Les femmes sahraouies brutalisées par les forces de l'ordre à Laâyoune racontent ce qui s'est passé. Malgré les témoignages, les photos et les vidéos, la DGSN nie tout dépassement de la loi dans un communiqué envoyé ce vendredi à Lakome. Les femmes qui ont été brutalisées et harcelées en pleine avenue Smara et au quartier Maatallah à Laayoune, le 23 mars dernier alors qu'elles s'apprêtaient à organiser un sit in à l'occasion de la visite de Christopher Ross, ont raconté à Lakome ce qu'elles ont enduré ce jour-là. Plusieurs vidéos ont été tournées au moment des faits, montrant la violence et le harcèlement sexuel dont elles ont été victimes. Selon le témoignage de Mina Baali, qui apparaît dans une séquence vidéo en train d'être brutalisée et tirée par terre, elle avait pris le chemin du sit in en réponse à un appel lancé par des activistes sahraouis pour « réclamer le droit d'autodétermination du peuple sahraoui » et la mise en place « d'un mécanisme onusien pour protéger les droits de l'homme au Sahara ». « En arrivant sur le lieu du sit in, nous avons trouvé des policiers accompagnant le pacha de la ville. Avant même de se rassembler et commencer à lancer des slogans, la police est intervenue avec force pour nous disperser. Ils m'ont poussé avec violence jusqu'à me faire tomber. Un policier m'a tiré par terre et m'a enlevé mon voile. J'ai senti la main de quelqu'un qui voulait m'enlever mon pantalon et il a réussi à le faire. Je lui ai signifié : si tu veux mon pantalon, moi je veux ma terre ! ». Hasna Douihi, époux de Mina Baali, qui a participé lui aussi au sit in, nous a déclaré qu'il n'a vu sa femme se faire brutaliser qu'à travers les vidéos sur internet, parce qu'il a subi lui aussi un traitement violent à ce moment-là. Selon son témoignage, il a été mis dans une voiture de police où il y avait 7 policiers qui l'ont mis à terre et l'ont frappé à coups de pieds et de poings. Il affirme qu'ils l'ont emmené à la banlieue de la ville où ils l'ont jeté pour être récupéré par d'autres agents de la police utilisant une voiture banalisée, mais portant leurs uniformes, qui l'ont torturé avant de le laisser sur place dans un état lamentable. Hasna affirme avoir par la suite regagné une maison pour passer un coup de téléphone et appeler à l'aide Ahmed Bouhada, chargé de la protection au sein de la commission régionale du CNDH. En arrivant devant la porte de l'hôpital, il a découvert une présence policière qui bloquait l'entrée et contrôlait les urgences. Il n'a bénéficié des soins dont il avait besoin, selon ses dires, qu'après beaucoup d'attente et l'intervention du chargé de la protection au sein du CNDH. Khaidouma Joumani, l'une des femmes brutalisées, raconte avoir été, elle aussi, insultée, battue, dénudée et harcelée sexuellement. Des hommes en civil ont osé toucher des points sensibles de son corps en plein public et sous les yeux du Pacha et du chef du cercle. Leila Lyli a, de son coté, été agressée. Elle a raconté à Lakome ce qui lui est arrivé : on l'a fait tomber et tirée par terre juste après son arrivée sur le lieu du sit in. On lui a enlevé son voile (mlhaf) et à un moment un agent a osé lui enlever son pantalon tout en continuant à la frapper dans des parties sensibles de son corps. À l'hôpital on lui a refusé les soins malgré son état critique et l'intervention d'un responsable du CNDH qui l'a transporté dans sa voiture. « Ce refus est intervenu suite aux ordres reçus du pacha de la ville qui m'a insulté et qui n'a pas épargné le responsable du CNDH ». Salma Lamam est une autre victime de cette violence physique et verbale. Selon son témoignage « en allant au sit in, j'ai vu un jeune qui a été brutalisé et qui n'arrivait pas à se remettre debout. J'ai essayé de lui donner un coup de main mais on m'a interdit. J'ai du changer mon voile pour pouvoir apporter mon aide au jeune qui rampait sur le ventre comme on le voit dans la vidéo. En revenant, j'ai découvert une femme qui a reçu une pierre sur la figure et qui saigne. A ce moment là, les policiers ont fait marche arrière. Seulement lorsque le pacha a distingué mon visage, il a ordonné à ses hommes de m'agresser ce qui a été exécuté. Ils m'ont frappé, tiré par terre, enlevé mon voile et mon pantalon avant de me jeter dans un trou, tout en continuant à m'insulter ». Lamina Hallab, qui parait dans les images vidéos avec le visage en sang, est de la ville de Boujdour. Elle était à Laayoune pour une visite familiale. Pendant l'intervention de la police, elle traversait l'avenue pour aller voir une personne de sa famille. Un policier lui a jeté une pierre sur la figure ce qui lui a causé une blessure sous l'oeil qui n'a pas cessé de saigner couvrant son visage. Le cas de l'activiste Soultana Khaya est plus grave mais Lakome n'a pas pu recueillir son témoignage. Selon l'une de ses amies, Leila Layli, Soultana a été tabassée et tirée par terre puis mise dans une voiture de police où 7 policiers se sont chargés de la frapper et de la maltraiter, avant de se débarrasser d'elle dans un lieu hors de la ville. Elle aurait fini par trouver une maison à proximité du lieu où elle a été laissée. Ses occupants lui ont permis de contacter sa famille pour venir la secourir. Soultana a été, elle aussi, interdite d'accéder à l'hôpital pour se faire soigner. Son amie explique qu'elle a été contrainte de voyager aux îles Canaries pour y recevoir les soins nécessaires. Dans un communiqué parvenu ce vendredi à Lakome, la DGSN affirme que ces femmes occupaient illégalement l'espace public et que les forces de l'ordre les ont délogées sans violence et sans faire de blessées...