Plus de deux années après le séisme de février 2004, la ville ressemble à un énorme chantier. A Tamassint, la situation semble se débloquer mais le démarrage des chantiers traîne. L'exécution du programme Ville sans bidonvilles est entravée par la non-disponibilité du foncier, propriété des militaires. Perchée sur les montagnes du Rif, la ville d'Al Hoceima attend le démarrage de la saison estivale ainsi qu'une visite royale annoncée mais non encore confirmée. Pour l'occasion, elle s'est parée de ses plus beaux atours. Nouvelles voiries, restructuration de plusieurs quartiers, mais surtout des constructions qui poussent comme des champignons. A Al Hoceima, on construit à tout bout de champ. «Les chantiers ne se comptent plus», comme le souligne ce jeune architecte de la place. Bref, la ville renaà®t de ses cendres, suite au tremblement de terre qui l'a frappée dans la nuit du 24 février 2004. D'une magnitude de 6,3 sur l'échelle de Richter, ce séisme a détruit quelque 19 000 constructions dans toute la région, faisant près de 550 victimes. Très critiquées au début, les solutions présentées par l'Etat pour la reconstruction de la région commencent à prendre forme. Complexe résidentiel à Imzouren, petit bourg situé à 18 km d'Al Hoceima et qui a connu les plus graves dégâts matériels, composé de 988 logements dont 346 destinés au relogement des sinistrés, ensemble social à Beni Bouayach (402 appartements dont 174 destinés aux sinistrés) et autre programme d'aide à la reconstruction, essentiellement dans le monde rural, ont vu le jour. Ces deux programmes de relogement, lancés en partenariat avec le groupe Chaâbi, concernent au total la construction de 1 390 appartements. A la mi-juin, le taux de réalisation avoisine les 80%, selon les chiffres fournis par les autorités locales. A Imzouren, par exemple, 96 appartements de la première tranche (quelque 18 immeubles au total) sont achevés, une soixantaine sont en cours de finition alors qu'une soixantaine supplémentaire est à 80 % terminée. A Beni Bouayach, 108 appartements sont terminés et une soixantaine est en cours de finition. La première tranche de ce second programme prévoit, signalons-le, la construction de 14 immeubles. Sur ce programme de relogement, les avis de la population divergent. Certains le considèrent avec scepticisme. «Ni la superficie des appartements proposés (ndlr : de 65 m2 à plus de 90 m2), ni les conditions matérielles ne semblent satisfaire les ménages concernés», lance nonchalamment un jeune bénéficiaire qui doit s'acquitter de 50 000 DH pour entrer en possession de son appartement. D'autres ne cachent pas leur satisfaction quant à la disponibilité d'un logement clé en main, hautement subventionné par l'Etat et construit dans les délais. 122 MDH pour relooker les quartiers de la région Autre programme qui semble bien avancer, la restructuration de quartiers sous-équipés. Le programme, lancé suite à la catastrophe naturelle, concerne 7 840 ménages résidant dans 24 quartiers d'Al Hoceima, Imzouren, Targuist et Beni Bouayach. Le coût total du projet est de 122 MDH supportés à hauteur de 115,75 MDH par le ministère chargé de l'Habitat et de l'Urbanisme. La part des communes concernées se chiffre à 6,25 MDH. Le taux d'avancement de ce programme avoisine les 65 %. Au menu : goudronnage, terrassement, conduites d'assainissement liquide refaites à 100%, pour le plus grand plaisir de la population. «Auparavant, tous ces quartiers étaient quasiment inaccessibles en voiture en raison de la nature géographique de la ville», explique un habitant du quartier Mirador-bas dont la restructuration est bouclée à 70%. Et d'ajouter : «Les prix des biens immobiliers ont connu une hausse considérable grâce à ce programme». Mais un coup d'Å"il aux ruelles achevées, oà1 s'entassent déjà des amoncellements de déchets de construction, montre la limite de cette restructuration. «C'est comme si aucun effort n'avait été fourni», lance cet habitant avec dépit. Le même scepticisme est ressenti à l'égard de ce énième chantier. «L'argent collecté suite à l'élan de solidarité qui a suivi le tremblement de terre aurait pu servir à l'aide directe aux sinistrés, à leur relogement dans les plus brefs délais et à l'amélioration de leurs conditions de vie. Tout ce qui a été réalisé, en termes d'infrastructures de base, est une bonne chose. Mais ceci ne relève-t-il pas de la responsabilité de l'Etat ?», s'interroge Khalid Ouissa, militant associatif de la ville. Des affirmations corroborées par Abdelouahed Kaà ̄kaà ̄, président de l'association Azir. Pour lui, les différents projets d'infrastructures étaient prévus bien avant la catastrophe. Le programme d'urgence gouvernemental annoncé en mars 2004 n'a fait que les réactiver. L'éradication des bidonvilles se heurte à la «discipline militaire» Mais le plus grand problème actuel de la ville a pour noms : «Caserne militaire», «Tourismo» ou encore «Roumane». Des bidonvilles qui, au total, abritent quelque 500 ménages, et dont l'éradication se trouve sérieusement freinée