Il est des décisions politiques devant lesquelles on reste dubitatif, plus encore, pantois. Il en est ainsi de l'engagement public du roi Mohamed VI de voter en faveur du projet de la constitution. En prenant un tel engagement, il s'est départi de son rôle d'arbitre « au-dessus de la mêlée », et a agi en chef de parti. Et surtout a transformé un référendum sur une simple réforme constitutionnelle en référendum sur sa personne et sur la monarchie. De même qu'il a empiété sur la liberté de choix des électeurs et électrices en les acculant à à voter soit pour lui, soit contre lui, d'autant plus que le makhzen s'était saisi de ce oui royal pour stigmatiser ceux et celles qui voulaient, soit se prononcer contre le projet constitutionnel, soit boycotter le référendum. Ces « récalcitrants » furent cloués au pilori, vilipendés, taxés de traîtres au service de l'étranger, de cinquième colonne du Polisario, de mécréants « bouffeurs » de ramadan voués à la géhenne , de déviants sexuels et enfin, suprême anathème, de « msakhet al malik » (les maudis par le roi). Le but recherché de ce lynchage, ramassis de dénigrements, de mensonges, de diffamations, de calomnies et d'insultes, est de livrer ces « sujets régimbant » à la vindicte populaire. En assimilant le vote sur la constitution à un vote sur le roi, les « grands stratèges » de cette assimilation se sont mis la corde au coup et se sont condamnés à faire en sorte que le projet constitutionnel soit adopté à plus de 90%. A défaut, c'est le régime monarchique qui, disent-ils, sera remis en question. Rappelons dans ce sens la « mésaventure » de l'hebdomadaire « Telquel » qui avait initié, en collaboration avec le journal «Le Monde », un sondage sur les réalisations des dix années de règne de Mohamed VI. Les deux publications furent censurées pour avoir eu l'outrecuidance de demander aux marocains ce qu'ils pensaient de l'œuvre réalisée par leur monarque lors de cette période. Explication de M.Khalid Naciri, ministre de la Communication: « Le fait même d'effectuer un sondage dans lequel le pivot central est de demander aux citoyens ce qu'ils pensent de l'œuvre de leur roi est déjà en soit une atteinte au principe et au fondement du système monarchique ». Signalons, au passage, que… 91% des sondés avaient jugé ce bilan positif ou très positif !!!! Il semble donc que ce chiffre de 91% constitue un désaveu de la monarchie !!! Mais en soutenant que voter en faveur de la constitution c'est voter pour le roi n'a-t-on pas fait, justement, du souverain « le pivot central » de cette consultation ? N'a-t-on pas, aussi, porté « atteinte au principe et au fondement du système monarchique » ? N'a-t-on pas transformé une consultation référendaire en plébiscite sur le roi et la monarchie ? Ce faisant, on se condamnait à faire en sorte que la constitution soit avalisée par la quasi-totalité des électeurs. D'où ce « score » de 98, 50 %, car une moindre « adhésion » aurait porté atteinte à l'aura monarchique selon la logique makhzanéenne. Or, cette « performance » ne pouvait devenir que la risée des chancelleries de par le monde et assimiler la monarchie marocaine à une monarchie bananière. Maintenant que serait –il advenu si le roi Mohamed VI ne s'était pas engagé publiquement en faveur du projet constitutionnel, - s'il avait laissé les « non » et ceux qui ont boycotté s'exprimer librement à l'instar des « oui », - s'il avait interdit que l'on fasse appel, rubis sur ongle, à des « Chmakrias », aux « bou chakor », et autres repris de justice et dévoyés qui se présentaient, hélas, comme les remparts de la monarchie, - s'il avait refusé que le makhzen ne recourt à des méthodes et subterfuges, jadis affectionnés par Basri, passé maître dans l'art de trafiquer toute consultation populaire, - si on avait tiré la leçon de l'abstention très élevée des électeurs lors des élections législatives de 2007, et ce malgré l'appel pressent du souverain en faveur d'une participation massive. Tout simplement, le projet de la constitution aurait été avalisé. Et au cas où il ne l'aurait pas été, le roi aurait pu demander à la Commission Consultative pour la Révision de la Constitution de revoir sa copie…… Au temps d'Hassan II, Noubir Amaoui déclara que le Maroc avait besoin d'une monarchie où le roi règne mais ne gouverne pas. Courtisans et autre affidés du pouvoir demandèrent au souverain défunt de traduire en justice « l'impertinent » leader syndical. Hassan II opposa un refus catégorique à cette suggestion en affirmant que s'il faisait juger le secrétaire général de la CDT, il allait introduire la monarchie dans le prétoire et la mettrait dans le box des accusés !