UNE TENTATIVE DES DETENTEURS DU POUVOIR AU MAROC On savait à l'avance que le résultat du vote référendaire serait un oui « démocratiquement » réalisé. Cette pratique dont nous avons été abreuvés depuis le début du règne de l'absolutisme au Maroc avait déjà été bien explicité par le journal « Maroc-Hebdo » en décembre 1997, journal aux mains du sinistre Driss Basri : « Notre processus démocratique n'a strictement aucune vocation à remplacer la légitimité de nos institutions par une légitimité sortie des urnes. Nos valeurs monarchiques sacrées sont une chose et la méthodologie démocratique en est une autre. La seconde ne peut se substituer à la première. L'une est de nature statistique, l'autre est de nature historique et multiséculaire. Il n'y a aucun interstice dans lequel une quelconque surenchère politicienne peut se faufiler »... (N°299 - décembre 1997 - page 9). C'était en 1997…Mais aujourd'hui… Ne pas tenir compte de 4 partis de gauche et d'un syndicat qui a pignon sur rue, ni de coordinations de Mouvement du 20 février qui ont appelé au boycott, c'est une volonté de dépasser les fraudes que le Maroc a connues pendant les « années de plomb ». Car, à cette période, même si le boycott a toujours été préconisé par tel ou tel parti, même si cet appel avait été soutenu par la population, l'appel au boycott ne rassemblait pas toutes ces structures et, surtout, on n'était pas face à ce mouvement de contestation dans plus de 80 villes et villages et qui perdure depuis le 20 février 2011. Mais, sourd à tout cela, l'oligarchie gouvernante campe sur ses pratiques ancestrales en tentant de réaménager un système anti démocratique tout en gardant l'essentiel pour montrer à l'opinion internationale que le système de gouvernance au Maroc change pour se placer dans la lignée des autres démocraties. Peu lui importe le peuple, peu lui importe que toutes ses composantes s'interrogent, peu lui importe de répondre à des revendications légitimes, non, il faut permettre aux investisseurs étrangers de spolier notre patrimoine et permettre à cette oligarchie un enrichissement frauduleux et éhonté et ce, en s'attachant à la bonne grâce de ceux qui, hier, contestaient cette même oligarchie… Il faut rendre opaque cette contestation en la mettant au rang de perturbateurs instrumentalisés par des islamistes, cette contestation qui depuis le 20 février et dans la lignée des peuples arabes et de la Méditerranée s'indigne justement du sort qui est fait au peuple. Qu'il y ait des morts… On ne le conteste pas mais l'impunité devient un droit pour les responsables de crime…Et, cela depuis la nuit des temps car les responsable des crimes, des disparitions forcées, des tortures n'ont jamais été poursuivis et sont au sommet de l'Etat en toute impunité. Malgré cela, au moment où ce Mouvement du 20 février rassemble une majorité de jeunes et de personnes qui n'ont plus rien à perdre, face à la maturité de leurs manifestations pacifiques, on pouvait penser que nous assisterions, certes, à une fraude électorale dans ce vote référendaire, mais à une fraude moins visible dans les statistiques de la participation et celle du « oui ». Non, il fallait les ignorer et les laisser faire pour les avoir à l'usure. Le 17 juin 2011, le roi Mohamed VI n'a-t-il pas insisté sur le fait que son discours du 9 mars 2011 aurait « recueilli l'adhésion unanime de la Nation » alors que les manifestations s'amplifiaient ?… L'essentiel n'est pas de répondre à un peuple, l'essentiel est de gagner à ce jeu où l'humain n'existe pas. L'essentiel est de gagner la partie quelle que soit la manière. Les revendications populaires, les souffrances des sans emploi, des sans abris, des diplômés chômeurs…seront visibles l'espace d'un baise mains et d'un spectacle du prince des pauvres… Quant à la démocratie, « elle est ravalée au rang des statistiques du ministère de l'intérieur, par ailleurs modulables et malléables à volonté. C'est une simple « méthodologie » destinée à mieux gérer le pouvoir absolu. (…) Il s'agit de pérenniser ce destin à jamais par une « continuité » dont le garant exclusif est le Souverain…» Abdelghani Bousta- Janvier 1998 in http://www.maroc-realites.com/web/maroc-realites-fr Les temps ont changé, nous dira t- on. On pouvait dire cela il y a près de 15 ans, mais aujourd'hui… Les temps ont changé ? Dites le donc aux sans abris et à ceux que nous rencontrons, jeunes de moins de 10 ans, que nous rencontrons vendant des chewing-gums ou des boîtes de Kleenex.., dites le donc à la famille de Fadwa Elaroui qui , poussée par le désespoir de ne pas pouvoir acheter des médicaments pour son enfant, s'est immolée à Souk sabet… dites-le donc à ces parents qui ont donné tout leur bien pour instruire leurs enfants qui aujourd'hui sont au chômage ou ont un emploi précaire et qui, manifestant pour plus de justice et d'égalité, se font tabasser à mort par les forces de l'ordre comme Kamal Ammari à Safi. Dites-le donc…. En réalité, peu importe à ce système l'humain, il est mis au rang du jeu de quilles. Mais, ce qui a changé, effectivement, c'est ce réveil régional des peuples qui, même si leurs revendications n'aboutissent pas, ont marqué et marquent toujours l'histoire de nos destinées meilleures pour la véritable démocratie et l'Etat de droit. Vous voulez les avoir à l'usure mais vous ne pourrez pas renier ces mouvements, ces voix pour la liberté, et, comme le chante Jean Ferrat: «(…) Ne tirez pas sur le pianiste Qui joue d'un seul doigt de la main Vous avez déchiffré trop vite "La musique de l'être humain" Et dans ce monde à la dérive Son chant demeure et dit tout haut Qu'il y a d'autres choix pour vivre Que dans la jungle ou dans le zoo(…) » Le Mouvement du 20 février, malgré cette volonté du pouvoir de le faire taire par l'usure et en tentant de le rendre opaque, résiste encore pour faire prendre conscience de la nécessité de revendiquer une véritable citoyenneté où ne sera pas bafouée la dignité de chacun.