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Réglementation sur les marchés publics : ce qui va changer d'ici peu
Publié dans La Vie éco le 19 - 05 - 2006

Une nouvelle mouture du décret et du cahier des clauses administratives est en préparation.
Davantage de transparence, moins de tracasseries dans l'octroi et l'exécution
de la commande publique.
L'interdiction explicite de la corruption est introduite pour la première
fois dans le dispositif.
Après celle entreprise en 1998, une réforme de la réglementation concernant les marchés publics devrait voir le jour d'ici à quelques mois. Les textes, préparés conjointement par l'administration et les professionnels du bâtiment et des travaux publics, sont à l'étude au niveau de la Commission des marchés. Il s'agit de la réforme du décret sur la passation des marchés publics qui, comme son nom l'indique, régit la phase de passation des marchés, et du cahier des clauses administratives générales (CCAG) qui, lui, concerne la phase d'exécution des marchés.
Cette réforme, réclamée par les entrepreneurs, mais aussi par les partenaires du Maroc comme la Banque mondiale et les Etats-Unis après la signature avec ce pays d'un accord de libre-échange, était un des sujets importants sur lesquels s'était penché le Comité national de mise à niveau du temps du défunt Abderrazak Mossadeq, alors ministre des Affaires économiques et générales. Le projet de décret a d'ailleurs été préparé par ce département, puis soumis aux autres ministères, et aujourd'hui tout le monde est d'accord sur la nécessité de revoir la réglementation sur les marchés publics, même si, sur certains points, des divergences subsistent encore quant à l'ampleur des révisions à introduire.
S'il fallait, en quelques mots, décliner les objectifs de cette réforme, on les résumerait ainsi : plus de transparence et d'équité et moins de tracasseries dans l'octroi et l'exécution de la commande publique. Pour cela, il a fallu revoir un certain nombre de dispositions tant au niveau du décret sur les marchés publics que du CCAG ; mais aussi en ajouter d'autres afin de tenir compte des impératifs nouveaux apparus sur la scène économique.
Décret sur la passation des marchés : quatre changements à attendre
D'abord, le décret sur la passation des marchés publics: les entreprises du BTP ont proposé un certain nombre de modifications de ce texte que partage globalement l'administration. En voici les principales.
– Transparence dans la sélection des candidats aux marchés publics : une règle héritée du passé veut que les séances d'ouverture des plis et les décisions qui y sont prises «soient entourées de secret», ce que les professionnels jugent tout à fait injustifié. Dans la mesure oà1 c'est l'argent du contribuable qui est engagé dans ces opérations, les professionnels du BTP réclament que soit porté à la connaissance du public le processus de sélection de l'adjudicataire et ceci au moyen, par exemple, de l'affichage des PV dressés à l'occasion de cette sélection. L'idée est acceptée mais pas le procédé : l'administration propose, elle, non pas l'affichage des PV mais un extrait de ces PV, selon un modèle type à élaborer, très probablement d'un commun accord. «Il y a des données confidentielles qui concernent les soumissionnaires, c'est pourquoi il nous paraà®t plus indiqué de s'en tenir à un extrait du PV de la séance de sélection, lequel PV comporterait l'essentiel des informations à connaà®tre», estime un fonctionnaire du ministère des Finances.
– Interdiction explicite de la corruption : c'est essentiellement une demande des Américains depuis l'entrée en vigueur de l'accord d'association qu'ils ont signé avec le Maroc, mais aussi des entrepreneurs marocains. Une clause sera désormais, et pour la première fois, introduite dans le décret sur les marchés publics, qui interdira explicitement le recours à la corruption pour l'octroi ou l'obtention d'un marché.
– Mesures anti-dumping: il s'agit ici de lutter contre les offres anormalement basses qui pénalisent les soumissionnaires professionnels ayant fait des études et des estimations sérieuses du marché et dont les offres peuvent par conséquent paraà®tre plus onéreuses. La question est à l'examen, «il faudrait dans tous les cas fermer la porte à ce genre de pratique», conviennent les responsables de l'administration. Les entreprises, elles, ont avancé des propositions concrètes à ce sujet en suggérant l'institution de seuils en deçà desquels les offres ne doivent pas être acceptées, «mais ces seuils sont difficiles à mettre en Å"uvre», explique-t-on au ministère des Finances. «Nous, nous suggérons la mise en place d'une commission de techniciens qui se chargerait d'examiner les offres pour nous éclairer sur le niveau de celles-ci». Pour l'instant rien n'est cependant tranché sur ce point.
