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ONEE : à qui profite la crise ?
Publié dans Lakome le 14 - 03 - 2013

La grave crise financière qui touche l'Office national de l'eau et de l'électricité met en lumière la mauvaise gouvernance d'un secteur pourtant stratégique pour le développement du pays. Alors que les fournisseurs de l'Office souffrent, les multinationales et sociétés proches du pouvoir profitent allègrement de la situation.
Après de longs mois d'attente et face au silence de l'ONEE, les fournisseurs de l'Office (branche électricité) réclament aujourd'hui publiquement leur dû, malgré les craintes pour certains de voir s'envoler de futurs marchés. La situation est critique pour les PME qui ont vu les délais de paiement s'allonger à l'infini (jusqu'à 24 mois dans certains cas, selon les professionnels). Plus de 700 entreprises travaillent actuellement pour l'ONEE, dont 133 sont affiliées à la fédération sectorielle (FENELEC).
« Nous sommes en train de faire les comptes pour 2012. Entre les factures et les cautions à récupérer, nous sommes déjà à plus de 4 milliards de DH. Et ce n'est pas fini, on devrait dépasser les 5 milliards », explique à Lakome Youssef Tagmouti, le président de la FENELEC. « Nous ne comprenons pas pourquoi nous ne sommes pas payés, poursuit-il. Les budgets ont bien été affectés, les bailleurs de fond ont mis la main à la poche et nous avons réalisé les travaux. Imaginez qu'aujourd'hui, des entreprises continuent de travailler pour l'Office sans avoir été payées depuis de nombreux mois. Alors qu'en même temps l'ONEE ne se prive pas pour leur infliger des pénalités en cas de retard ! ». Les professionnels ont interpellé la Primature et les autorités de tutelle, en leur demandant de prendre des mesures pour « stopper l'hémorragie ».
Opacité de l'ONEE
D'où vient la situation financière critique de l'ONEE ? Plusieurs causes sont avancées : la période de flottement liée à la fusion ONE-ONEP, rendue effective en 2012, qui a bloqué ou retardé de nombreuses opérations ; le montant des créances que l'Office doit lui-même récupérer auprès des collectivités locales et qui avoisinent les 3 milliards de DH1 ; l'explosion des cours des matières premières (fuel, charbon) ces dernières années, qui n'a pas été répercutée sur les consommateurs finaux.
Difficile cependant de savoir avec précision ce qui se passe au sein de l'Office. L'ex-ONE n'a jamais été audité par la Cour des comptes. Ses rapports d'activité (celui de 2011 n'a toujours pas été publié) ne reprennent que des chiffres généraux sur la production et la consommation. Le prix de revient de chaque centrale n'est pas rendu public. Pas plus que les modalités des contrats passés avec les producteurs concessionnaires comme JLEC. Que se passe t-il au niveau de la gestion de l'Office ? Même l'Economiste, le quotidien du milieu des affaires, affirme dans un éditorial intitulé Assassinat industriel qu' « il est urgent de rompre le complot du silence »1.
Le déficit de l'ONEE a atteint 10 milliards de DH en 2012 selon le ministre Najib Boulif 2. Jusqu'à aujourd'hui, le gouvernement a simplement annoncé le déblocage en urgence d'un milliard de dirhams pour parer au plus pressé. La recapitalisation de l'Office et la signature d'un nouveau contrat-programme avec l'Etat ont été annoncé pour 2013, afin de revoir la « performance opérationnelle » de l'ONEE, notamment sur la question des tarifs, mais rien de concret n'est sorti pour l'instant.
L'importance stratégique de ces secteurs publics (eau et électricité) et le processus de libéralisation en cours depuis plus d'une décennie exigent pourtant un minimum de débats pour arbitrer les choix à faire, alors que le développement du pays nécessite des investissements colossaux pour mettre à niveau les infrastructures et que l'aspect social est potentiellement explosif, comme l'ont montré les récentes émeutes de Marrakech.
« L'électricité et l'eau, tout comme les transports publics ou l'enseignement, ont fait l'objet de décisions trop hâtives à la fin des années 80. On a privatisé à tout-va et aujourd'hui on découvre que le secteur privé ne peut pas remplacer l'Etat », explique l'économiste Mehdi Lahlou, président de l'Association pour un contrat mondial de l'eau (Acme) au Maroc.
Qui profite de l'ONEE ?
Pour comprendre les enjeux liés à la libéralisation du secteur de l'électricité, il faut savoir que l'ex-ONE a trois activités de base : la production, le transport (réseau) et la distribution. La privatisation progressive du secteur a commencé par les activités les plus « rentables » pour le privé : la distribution et la production, concédées dans les années 90 dans des conditions opaques (marchés de gré à gré).
Aujourd'hui, plus de la moitié de l'électricité consommée au Maroc est déjà produite par le privé. La société JLEC (du groupe émirati Taqa), qui gère en concession pour le compte de l'ONEE la centrale à charbon de Jorf Lasfar, se porte bien : elle a réalisé un chiffre d'affaires de 5,4 milliards de dirhams en 2011 pour un résultat net qui dépasse les 430 millions de DH !
Comment JLEC répercute-t-elle la hausse des prix du charbon, qui a plus que doublé ces dernières années ? A combien se chiffre la différence prise en charge par l'ONEE ? L'information n'est pas disponible et ni JLEC ni l'ONEE n'ont répondu aux questions de Lakome.
