La trilogie «The invisible ennemy» (l'ennemi invisible) rend hommage à des femmes et des hommes qui luttent contre l'extrémisme religieux. Asmae Lamrabet, Abdelkrim Chadli, mais aussi des personnes moins connues comme le coach Aziz Baghour montrent l'exemple. La série documentaire se penche également sur le travail accompli par l'Etat, surtout dans sa gestion de la chose religieuse. Aïn Sebaâ, dans les bidonvilles entourant ce quartier industriel de Casablanca, on découvre le personnage de Aziz Baghour. Cet ancien champion national de kickboxing multiplie les initiatives sportives dans ce quartier défavorisé afin de montrer aux enfants et aux jeunes que cet art de combat, en plus d'être un vecteur d'émancipation personnelle, peut également devenir un facteur de promotion sociale. «Aziz vit dans un quartier dur où le discours extrémiste a une audience potentielle. Il résiste contre cette tendance via le sport. Pour Aziz, c'est une guerre de tous les jours que de faire face à toutes les formes de délinquance, y compris religieuse», souligne Driss Sekkat, producteur de la série The invisible ennemy. Aziz est une star à Aïn Sebaâ, adulé par les jeunes et moins jeunes. Il possède sa propre entité, le Club royal d'Aïn-Sebaâ, où il entraîne de futurs champions de la discipline. Lors des derniers championnats nationaux à Marrakech, plusieurs de ses poulains ont glané des médailles. Il dispense également des cours dans d'autres clubs d'Aïn-Sebaâ, notamment de bodybuilding, pour différents publics : enfants, jeunes et adultes. Et ce pour une somme modique, à la portée de ces familles aux revenus modestes. Quand un de ses élèves manque à l'appel, il n'hésite pas à aller le chercher afin de le sortir des tourments de la délinquance, toute forme de délinquance... Du sport et de la culture contre l'extrémisme Si Aziz Baghour lutte par le biais du sport, Boubker Mazoz a choisi, lui, de militer par l'éducation, la culture ainsi que par des programmes de renforcement des capacités des femmes, des hommes et des enfants du quartier casablancais de Sidi Moumen. L'homme est à la tête depuis dix ans du Centre Idmaj des quartiers, un édifice planté en plein milieu du quartier Sidi Moumen. Un quartier qui a été mêlé à l'attaque terroriste la plus meurtrière de l'histoire du pays. En effet, tous les jeunes kamikazes qui avaient perpétré les attentats du 16 mai 2003 sont originaires du quartier Sidi Moumen. L'homme s'est donné comme mission de s'attaquer aux racines du radicalisme : la précarité, l'exclusion sociale et la violence. The invisible ennemy nous invite à la rencontre de ce monsieur qui a choisi de faire face aux fléaux sociaux qui minent ce quartier tout en bidonvilles et abritant un peu plus d'un demi-million d'habitants. Pour les femmes: les cours d'alphabétisation, des activités génératrices de revenus... Pour les jeunes et les enfants : une bibliothèque, du soutien scolaire, de l'apprentissage de la musique, du théâtre, de la danse... Les bénéficiaires du centre viennent de Sidi Moumen, mais également de Salmia, Hay Moulay Rachid, Ben Msick, Lahrawiyine, les bidonvilles de Rhamna et Thomas. Un enjeu de citoyenneté que la trilogie ne manque pas de montrer! Autre belle découverte : la grande majorité des cadres de l'association sont originaires du quartier de Sidi Moumen et ont été des bénéficiaires de ce même centre. Une autre lecture du texte coranique L'empreinte Mazouz est visible dans le documentaire: l'homme trouve du temps pour parler aux jeunes, saluer les mamans, rencontrer les parents d'élèves. Il lance des programmes de médiation sociale, invite d'éminents sociologues marocains à venir prôner les valeurs de dialogue, de tolérance, de vivre ensemble... totalement à l'opposé de celles prêchées par les semeurs de haine. Autre figure de proue de The invisible ennemy, un grand médecin qui est également une alem et membre de la Rabita Mohammadia des oulémas. Asma Lamrabet milite pour une interprétation plus ouverte du texte coranique