par la non-disponibilité du foncier. Tous ces sites ont en effet été érigés sur des parcelles de terre propriété des Forces armées royales, de l'administration de la Défense nationale ou de l'Agence de logement militaire (ALEM). Près de 4,5 ha sont concernés. Et la procédure traà®ne depuis de nombreux mois déjà . Pour ces quelques bidonvilles d'Al Hoceima, le programme d'éradication envisagé prévoit la construction, sur le terrain identifié, qui fait actuellement office de terrain de sport, pour les FAR notamment, de 406 logements et l'aménagement de 86 lots pour le recasement des bidonvillois. Montant de l'opération, 74 MDH, financés conjointement par le Budget général de l'Etat, les communes concernées et les bénéficiaires. La petite localité de Targuist souffre du même problème. Là -bas, le bidonville a également pour nom «Caserne militaire». La parcelle de terrain, cette fois-ci, est d'une superficie de 1,5 ha, propriété de l'administration de la Défense nationale. Les autres foyers d'habitat insalubre, «Boutoual», «Cartel de generos de artilleria», «Cartel intendencia», «Résidence des officiers» ou encore «Talayoun», sont construits sur un foncier privé mais occupé par des militaires. Pour le premier site, «Caserne militaire» en l'occurrence, le terrain est déjà mobilisé. En attendant le déblocage de la situation pour le reste du projet, les études sont en cours pour peaufiner le programme envisagé qui consiste en la réalisation d'un lotissement d'habitat de 200 lots, pour un montant de 8 MDH. A Tamassint, 27 mois après le séisme, on ne reconstruit toujours pas Mais un périple rifain dans la région sinistrée par le séisme du 24 février 2004 ne peut se terminer sans un détour par Tamassint, petit village situé à une quarantaine de kilomètres d'Al Hoceima. Une centaine de personnes avaient péri dans le tremblement de terre dans cette commune rurale. Difficile d'accès, la région n'a pas été desservie en priorité, ce qui a suscité la colère de la population locale. Et depuis, les mouvements de protestation se sont enchaà®nés, souvent sanctionnés par des arrestations et des interventions musclées des forces de l'ordre à la clé. La dernière crise en date a été désamorcée il y a quelques semaines. La solution proposée a été finalement acceptée par les 2 000 familles victimes du tremblement de terre. Ces dernières bénéficieront d'une aide directe composée de matériaux de construction. Chaque bénéficiaire recevra ainsi 8 000 briques, 10 tonnes de ciments, 30 m3 de sable, autant en gravier et 14 tonnes de poutrelles en fer. La main-d'Å"uvre est à la charge de l'Etat et les marchés sont d'ores et déjà attribués. Mais la condition la plus importante pour les associations locales, et qui a été finalement acceptée par les autres intervenants, concerne la construction de 90 m2 couverts, au lieu de 40 m2 pour les autres localités de la région. Les travaux de fondations demeurent à la charge du bénéficiaire. Toute la coordination est faite par un collectif d'associations locales. A signaler que la solution initialement retenue comprenait une aide globale de 30 000 DH, dont près de 16 000 DH en matériaux de construction. «Après plusieurs mois de blocage, la crise vient à peine d'être dénouée. Nos protestations ont finalement porté leurs fruits», explique Jamal, membre de l'Association de suivi des répercussions du séisme à Tamassint. Un petit détour par le «dépôt» (grand terrain oà1 s'entassent briques, sable et poutrelles, perché sur une vaste colline à quelque 500 m du centre de la localité) montre que l'opération de distribution des quotas de matériaux va bon train. «Mais les chantiers ne pourront pas commencer avant deux mois au minimum», souligne un autre membre de l'association, qui supervise l'opération. Des propos qui ne sont pas pour rassurer les dizaines de familles qui vivent toujours sous la tente. Deux années et trois mois après le séisme, leur situation n'a pas bougé. Au quotidien, elles semblent s'être familiarisées avec les toits en toile. Mais pour l'été et sa canicule, rien de plus frais pour elles qu'un petit abri en roseau. En attendant des murs et un toit, en dur cette fois-ci. L'entrée d'Al Hoceima a été entièrement réaménagée. La double voie, sur 9 km, a été achevée récemment. Foncier 1 000 DH/m2 au centre-ville A Al Hoceima, le foncier est une denrée rare. Trouver une parcelle de terrain constructible relève pratiquement de l'impossible, et ce, en raison de la géographie du site. Dans les nouveaux quartiers périphériques, le mètre carré avoisine les 5 000 DH. Un prix qui augmente au fur et à mesure qu'on approche du centre-ville. Les prix flambent pour atteindre les 1 000 DH. «Mais le plus difficile est d'en trouver», explique ce promoteur immobilier de la ville. La seule solution demeure l'exploitation du foncier des très anciennes constructions. Mais c'est loin d'être à la portée de tout le monde. Le mètre carré y revient à plus de 20 000 DH. Des prix à la casablancaise, comme ne manquent pas de faire remarquer les habitants de la ville.