Un médecin du travail pour chaque entreprise de plus de 100 salariés au lieu de 50 ou une mutualisation des médecins pour plusieurs entreprises. Un des amendements propose de libérer les entreprises de travail temporaire de la garantie versée à la CDG par une caution bancaire. Ces amendements sont déposés par un groupe parlementaire de la majorité et devraient être votés au cours de cette session. Le nouveau Code du travail, entré en vigueur en juin 2004, devra être amendé, au cours de l'actuelle session parlementaire, dans certaines de ses dispositions, notamment celles qui, à la date d'aujourd'hui, ne sont pas encore appliquées. L'initiative, sous forme de proposition de loi, vient d'un groupe parlementaire appartenant à la majorité gouvernementale, et reflétant de ce fait la position de l'Exécutif, en particulier de son chef, Driss Jettou. Selon une source au Parlement, les amendements dont il est question sont au nombre de trois et concernent la médecine du travail, le travail temporaire et le remplacement des salariés mis à la retraite. La médecine du travail, d'abord : l'article 304 du code stipule que toute entreprise employant 50 salariés ou plus est tenue de disposer d'un médecin du travail, exerçant durant toutes les heures du travail (article 306) et lié à l'entreprise par un contrat de travail (article 312). Commentant cette disposition, le Dr Chakib Laraqui, président de la SOMAMETR (Société marocaine de médecine du travail), n'avait pas hésité à parler d'«aberration, voire de schizophrénie» (cf. La Vie éco du 7 avril 2006). Non seulement un médecin doit être libre de toute tutelle dans l'exercice de son métier, alors qu'en l'occurrence il est placé sous la responsabilité du chef d'entreprise, mais même si on voulait piétiner cette règle de l'éthique, explique-t-on dans les milieux du patronat, on ne le pourrait pas pour une raison cette fois objective et toute simple : le nombre très limité des médecins du travail par rapport aux entreprises qui devraient en avoir un. L'examen du tableau de bord du ministère de l'emploi, établi suite au recensement effectué sur ce sujet auprès du tissu des entreprises, confirme en effet que le nombre de médecins du travail disponible s'élève à 700, alors que les entreprises assujetties dépassent les 3 000. Une durée de l'intérim de 18 mois au lieu de 3 dans le code actuel L'amendement préparé par le groupe parlementaire de la majorité propose, pour régler ce problème, une des solutions suivantes : soit la mutualisation de la médecine du travail, c'est-à -dire la création de services médicaux interentreprises sous une forme et des modalités à définir, soit le relèvement du nombre de salariés requis pour le recrutement d'un médecin du travail de 50 actuellement à 100 ou plus. Le choix de l'une ou l'autre de ces solutions dépendra, selon notre parlementaire, des discussions qui seront menées avec les partenaires sociaux. Notons que sur cette question, les syndicats de leur côté paraissent conscients de la difficulté sinon de l'impossibilité à appliquer telle quelle la disposition du code y afférente et acceptent donc qu'elle soit amendée. Mais à les en croire, le problème demeurera toujours posé puisque, déclarent-ils, certaines entreprises, même employant plus de 100 salariés, voire 150, ne veulent pas d'un médecin du travail. Deuxième volet, celui du travail temporaire et pour lequel deux amendements sont préparés. Le premier concerne la modification de la durée de la mission d'intérim pour la porter de 3 mois renouvelables une seule fois (article 500 du Code du travail) à 18 mois non renouvelables. Les professionnels du travail temporaire n'ont cessé, depuis la promulgation du nouveau code, de réclamer l'allongement de la durée du contrat d'intérim, ne comprenant pas pourquoi les autres entreprises peuvent conclure des contrats à durée déterminée (CDD) de 24 mois et pas elles. «Pourtant, nous contribuons, nous aussi, à la création d'emplois et à la résorption du chômage», explique Jamal Belahrach, DG de Manpower. Celui-ci estime par ailleurs que l'amendement proposé est «une décision sage et un signal fort pour l'investisseur tant national qu'international. Car cela veut dire que le gouvernement est capable de s'adapter et d'adapter les textes à l'environnement économique». Le second amendement relatif au travail temporaire a trait, lui, au remplacement de la garantie exigée de toute entreprise de travail temporaire (ETT) par une caution bancaire. L'article 482 du Code du travail impose en effet à toutes les agences de recrutement de déposer une caution à la CDG (Caisse de dépôt et de gestion) d'un montant équivalent à 50 fois la valeur globale annuelle du SMIG. Toute demande d'autorisation d'exercer (art. 483) devait obligatoirement comporter un certificat délivré par la CDG attestant du dépôt de ladite caution; ce qui fait s'apparenter celle-ci à une garantie. Si cette disposition avait été appliquée, nombre d'ETT auraient à coup sûr mis la clé sous le paillasson. En transformant la caution à déposer auprès de la CDG en une caution bancaire (dont le montant fera l'objet de négociations avec les partenaires), les initiateurs de l'amendement veulent donner la possibilité aux ETT de mobiliser des crédits sans recourir à leur trésorerie, lesquelles de toute façon et pour la plupart n'ont pas la capacité de couvrir le montant exigé. «Ceci est du bon sens économique : la transformation de la garantie en une caution bancaire participe de cette flexibilité dont les entreprises ont besoin pour ne pas s'alourdir en charges fixes, tout en rassurant les salariés intérimaires et les partenaires sociaux quant aux éventuelles défaillances des ETT», commente Jamal Belahrech, par ailleurs président de l'AETTO (Association des entreprises temporaires et organisées). Il reste que, précise encore M. Belahrach, «cet amendement comporte malgré tout un message, à savoir qu'une ETT est une entreprise devant disposer de liquidités au démarrage pour pouvoir payer les salaires et s'acquitter des impôts. De ce fait, la caution bancaire n'est pas un frein à l'activité d'intérim, croire le contraire c'est ne pas connaà®tre ce métier et ses impératifs financiers». Interrogé sur le sujet, le secrétaire général du ministère de l'emploi, Abdelouahed Khouja, estime, lui, que l'amendement qui concerne le travail temporaire a été décidé en référence aux Assises de l'emploi, tenues l'été dernier à Skhirat, qui recommandent d'ouvrir le champ à l'ensemble des actions à même de résorber le chômage. «Notre seul dogme étant la création et la sauvegarde de l'emploi, cet amendement vise donc à associer le maximum d'intervenants pour lutter contre le chômage, celui des jeunes en particulier», précise M. Khouja. Enfin, le troisième amendement au Code du travail est relatif cette fois à l'obligation faite à l'employeur de remplacer tout salarié mis à la retraite par un autre salarié (art. 528 du code). Comme les précédents, l'amendement proposé introduit plus de flexibilité dans le monde du travail, puisqu'il supprime cette obligation tout en donnant la possibilité au chef d'entreprise de garder en activité jusqu'à 65 ans, ou même 70 ans, un salarié dont il a besoin, moyennant bien entendu l'accord de ce dernier. Cette possibilité existe aujourd'hui, mais elle est assujettie à l'accord de l'autorité gouvernementale chargée du travail. Avec l'amendement, l'accord du gouvernement n'est plus requis, il suffit que les deux parties le décident librement. La mesure est sage et de bon sens pour reprendre les mots de M.Belahrach. Elle permet aux entreprises qui le souhaitent de continuer à profiter de l'expérience des salariés qu'elles veulent retenir au-delà de 60 ans, et aux caisses de retraites de différer le versement de pensions, dans un contexte marqué, ici comme ailleurs, par un gonflement tendanciel de la population des retraités et un rétrécissement de celle des arrivants sur le marché du travail.