nouveau barème de l'Impôt sur le revenu (IR) : 2,5 milliards de dirhams de charges annuelles, bénéficiant à 1 830 000 personnes ; – Accord du 14 décembre 2005 relatif à la promotion des professeurs du 1er cycle de l'Education nationale à l'échelle 11 : 8 000 bénéficiaires et 510 millions de dirhams de charges annuelles ; – Accord du 1er juillet 2006 portant amélioration de la situation matérielle des médecins, du personnel paramédical et des cadres communs de la santé : 46 000 bénéficiaires avec une charge annuelle de 377 millions de dirhams ; – Accord de septembre 2006 sur la revalorisation des indemnités allouées aux inspecteurs de l'Education nationale : 4 700 bénéficiaires et une charge annuelle de 70 millions de dirhams ; – Décret du 15 septembre 2006 portant régularisation de la situation des fonctionnaires titulaires d'une licence et classées aux échelles inférieures (3 000 bénéficiaires et une charge annuelle de 100 millions de dirhams). – A cela, on peut ajouter l'accord de février 2007 sur la régularisation de la situation des inspecteurs du travail qui a bénéficié à 500 personnes et dont la charge annuelle se monte à 10 MDH ; la révision de la situation matérielle du personnel des secrétariats des greffes (Justice) qui touche 13 000 personnes pour une charge annuelle de 70 millions de dirhams et dont l'accord devrait être bientôt conclu ; enfin, le transfert à l'OFPPT des établissements d'enseignement du ministère du tourisme, qui va générer une charge annuelle additionnelle de 11 millions de dirhams et bénéficiant à 700 personnes (l'accord est en cours de signature).