et s'oppose, de facto, aux lectures littéralistes qui font le terreau des Daech & Co. Les responsables de la série ont choisi de mettre en évidence cette dame qui a le courage d'appeler à ôter des manuels de l'éducation islamique les sourates qui appellent à la violence, à établir l'égalité dans l'héritage selon les préceptes de l'Islam, à appeler à réformer le code pénal pour qu'il soit plus respectueux des convictions intimes et personnelles des uns et des autres. «Asma Lamrabet est représentative de ces femmes musulmanes qui militent afin de rendre les pays arabes et musulmans plus respectueux des droits des femmes. C'est un modèle qui devrait briller bien au-delà des frontières du Maroc», explique M. Sekkat. Le documentaire met en exergue le courage de cette dame qui défend bec et ongles les valeurs humanitaires et l'égalité hommes/femmes au nom de ce même texte coranique qui est pris en otage par les prêcheurs de la haine. Dans The invisible Ennemy, on rentre dans la vie intime de Mme Lamrabet, de ses combats de tous les jours et de ses rêves pour ses concitoyens et concitoyennes. On prend surtout conscience en écoutant Mme Lamrabet que la solution pour sortir de toutes les formes de radicalisme, et résoudre par là les inégalités comme celles entre les hommes et les femmes, c'est la réforme de la vision commune et traditionnaliste que l'on a du référentiel islamique. La finalité dans l'Islam étant la justice et l'équité. Autre personnage de taille dans la série documentaire : le cheikh salafiste Abdelkrim Chadli, condamné dans le cadre des événements du 16 Mai à 30 ans de prison et gracié en 2011. On voit l'homme parler de radicalisation, de ses origines, et, partant des motivations de ceux qui sont partis faire la guerre en Syrie, en Irak et en Libye. On découvre l'homme lors de ses visites chez des familles de détenus salafistes et on comprend, à travers ses témoignages, la complexité de cette question. M. Chadli milite pour que les salafistes participent à l'action publique, associative et politique du pays. L'homme que l'on décrivait comme un des inspirateurs du salafisme jihadiste marocain est devenu, après sa sortie de prison, le coordinateur national du parti de Mohamed Archane, le Mouvement démocrate social (MDS). Il se fixe désormais la tâche de solder le passif jihadiste salafiste par la promotion de la participation dans la gestion de la chose publique de ces mêmes salafistes. La trilogie montre également le travail accompli par l'Etat, notamment dans le secteur religieux, afin de faire face au radicalisme. Reportage à l'Institut Mohammed VI pour la formation des Imams, mais aussi une plongée dans l'univers de Zineb Haïdara, une morchida casablancaise, qui relève du ministère des habous et des affaires islamiques. Une dame qui dédie une bonne partie de son temps à promouvoir l'Islam du juste milieu, dans les mosquées qui sont sous sa responsabilité, mais aussi dans les domiciles des personnes à qui elle rend visite. Le réalisateur de la série The invisible ennemy n'est autre que Rachid Kasmi qui a une longue expérience dans la réalisation des documentaires, au Maroc et à l'étranger. «Le thème du radicalisme et de la violence au nom de la religion est d'un grand intérêt pour moi. Surtout vu la triste actualité dans le monde. On a pu suivre nos personnages principaux pendant deux mois, les filmer dans des situations de vécu et d'action au quotidien. Faire des voyages avec eux et des déplacements dans plusieurs villes au Maroc. C'était passionnant». Et c'est à travers tous ces personnages, et d'autres encore, que la série propose un regard sur l'expérience marocaine dans cette lutte contre l'idéologie islamiste radicale. «Le Maroc est une exception dans le monde arabe et je voulais réaliser une trilogie qui soit connectée et où l'on pouvait suivre des personnages pendant les trois films», souligne M. Sekkat. Et d'ajouter: «On voulait donner à voir, à une audience internationale, des personnages qui sortent du lot. Des