Le Mouvement Unicité et Réforme (MUR) vient de publier un communiqué qui invite la jeunesse marocaine à éviter «de succomber aux appels du jihad qui ne sont pas entourés de conditions et de garanties». Le MUR met en garde également contre « les raccourcis qui sont souvent fait entre la notion de Jihad et la lutte armée. Des amalgames qui risquent d'altérer le sens profond et la légitimité même de la révolution syrienne ». Le communiqué intervient 12 jours après l'appel du Caire dans lequel des savants musulmans sunnites ont décrété l'obligation du Jihad au côté, disent-ils « de nos frères de Syrie. Nous devons les fournir en hommes, en argent et en armes et de toute autre forme de soutien ». Le père fondateur du MUR, Ahmed Raissouni, a précédemment déclaré dans un entretien accordé à Lakome qu'il ne s'opposait pas aux orientations générales du communiqué du Caire et qu'il ne voyait pas d'inconvénients à fournir la résistance syrienne en combattants si la situation l'exige. De plus, le vice-président du MUR Omar Benhamad, figurait parmi les participants à la conférence du Caire qui ont validé la recommandation sur « la participation physique au jihad » contre ce qu'ils ont qualifié d«'agression iranienne ». Dans un entretien avec Lakome, Benhamad dit que « le communiqué du Caire est désormais public et les savants musulmans devraient se prononcer quant à sa substance ». De plus, Benhamad s'est dit « favorable à un soutien militaire des Etats-Unis à l'opposition armée ». Mais le communiqué du MUR diffusé le 25 juin passe sous silence la question de la « participation physique » au Jihad. Il insiste uniquement sur les aspects « matériel, culturel, spirituel et humanitaire » et ce conformément à ce que pourraient demander les représentants légitimes de la révolution armée. Nous sommes en droit de se demander pourquoi le MUR, en sa qualité d'aile idéologique du Parti de la Justice et du Développement (PJD) émet aujourd'hui des réserves dans son communiqué sur « la participation physique au Jihad » tel qu'elle a été décrété par les savants du Caire. D'autant que cette réserve intervient suite à un silence qui a duré près de 12 jours après la publication du premier communiqué. Volte-face après la déclaration de la conférence du Caire Quatre jours après sa participation à la conférence du Caire, le vice-président du MUR (Mouvement pour l'Unité et la Réforme) Omar Benhamad, a affirmé que la déclaration du Caire " nous a été imposée " sachant que le plus important sujet principal de la Conférence du Caire qui a réuni les Oulémas sunnites est l'appui aux musulmans sunnites en Syrie. Le fruit de la réunion est une déclaration embarrassante qui appelle explicitement à « la mobilisation et au Jihad par tous les moyens pour soutenir les musulmans en Syrie ». Pour sa part, le chercheur en science politique, Khalid Laasri, un proche de la Jamaa Al Adl Wa Ihssane au Maroc, a publié sur Lakome une tribune où il doute que certains Oulémas connus par leur pondération et leur sagesse aient pu valider la déclaration du Caire, tant elle est précipitée et manque de discernement. Selon lui, cette déclaration-fatwa qui a appelle à la mobilisation et au jihad en Syrie traite les musulmans comme une nation indivisée, et omet le fait que chaque Ouléma, une fois rentré dans son pays, est tenu de se soumettre à la loi et à la souveraineté de l'Etat. L'effet de la déclaration en devient quasi nul. Laasri s'interroge, presque avec ironie, si les membres marocains du MUR, signataires de la déclaration, seront conséquents avec eux-mêmes et auront le courage de commencer à recruter leurs frères pour le jihad en Syrie, ou bien se rendront à l'évidence qu'une telle démarche est tout simplement impossible puisqu'elle heurte la législation marocaine. La crainte d'une guerre confessionnelle Le chercheur et spécialiste des mouvements islamistes, Driss El Guenbouri pense que le communiqué du MUR ne peut être compris que dans le contexte des événements qui lui ont succédés. El Guenbouri insiste sur l'émergence d'un courant sunnite qui s'oppose à la « participation physique au Jihad » qui serait la prolongation d'un mouvement plus global qui prend ses racines en Egypte en Arabie Saoudite. Guenbouri se demande si cette nouvelle position ne converge pas avec la position américaine qui craint une plus grande implication physique de volontaires en provenance des pays arabes. Le rapport de force dans la région se trouverait ébranlé et partant la zone deviendrait incontrôlable. Selon El Guenbouri, l'assassinat de quatre chiites en Egypte a peut-être motivé le courant islamiste réformiste dans le monde et dont le MUR est un prolongement, à revoir ses positions. Cette remise en question pourrait traduire la crainte de certains leaders sunnites de voir la crise syrienne s'étendre à l'intérieur des pays arabes et islamiques. S'aligner sur la position officielle Pour Mohammed Darif, professeur en sciences politiques et spécialiste des mouvements islamistes, la nouvelle position du MUR est à rechercher dans la volonté du mouvement à s'aligner sur la position officielle de l'Etat marocain en matière de politique étrangère. Une politique qui s'inscrit dans les choix stratégiques de la maison blanche qui vise à atténuer le renforcement des groupes islamiques armés en Syrie et d'éviter que cette partie du monde ne se transforme en un nouvel « Afghanistan », chose que Washington aura du mal à contrôler dans l'avenir. Dans des propos recueillis par Lakome, Darif affirme qu'un gouvernement soutenu par le MUR ne peut encourager la jeunesse marocaine à rejoindre les rangs de la révolution syrienne , car selon lui, la situation est différente de celle des années 70 lorsque les américains sollicitaient ouvertement les pays arabes à envoyer des volontaires en Afghanistan pour contrer l'adversaire soviétique. Darif n'a pas manqué de rappeler que les réserves émises par le MUR sur certains aspects du Jihad en Syrie ne sont pas exclusives au mouvement puisque d'autres figures connues du salafisme marocain comme Cheikh Fizazi. ont adopté la même position. Fuite en avant Par ailleurs, dans un entretien avec lakome, l'intellectuel chiite Driss Hani soutient que « le communiqué du MUR n'est que l'expression de la débâcle du mouvement des Frères Musulmans qui, avant l'émergence d'une position officielle, entretenait des relations très étroites avec les groupes armés en Syrie ». Hani a également précisé que « lors de la conférence du Caire, Benhamad était assis au côté de personnes connues pour leur extrémisme exacerbé à l'égard des chiites et leur soutien inconditionné au jihad en Syrie ». Pour citer le rapprochement entre le MUR et les Frères Musulamans, Hani explique que les communiqués du mouvement ne sont jamais aller à l'encontre des fatwas de Youssef El Qaradawi connu pour son soutien inconditionnel à la révolution syrienne contre ce qu'il qualifie du « cancer chiite ».