15 milliards de DH d'investissements budgétés sur 2013 vont être supprimés. Une mesure d'urgence qui ne résoudra pas le problème structurel du déficit mais risque au contraire de freiner la croissance. La décision a été prise jeudi soir en conseil de gouvernement : les responsables des finances publiques ont décidé d'annuler l'exécution de 15 milliards de DH d'investissements budgétés dans la loi de finances 2013. Ce montant correspond à près de 25% du montant total des investissements publics prévus cette année au budget général (58,9 milliards de DH). Le porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, a justifié cette décision par la nécessité de soulager d'urgence le déficit budgétaire, qui devrait atteindre selon Nizar Baraka 7,1% du PIB en 2013 (contre 4,8% prévus dans la LF 2013). La deuxième raison est liée selon le gouvernement à l'amélioration de l'exécution des investissements programmés : sur 100 dirhams d'investissements publics budgétés, seuls 60 à 75 DH sont effectivement dépensés. Cette coupe budgétaire annoncée devrait ainsi, selon le gouvernement, permettre d'améliorer les capacités de réalisation en 2013. L'arbitrage du gouvernement soulève cependant de nombreuses interrogations. Cette coupe de 15 milliards de DH est une mesure conjoncturelle qui aura très peu d'impact sur l'amélioration des finances publiques : l'état alarmant du déficit budgétaire est lié en premier lieu à l'explosion des charges de compensation (53 milliards de DH en 2012), sans lesquelles le budget national serait peu ou prou à l'équilibre. La réforme de la Caisse est une exigence du FMI et Nizar Baraka a déjà alerté sur le risque pour le Maroc de perdre sa souveraineté économique en cas d'échec, après que le Maroc ait ouvert une ligne de précaution de 6,2 milliards de dollars l'été dernier auprès de l'institution internationale. La « réforme Boulif » enterrée ? Or, la réforme pilotée par le ministre PJD Najib Boulif, qui prévoit une décompensation progressive couplée à la distribution d'aides directes aux ménages les plus pauvres, semble avoir été enterrée par les autres partis, qui verraient d'un mauvais œil le succès politique que peut retirer le PJD d'une telle réforme. L'Istiqlal, pourtant au gouvernement, a ainsi formulé la semaine dernière de nouvelles propositions qui viendraient remplacer ce système d'aides directes. Les propos tenus récemment par le patron de Bank Al Maghrib, Abdellatif Jouhari, laissent là aussi penser que la « réforme Boulif » a sérieusement du plomb dans l'aile. Najib Boulif avait pourtant annoncé en décembre que le dossier était techniquement prêt et que les premiers versements pourraient avoir lieu dès le mois de juin prochain. Aujourd'hui, le gouvernement repart à zéro : une « plate-forme technique » a été constituée en février et sera suivi d'un dialogue national. Aucune réforme ne devrait voir le jour avant 2014... Quid de l'amélioration des recettes fiscales ? La réforme de la compensation n'est pas la seule victime des petits calculs politiques. Pour réduire le déficit budgétaire, le gouvernement a deux leviers qu'il peut utiliser simultanément : réduire les dépenses et augmenter les recettes. Si la réduction des dépenses de fonctionnement est difficilement envisageable – bien que le gouvernement tente marginalement de réduire le train de vie de l'Etat – il y a en revanche beaucoup à faire pour améliorer les recettes alors que la pression fiscale est profondément inégalitaire : la réduction des niches fiscales, qui s'élèvent à près de 32 milliards de DH en 2011, au profit notamment des promoteurs immobiliers et des grands agriculteurs ; la réforme de l'IR et de l'IS ; la chasse aux fraudes fiscales, etc. La mise à plat du système fiscal butte sur de nombreux et puissants lobbies. Elle n'a pas été prise à bras le corps par le gouvernement qui, dès sa nomination début 2012, a repoussé le débat à la tenue d'assises de la fiscalité, prévues fin avril après un premier report. En attendant, la loi de finances 2013 a prévu une amnistie fiscale générale valable jusqu'à la fin de l'année... Coupe des investissements au détriment de la croissance ? Autre interrogation sur la décision du gouvernement de supprimer 25% des investissements budgétés en 2013 : l'impact sur la croissance. Les investissements publics sont en effet avec la demande interne les principaux moteurs de la croissance marocaine. Quel impact va avoir cette coupe de 15 milliards de DH sur la demande globale ? Le gouvernement se justifie en évoquant les taux d'exécution, relativement faibles (entre 60 et 75%), qui permettraient de limiter l'impact de la mesure. Le raisonnement manque pourtant de cohérence. En partant du postulat que chaque projet d'investissement budgété a été défini de manière rationnelle – et qu'il répond donc à un réel besoin (écoles, routes, hôpitaux, etc.) - sa non-exécution relève de problèmes inhérents au fonctionnement de l'administration. Est-ce que le simple fait de tailler dans le budget va résoudre ces problèmes ?