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Marchés publics : Le nouveau décret pourra-t-il enfin arrêter la corruption ?
Publié dans Finances news le 18 - 01 - 2007

* Six ans après son application, le décret régissant les marchés publics subit un nouveau relifting.
* Véritable gangrène des marchés publics, la corruption est le point nodal de la nouvelle réforme.
* A. Saddouq, de Transparancy Maroc, estime qu’en l'absence de garde-fous, la corruption continuera à prospérer dans les marchés publics malgré nos lois de plus en plus sophistiquées.
Le manque de transparence dont est taxée la passation des marchés publics continue de les ronger comme une vraie gangrène. De l'avis général, le décret de 1998 avait certes introduit des apports positifs, mais qui in fine n'ont pas pu atteindre les objectifs escomptés, à savoir la transparence.
A l'unanimité, une réforme de la réglementation des marchés publics devrait voir le jour d'ici quelques mois.
Aujourd'hui, le Secrétariat Général du Gouvernement se penche sur l'élaboration d'une nouvelle mouture avec pour principal dessein de parvenir à davantage de transparence, moins de tracasseries dans l'octroi et l'exécution des commandes publiques et l'abolition de la corruption. Assurément, cette réforme est réclamée par les entrepreneurs, mais elle est aussi une suite logique aux multiples accords de libre-échange signés par le Maroc.
Décret 1998 : un bilan très mitigé
En guise de rappel, cette réforme était un des sujets-phares sur lequel s'est penché le Comité national de mise à niveau du temps du défunt Abderrazak Mossadeq, alors ministre des Affaires économiques et générales. Le décret a été par la suite soumis aux différents départements ministériels qui ont manifesté également leur intérêt quant à une refonte de la réglementation des marchés publics.
Aujourd'hui, les regards sont braqués sur la sortie d'un nouveau décret plus apte à assurer la transparence et la non-corruption.
L'heure est certes au bilan du décret datant de 1998. D'après Saddouq Abdessamad, membre de Transparency Maroc : «Nous estimons nécessaire de faire le bilan et d'examiner l'impact de la réforme de 1998 ; mais ce qui est certain, c'est que la corruption n'a pas reculé malgré les dispositions nouvelles introduites dans les différents textes composant le code des marchés publics». Il s'empresse d'ajouter : «C'est que l'effectivité de la réglementation est très faible dans ce domaine. Il est le plus souvent régi par le pouvoir de l’argent ou celui des relations».
D'une manière quasi globale, les changements attendus du nouveau décret sur la passation des marchés peuvent se résumer en quatre points : d'abord la transparence dans la sélection des candidats aux marchés publics. Les professionnels jugent tout à fait injustifié que les séances d'ouverture des plis et que les décisions qui y sont prises «soient entourées du secret». A titre d'exemple, les opérateurs du BTP réclament que soit porté à la connaissance du public le processus de sélection de l'adjudicataire, et ceci au moyen, par exemple, de l'affichage des PV dressés à l'occasion de cette sélection. Une proposition que ne semblent pas partager entièrement les responsables au sein de l'Administration. Cette dernière propose, non pas l'affichage des PV, mais un extrait de ces PV selon un modèle-type à élaborer. L'idée sous-jacente est qu'il existe des données confidentielles qui concernent les soumissionnaires et c'est pourquoi il paraît plus opportun de s'en tenir à un extrait du PV de la séance de sélection, lequel PV comporterait l'essentiel des informations à connaître.
En second lieu, une clause sera désormais, pour la première fois, introduite dans le décret sur les marchés publics et qui interdira explicitement le recours à la corruption pour l'octroi ou l'obtention d'un marché.
L'autre point à l'ordre du jour est relatif à l'éradication des mesures antidumping en vue de faire face aux offres anormalement basses qui biaisent le marché en pénalisant les soumissionnaires professionnels ayant effectué des études sérieuses du marché. Le plus souvent, ces derniers paraissent comme étant très onéreux. A ce sujet, il a été décidé d'instituer des seuils en deçà desquels les offres ne doivent pas être acceptées, des seuils que les responsables au sein de l'Administration ont du mal à arrêter.
L'autre point en cours de discussion est la prise en considération de la part de l'adjudicataire d'éléments intervenus entre le jour de passation du marché et celui où il a été réalisé. Toutefois, une telle mesure ne concernera pas tous les marchés.
« Les achats publics représentent un peu moins de 20% du PIB de notre pays. Vous imaginez le gaspillage énorme résultant des pratiques de fraude et de corruption que connaissent la passation et l'exécution des marchés publics. Nous pensons à Transparency Maroc qu'il est nécessaire de procéder à une évaluation approfondie et chiffrée de la réforme de 1998 et surtout de ses dispositions pour bâtir un système de passation et d'exécution des marchés publics sur des bases saines.
Au-delà de la corruption !
Mis à part le décret de passation des marchés publics, les professionnels poussent un peu trop loin le bouchon et réfléchissent quant à l'adoption carrément d'un code ou d'une loi sur les marchés publics comme cela se fait un peu partout dans le monde.
Hormis la corruption et le manque de transparence, le décret de 1998 comporte certaines limites qui parfois risquent d'entraver la bonne marche d'un secteur parfois vital. Le problème se pose avec acuité pour un secteur tel que celui de la santé. Un responsable au sein d'un centre hospitalier qui souhaite garder l'anonymat nous explique que la passation d'un marché public leur porte préjudice. « Parfois l'hôpital dispose de réserves très faibles en bouteilles d'oxygène, mais il est obligé de passer commande par le biais d'un appel d'offres, ce qui laisse un peu imaginer les conséquences», explique-t-il.
Un autre élément qui mérite réflexion est l'impact de ce décret sur la compétitivité des établissements publics qui souvent laisse à désirer. Le plus souvent, la passation des marchés se matérialise par des remboursements lents, et donc les fournisseurs augmentent les prix, partant du fait qu'ils ne vont pas être payés dans un bref délai. Ce n'est nullement le cas pour une entreprise privée qui, pour son approvisionnement, choisit parmi les fournisseurs le moins-disant qui pourrait éventuellement baisser davantage le prix du bien. Tout cela laisse prédire que cette passation des marchés publics entraîne une hausse des coûts et, partant, un absence de performance et de compétitivité.
La question qui demeure posée est : la refonte du décret de 1998 pourrait-elle abolir la corruption qui entache la passation des marchés publics ?
D'après A. Saddouq, de Transparency Maroc : «Ce n'est pas uniquement une réforme des textes, aussi large et pertinente soit-elle, qui peut faire reculer la corruption dans la commande publique. Elle est nécessaire mais loin d'être suffisante. Deux axes doivent être développés par l'Etat : le renforcement du contrôle, l'amélioration de son ciblage et de ses méthodes et surtout son articulation avec un système de sanctions administratives et pénales ; et puis la mise en œuvre de mesures d'accompagnement telles que la formation, l'édition de guides simplifiés… Sans cela, la corruption continuera de prospérer dans l'achat public malgré nos lois de plus en plus sophistiquées».


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