Les deux autres concessionnaires privés, Energie Electrique Tahaddart (ETT : ONE, Siemens, Gamesa) et Compagnie éolienne du Détroit (Théolia), produisent beaucoup moins que JLEC mais sont eux aussi rentables. ETT a dégagé un résultat net de 170 millions de DH en 2011.
Quelle est la valeur ajoutée de ces producteurs privés, à qui l'Etat a délégué la gestion de services publics ? L'expertise ? Les capacités de financement ? L'activité n'est réglementée par aucun texte spécifique. Un projet de loi sur les partenariats publics-privés (PPP) est en cours de préparation afin d'y remédier. «Il faut que la loi précise si l'on veut un partenaire financier ou un partenaire qui exploite le service», avait indiqué en décembre dernier Jean-Pierre Ermenault, le délégué général de GDF Suez Maroc 3.
La recette magique de Nareva
Le cas de Nareva, filiale de la holding royale SNI, illustre jusqu'à la caricature les dysfonctionnements du secteur. Créée en 2004, la société se positionne aujourd'hui comme un acteur privé incontournable du secteur électrique après avoir remporté les marchés de la centrale éolienne de Tarfaya et celle à charbon de Safi (toutes deux en partenariat avec GDF-Suez), qu'elle va gérer en concession pour le compte de l'ONEE. Grâce à la nouvelle loi 13-09 sur les énergies renouvelables, taillée sur mesure pour elle selon les observateurs, Nareva va également devenir le premier producteur privé du royaume, en fournissant directement des clients industriels grâce à deux parcs éoliens privés à Tanger et à Akhfenir (entre Tan Tan et Tarfaya).
Qu'apporte concrètement Nareva ? La société n'a aucune expérience dans le secteur. Son staff se réduit à une poignée de personnes logées dans des bureaux du Twin Center de Casablanca. Elle peut compter en revanche sur le soutien sans faille du secteur public : la caisse de retraite CIMR est entrée à 25% dans le capital de sa filiale Energie Eolienne du Maroc, qui va gérer les parcs privés de Tanger et Akhfenir. Question foncier, Nareva a obtenu 3200 hectares du domaine de l'Etat pour ses projets de Tanger et Tarfaya. Le financement des projets est porté principalement par des banques marocaines, Attijariwafa (filiale SNI) et la BCP. L'électricité produite sera rachetée par l'ONEE à prix négociés sur une durée de 20 ou 30 ans pour les centrales de Tarfaya et Safi, ou revendue directement aux gros clients, la plupart publics (OCP, ONCF, ONDA) ou filiales de la SNI (Lafarge, Sonasid), pour les centrales privées de Tanger et Akhfenir. Dans ce dernier cas, Nareva va simplement utiliser le réseau de l'ONEE pour transporter l'électricité produite jusqu'aux clients industriels, en contrepartie du paiement d'une redevance à l'Office. On ne sait pas encore comment sera fixé le montant de cette redevance. Contactée par Lakome, Nareva n'a pas donné suite aux demandes d'entretien.
C'est en principe une agence nationale de régulation qui doit contrôler le respect de la concurrence dans les activités production-transport-distribution. Le ministère de l'Energie a annoncé sa création pour fin 2013. Ce projet d'agence de régulation avait été lancé en 2002 mais n'a jamais vu le jour. Le Directeur général de l'ONE à l'époque, Ahmed Nakkouch, a depuis été débauché par la SNI pour prendre la tête de Nareva...
Lydec et Veolia, bénéfices maximum
Côté distribution, le secteur ne va pas mieux pour l'ONEE. Les marchés les plus juteux (Casablanca, Rabat, Tanger et Tétouan, qui concentrent la moitié des besoins nationaux) ont été attribué à la fin des années 90 à des concessionnaires français, GDF-Suez et Veolia, à la fois pour l'eau, l'assainissement et l'électricité. Leur gestion a été pointée du doigt par la Cour des comptes dans son rapport 2009, qui explique qu'une grande partie des dysfonctionnements constatés « pourrait être évitée si l'information de l'autorité délégante et des usagers était développée et si un véritable contrôle des délégataires était exercé ». En cause : la non-réalisation de certains investissements (particulièrement lourds au Maroc comparé aux marchés européens), dont la responsabilité est partagée avec les pouvoirs publics, mais aussi des mauvaises pratiques qui font tâche, comme le rapatriement illégal des bénéfices, qui s'est élevé à près d'un milliard de dirhams pour la Lydec entre 1997 et 2008 selon le rapport de la Cour des comptes.
Suite aux pressions du Mouvement du 20 Février, notamment dans le nord, les autorités ont décidé en 2011 de revoir le contrat d'Amendis (Veolia) à Tanger et Tétouan. La fusion entre l'ONE et l'ONEP laissait entrevoir la possibilité de récupérer la gestion déléguée et de définir plus globalement une nouvelle politique de l'eau et de l'électricité au Maroc. Mais l'actualité de ces dernières semaines montre qu'on en est loin. Veolia vient de vendre ses parts dans Redal et Amendis à un fonds britannique, Actis, spécialisé dans la gestion d'actifs financiers. Cette transaction est soumise à l'approbation des autorités mais n'a fait l'objet d'aucun débat public. N'ayant pas d'expérience dans le secteur, Actis a débauché un ancien directeur général de l'ONE, Younes Maâmar, et va bénéficier d'une assistance technique de Veolia pour les trois années à venir.
L'ONEE a beau être dans le rouge, la situation est loin d'être perdue pour tout le monde...
1 L'Economiste 11/03/2013
2 L'Economiste 07/01/2013
3 L'Economiste 28/12/2012


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