Le projet de loi sur les commissions d'enquête parlementaires n'a pas fini de susciter le débat public. Des voix au parlement se sont levées pour dénoncer son adoption en conseil de gouvernement court-circuitant ainsi les travaux de la commission de la Justice et des droits de l'homme qui avaient pris la forme d'une proposition de loi. Le ministre chargé des relations avec le parlement et la société civile, Lahbib Choubani s'en défend et déclare que le ralentissement de l'action de la commission, ordonné selon le ministre, par le président de la Chambre, Karim Ghellab a poussé le gouvernement à inscrire l'adoption du texte à l'ordre du jour du dernier Conseil de Gouvernement. Ces hésitations et ces cafouillages de part et d'autre révèlent bien la sensibilité d'une loi, qui, dans l'esprit du régime parlementaire permet aux élus de la nation de mener des enquêtes sur des faits et des services ou des entreprises publiques dont la commission doit examiner la gestion. Si dans les pays démocratiques la création d'une commission d'enquête relève exclusivement de l'initiative parlementaire, par un ou plusieurs députés, le projet de loi marocain exige non seulement un tiers des députés ou des conseillers pour les propositions de résolutions mais accorde à l'exécutif l'initiative de la création de ces commissions. Ainsi, l'article 2 du projet de loi précise que les commissions d'enquêtes peuvent être créées à l'initiative du roi. De ce fait, c'est tout le principe de la séparation des pouvoirs, consacré d'ailleurs par l'article premier de la constitution qui est remis en cause. Le deuxième point problématique dans ce projet de loi est la limitation du champ d'investigation de ces commissions excluant les questions relatives à « la défense nationale, à la sécurité intérieure ou extérieure ou les rapports du Maroc avec les Etats étrangers ». Le texte prévoit la possibilité pour le Chef de gouvernement d'opposer le caractère secret des faits objets de l'enquête et refuser que soient communiqués à la commission les documents demandés ou interdire aux personnes intéressées de produire le témoignage requis. Il s'agit là de prérogatives exorbitantes allant à l'encontre du droit à l'information dans un pays où l'armée et les services de renseignement sont souvent au centre du débat publique sur des questions liés aux droits de l'homme et à la corruption. Troisième talon d'achille, les sanctions pénales trop élevées prévues à l'encontre des personnes qui divulguent les informations recueillies par la commission et qui peuvent atteindre jusqu'à 5 ans de prison ferme et une amende de 10000 dirhams, « sans préjudice, le cas échéant, des peines plus graves que justifierait la qualification de l'infraction ». Sur ce point, les rédacteurs du projet semblent s'être inspiré du modèle français, sauf que celui-ci prévoit une peine maximale d'un an d'emprisonnement ! Pour que ce projet de loi ne soit pas un énième rendez-vous manqué avec « l'interprétation démocratique de la Constitution », concept cher à nos politiciens depuis l'avènement de la nouvelle loi fondamentale, il est nécessaire d'y apporter des amendements et les débats parlementaires nous révéleront le degrés d'éveil des députés à ce sujet. Affaire à suivre...