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B comme Bush ou comme Belhaj
Publié dans Lakome le 13 - 09 - 2011

Wikileaks contient beaucoup de choses. Un vrai capharnaüm. Une réelle caverne d'Ali Baba quand on sait avec quoi et par qui elle a été remplie. Depuis qu'elle a commencé à délivrer ses secrets les confidences, d'ici et d'ailleurs, le disputent aux révélations. Récemment, - c'est l'objet de cette contribution,- elle nous a même parlé du sentiment amoureux des islamistes à l'égard des américains.
En fait, ce grenier est une idée géniale fait d'investigation, de courage politique, de divulgation et de recherche de la vérité. Wikileaks est comme un bon flic doublé d'un greffier attelé à constituer un grand archive. Ces deux-là n'obligent personne à parler. Mais, ce qui y est dit et consigné dans certains lieux ou devant des officiels qui relèvent du contribuable américain peut être mis en ligne et porté sans trop de censure à la connaissance de l'opinion publique. Une bonne pratique démocratique mais pas seulement. C'est aussi une invitation à parler à ces gens avec intelligence. Une façon de dire aux amateurs des cénacles fermés que tout ce que vous dites peut en sortir avec perte et fracas et vous en serez tenus devant cette même opinion publique.
Une Puissance si aimable
L'opinion publique marocaine a ainsi appris dernièrement, en plus de ce sentiment amoureux des islamistes, que les américains ont empêché la visite au Maroc de Khalid Méchaal, numéro un élu du Mouvement Hamas et qu'ils sont aussi à l'origine de la rupture des relations diplomatiques de notre pays avec l'Iran. Suite à une pression aimable d'une Puissance si amicale qui ne peut être contrariée. Une puissance qui ne nous veut, ainsi qu'aux Arabes en général, que du bien. N'a-t-elle pas annoncé sans état d'âme et avant discussion qu'elle utilisera son droit de veto au Conseil de Sécurité contre la demande de la Palestine visant à être reconnue comme Etat membre des Nations Unies. Ouf ! Heureusement que le Maroc n'est pas membre de ce Conseil en ce moment.
Pour revenir à ce sentiment amoureux des islamistes, le Maroc a donc exprimé, selon la presse locale, de la sympathie et de la commisération en avouant à un représentant américain mandaté que les islamistes ne les aiment pas du tout, et cela qu'ils soient radicaux ou modérés. C'est une confidence un peu forte de café. Soit ! Mais, ce type d'interlocuteurs américains savent-ils du moins globalement ce que « islamiste » veut dire ? Ignorent-ils, par ailleurs, les bras de fer dont ils sont coutumiers à l'égard de tout ce qui leur portent la contradiction ?
Sans abonder dans les arguties, l'idéologie islamique dans son ensemble se nourrit et s'appuient en matière de gouvernance sur deux principes ; plus un qui trace la frontière entre radicaux et modérés. Les trois principes sont tirés du Saint Coran. Le premier commande de « Juger d'après ce qu'Allah a fait descendre » au risque d'être considérés comme « mécréants » et comme « injustes » (V. 44, 45). Cela mène tout droit à la Choura (concertation/démocratie) comme pré requis de la relation gouvernés – gouvernants. Le second dit « Ne vous appuyez pas sur les injustes, de sorte que vous serez atteint par le feu (de l'enfer)… Et vous ne serez pas secourus » (XI. 113).
Pour les croyants en quête de récompense divine, ces deux principes sont une ligne de vie et on ne peut sans bafouer leur foi les en extraire ou leur proposer de s'en détourner. C'est en cela qu'il tente de vivre et d'exister.
Le troisième principe énonce « Nulle contrainte en religion. Le bon chemin est distinct de l'égarement » (II, 257). La ligne de démarcation entre modérés et radicaux se situerait, suite à ce principe, par rapport au libre arbitre que le Livre Saint reconnaît à chacun et à la liberté de décider pour soi sans se croire investi d'une obligation de soumettre quiconque à sa vision de la pratique religieuse. Les modérés seraient proches de ce principe, les radicaux plus rigoureux. Par ignorance parfois, à l'excès.
Alors, si la foi est ancrée dans ses principes qui commandent 1) de gouverner d'après ce qu'Allah a fait descendre, 2) de ne pas s'appuyer sur les injustes et les mécréants qui s'en détournent et cela 3) même si la règle est de refuser la contrainte en religion, comment demander alors sérieusement et sans rire aux croyants de se mettre sous la bannière américaine aussi étoilée soit-elle. Comment les fustiger s'ils ne l'aiment pas ?
Le faire, c'est se mettre à des années lumières de la logique du croyant et du discours pour lui audible ou simplement déchiffrable. Surtout que les islamistes en question, radicaux comme les autres, demandent plutôt un dialogue franc et cartes sur tables. Surtout qu'ils ont eu plus que les autres à souffrir dans leur chair et au-delà, de la politique de l'administration américaine et de ses effets. Ils savent que cette administration avait besoin d'un ennemi. Qu'elle a fait d'eux un bouc émissaire partout dans le monde. Et, la part qu'elle a réservée en ce sens aux nôtres, avec le soutien local, n'est pas en reste.