– Possibilité de révision des prix : ce qui est en jeu ici, c'est la possibilité pour l'adjudicataire de procéder à la révision du prix du marché en fonction d'éléments nouveaux qui seraient intervenus entre le moment oà1 le marché a été adjugé et celui oà1 il a été réalisé. Et ces variations peuvent d'ailleurs parfois être en faveur du maà®tre d'ouvrage, en cas de baisse des prix (du pétrole par exemple). «L'idée a été retenue et cette question sera réglée», assure-t-on au ministère des Finances. Une nuance toutefois: la révision des prix ne sera pas généralisée à tous les marchés. «Ce serait vraiment très difficile d'imaginer, donc d'accepter, un changement des éléments du prix s'agissant d'un marché de fourniture, par exemple», explique un responsable des Finances. D'oà1 la proposition de lier la révision des prix soit à un type de marchés, soit au délai de réalisation de ce marché. Pour mémoire, l'actuel texte sur les marchés publics prévoit la possibilité de réviser le prix une année après son adjudication. Or, en un an, il y a mille et un aléas qui peuvent se produire (augmentation inattendue des salaires, des charges sociales, des prix des intrants, etc.)
Autre proposition intéressante des professionnels, plus générale, celle-là , puisqu'elle dépasse le cadre de la réforme du décret en question : l'adoption d'un code, donc d'une loi, sur les marchés publics, comme cela se fait un peu partout dans le monde. L'avantage d'un code, rappelle un chef d'entreprise de BTP, est qu'il est applicable à tous, sans exception. Or, le décret sur les marchés publics, rappelons-le, ne concerne ni les collectivités locales, ni les établissements publics.
Deux propositions de réforme pour le cahier des clauses administratives
S'agissant maintenant du CCAG, «la bible des chantiers», pour reprendre la formule des entrepreneurs, plusieurs propositions de réforme de ce texte ont été formulées dans le but de parvenir à des «relations équilibrées» entre le maà®tre d'ouvrage et l'entreprise, et d'offrir à celle-ci des possibilités de recours en cas de nécessité. Deux propositions de réforme, au moins, méritent d'être signalées.
Primo, le réaménagement des dispositions concernant les assurances : jusque-là , une entreprise ayant réalisé un marché est tenue de présenter des attestations d'assurances aussi bien pour le maà®tre d'ouvrage que pour le comptable. C'est une tracasserie qui ne se justifie plus : au moment de payer l'entreprise ayant exécuté le marché, le comptable n'a plus à exiger ces attestations d'assurances, car leur présentation au maà®tre d'ouvrage, qui est l'ordonnateur, suffit amplement. «Dans la mesure oà1 le maà®tre d'ouvrage est légalement responsable de ses actes, le comptable n'a rien à exiger du maà®tre d'Å"uvre », explique-t-on au ministère des Finances.
Deuzio, le relèvement du taux des montants relatifs aux travaux supplémentaires ou à la modification de la provenance des matériaux : ce taux est aujourd'hui de 10 %. Les entreprises du BTP proposent de le porter à 15 ou 20 %. L'administration n'est pas de cet avis ; elle considère qu'il n'est pas sérieux pour une entreprise d'avoir une marge d'erreurs de plus de 10 %. «Dans certains travaux, il y a des parties, comme les fondations, dont il est difficile de prévoir la difficulté», répond un entrepreneur en bâtiment.
Quoi qu'il en soit, et au-delà de certaines divergences, somme toute normales, l'important est que professionnels comme administration sont unanimes à considérer comme nécessaire cette réforme de la réglementation des marchés publics. C'est une façon de mettre à niveau et le secteur du BTP et l'administration qui, tous deux, en ont bien besoin.


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