personnes hors du commun qui ont des choses à dire et qui illustrent cette résistance que mènent des femmes et des hommes dans ce pays, afin de faire face au discours extrémiste». La trilogie The invisible ennemy, documentaire en trois parties de 52 minutes chacune, sera diffusé à la mi-août sur la chaîne Al Hurra. [tabs][tab title ="Portrait : «Mon moteur, c'est l'émotion»"] Le producteur américain d'origine marocaine signe avec «The invisible ennemy» sa première série documentaire sur le Maroc. L'homme ambitionne de réaliser d'autres documentaires sur le Maroc à portée internationale. A trente ans, Driss Sekkat a déja toute une carrière derrière lui. Une carrière de producteur de documentaires aux Etats-Unis pour les plus importantes chaînes de télévision américaines. Depuis le début des années 2000, Driss Sekkat s'est installé aux Etats-Unis, d'abord pour terminer ses études et ensuite pour y travailler dans la production pour des chaînes de télévision américaines. Il débute à Bristol, Etat du Connecticut, à la chaîne sportive américaine ESPN et reçoit la même année le prix «Telley Award» pour l'émission «Sportcenter». «Ce fut le début de mon aventure avec l'image. J'ai eu alors la certitude que je voulais faire de la production et de la réalisation mon métier», assure-t-il. Il passe à une autre institution journalistique américaine, CNN, où il réalisera en tant que producteur plusieurs émissions. Il couvre pour la chaîne basée à Washington des événements de par le monde. Avant de travailler en 2007, toujours dans la capitale américaine et comme producteur, pour la télévision française TF1, aux côtés de Gilles Bouleau, l'actuel présentateur du journal de 20h00 et un des piliers de l'information à TF1. Il collabore par la suite pour le compte de la MBM (Middle East broadcast network). «J'ai produit entre 2011 et 2013 plusieurs documentaires sur le monde arabe, notamment sur les révolutions dans ces pays, en Egypte, en Syrie et en Tunisie», ajoute-t-il. Des documentaires qui ne vont pas passer inaperçus. En 2013, Driss Sekkat est nominé aux AIB Awards à Londres et au Festival international du film à New York, pour le meilleur documentaire réalisé au Moyen-Orient et remporte en janvier 2014 le prix «Cine Golden Eagle Award 2013», de la catégorie «documentaire», pour son télé-film «Street Pulse» (le pouls de la rue) sur le climat sociopolitique en Egypte. Un documentaire qui met en évidence le travail des adolescents dans le domaine des mines en banlieue du Caire. «En 2014-2015, j'ai lancé une série docu-réalité, à propos des banlieues du Caire : un concept de téléréalité dans lequel les acteurs et actrices sont les habitants eux-mêmes de ces banlieues. Ces documentaires ont eu beaucoup de succès auprès des Egyptiens car ils s'intéressent uniquement aux rêves de toute cette jeunesse», nous explique le producteur. Un de ces documentaires, produit par la chaîne Al Hurra, «Les résidents des cimetières au Caire», remporte en avril 2015 la médaille de bronze au Festival international de New York. Pourquoi alors opérer ce retour au Maroc ? «Pour moi, le Maroc est un choix du cœur. Mon premier travail se penche sur la stratégie du Maroc, Etat et société civile, à faire face à l'extrémisme religieux», souligne M. Sekkat. Une motivation qui est également due à l'universalité de la thématique. «C'est un sujet d'une grande importance à l'échelle internationale et qui intéresse un large public. Pour moi, c'est important que des audiences mondiales (Europe, Moyen-Orient, Etats-Unis) sachent ce que l'on fait d'exceptionnel dans ce pays», tient-il à préciser. Il compte continuer sur le même chemin, à faire des documentaires grand public, sur des sujets d'actualité. «J'ai un projet de documentaire sur l'islamophobie aux Etats-Unis et bien d'autres dossiers qui collent aux news, mais tournés de manière créative et avec comme moteur la passion et l'émotion», conclut-il.[/tab][tab title =""][/tab][tab title =""][/tab][tab title =""][/tab][/tabs]