Alors, comme dirait quelqu'un, comment on fait ? On leur dit quand même d'aimer ce sympathique Oncle Sam ? Parlons plutôt de l'administration de Mr Bush et du legs qu'il a laissé au monde. On va adorer.
Que des intentions d'amour !
Mr Bush Jr est le fils de son père pétrolier du Texas associé à la famille Saoud et accessoirement pilier de la CIA. Après sa première élection présidentielle douteuse, il est installé à la tête de l'Exécutif américain flanqué d'un certain Dick Chenney, Vice-président, qui ne jure que par le pétrole des autres. Un super faucon parmi les faucons. C'est lui qui prend les rênes du pouvoir à la suite de l'attentat du 11 Septembre. Bush est abasourdi et éloigné mais se ressaisira. S'en suivra une lutte sanglante dite contre le terrorisme, la guerre contre l'Afghanistan et la destruction de l'Irak qui n'avait rien à y voir mais qui regorge de pétrole. Jusqu'à aujourd'hui, l'Amérique n'a pas fini de vouloir se dépêtrer de ces guerres meurtrières et injustes. Les morts de civils et d'innocents se comptent par millions. Les tragédies humaines qui s'en suivent, dépassent la descente aux enfers.
Le Patriot Act ou loi dite antiterroriste est prise dans la volée. Elle est considérée comme la loi la plus liberticide imaginée jusqu'ici. Elle justifiera toutes les exactions et les abus qui seront réservés en priorité aux prisonniers de Guantanamo qui sont en totalité de confession musulmane. Beaucoup de pays dont le Maroc qui par excès de zèle la rendra plus insupportable, l'introduiront dans leurs législations internes. Ses victimes se compteront par dizaines de milliers. Certains condamnés de façon rétroactive contrairement et en violation des principes les plus universellement reconnus. Pour compléter ce paysage de cauchemar, nul besoin de rappeler aussi la crise financière de 2008 due aux subprimes tolérés par son administration ou les autres legs néfastes que la présidence Bush Jr a laissé à son successeur : un pays quasi partout détesté et en quasi faillite financière. Et c'est cela que l'on voudrait voir aimé par les islamistes en général ?
Ne comprendrait-on pas que les sympathies islamiques aille plutôt aux antipodes de ce machiavélisme et de cette perfidie criminelle. Aimer autre chose et regarder ailleurs, ne serait-il pas justice et nécessité patriotique. Le printemps arabe leur en a donné l'occasion. Les exemples nés de ce printemps commencent à se multiplier et à s'imposer tout naturellement.
Celui issu de la révolution libyenne est typique et éloquent. Abelhakim Belhaj est l'un des libérateurs de son pays. Il en a fini, en compagnie de ses camarades, avec la dictature de Kaddafi et ses complices occidentaux. Il est ingénieur et entre tôt dans la lutte contre le despotisme local. Il est entraîné en Afghanistan et participe à la libération de Kaboul en 1992. Arrêté par la CIA en 2004, il est livré à la Libye dans le cadre de la livraison des combattants aux pays qui pratiquent la torture. C'est la politique américaine de l'extraordinary reedition. Libéré après six ans de prison, il apporte à la rébellion son expérience militaire, combat en première ligne et organise la prise de la forteresse de Bab Al Azizia, centre de pouvoir du tyrannique libyen. Il a donc libéré son pays d'un pouvoir dictatorial et mafieux, et combattu auparavant une domination étrangère menée par des new cow boys qui s'imaginent encore dans un western où la spoliation est le credo ambiant, et où les autochtones doivent subir la loi du plus fort. Pour ces nouveaux colons, comme on disait au Far West, un bon autochtone est un autochtone mort.
Deux exemples donc. Bush et Belhaj. B comme Bush ou comme Belhaj ? L'occupant et le patriote combattant. Belhaj a reconquit la capitale de sa patrie et rappelle calmement à qui veut l'écouter les souffrances et les tortures que lui ont fait subir, hors combat, le MI6 britannique, la CIA et leurs complices libyens. Bush est retourné à une vie pénarde. Personne ne parle plus de son alcoolisme ni de ses crises de mysticisme. Il a dit seulement regretter l'époque où il était bichonné à la tête de l'Exécutif américain alors que maintenant, selon ses propres dires, il ramasse les crottes de son chien.
Mais, l'histoire a une suite… Après que Belhaj soit devenu un exemple, les américains annoncent qu'il a été derrière les attentats du 16 mai 2006 de Casablanca. Tiens donc. Ils font savoir aussi qu'ils ont mené enquête. Une annonce qui tombe à pic et en tout cas, au moment opportun. Pas pour l'exemple, mais sans doute pour casser l'exemple. Décidemment, entre les américains et leurs alliés d'une part, et les islamistes d'autre part, c'est une longue histoire qui n'a pas fini de recommencer. Elle ne se terminera pas pourtant comme celle des indiens avec les américains. Même si comme ils le disaient à propos des indiens, ils ne devraient pas être peu nombreux à dire en off qu'un bon islamiste est un islamiste mort. Allez avec ça imaginer la profusion d'amour qui envahit les islamistes à l'égard des yankees.


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