Manifestations symboliques et arts de rue... Les indignés marocains ont célébré ce jour du 20 février dans la rue pour rappeler leurs revendications fondamentales, alors que près de 70 de leurs camarades sont toujours dans les prisons. Malgré le reflux du mouvement du 20 février et l'essoufflement de ses activistes, d'infatigables groupes continuent de brandir leurs banderoles et crier fort leurs slogans. Ce 20 février 2013, plus d'une douzaine de villes ont vu défiler les manifestants du 20 février. En plus des revendications initiales du mouvement, liées à la démocratie, l'égalité et la dignité, s'ajoutent, et prennent plus de place, les demandes de libération des prisonniers politiques, quelque 70 à purger des peines de prison ferme partout au Maroc. Le mouvement, né dans le sillage du printemps arabe après la fuite de Ben Ali et le retrait de Moubarak, a bousculé le régime politique marocain en 2011. Même sous le Maroc colonisé, le pays n'a jamais connu d'aussi importantes et massives protestations, synchronisées dans le temps et l'espace. Libération de prisonniers salafistes, nouveau texte constitutionnel et nouveau gouvernement s'ensuivent, certes, mais ces mesures ont été accompagnées de vagues de répression qui avaient pris plusieurs visages. Une répression susceptible de contredire et remettre en question cette nouvelle « transition démocratique », la seconde depuis l'accession de Mohammed VI au trône alaouite. Si 2011 était l'année de tous les espoirs et des aspirations à un Maroc démocratique, portés par la génération du 20 février, beaucoup s'accordent à dire que l'année 2012 a été une année de régression en tous genres. La répression y a repris ses vieilles couleurs. L'interdiction des protestations et l'usage de la violence par les autorités y sont devenus quasi-systématiques. Selon l'Association marocaine des droits de l'homme, « le nombre de prisonniers politiques a considérablement augmenté pour atteindre 70 ». Un chiffre que le Maroc n'a jamais connu depuis le début de l'ère Mohammed VI, à l'exception des arrestations ayant suivi les attentats du 16 mai. "Il est incompréhensible que les autorités continuent de réprimer violemment au mépris flagrant de la nouvelle constitution adoptée en Juillet 2011, qui garantit les droits à la liberté d'expression, de manifestation et d'association pacifiques», a déclaré ce mercredi Ann Harrison, directrice adjointe du Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International, et d'ajouter « tandis qu'elles continuent à réprimer violemment, les autorités marocaines ne semblent avoir mené ces réformes que pour gagner la confiance des partenaires internationaux ». Selon le diagnostic des indignés marocains, « le Maroc est retourné à la case départ, celle d'avant le 20 février et des promesses de réforme ». L'exclusion de l'espace public, la répression ainsi que la poursuite d'instauration de politiques « anti-populaires » sont, pour eux, la preuve d'absence de volonté de la part du pouvoir d'aller de l'avant dans la pratique comme dans ses discours. Selon Omar Iherchane, jeune leader de l'organisation islamiste d'opposition Al Adl Wal Ihssane, « le régime politique marocain ne lâche du lest que quand le rapport de force est tendu, c'est à dire en situation de crise. Ce à quoi nous assistons actuellement prouve cela , le régime est en train de revenir sur tous ses engagements rien que parce que le mouvement de rue s'est affaibli ». Mais la répression peut-elle être seule à expliquer le reflux du M20, alors que les raisons qui ont traditionnellement fait sortir les gens dans la rue sont présentes plus que jamais ? « C'est l'effet PJD, la passivité plus que jamais pesante du citoyen lambda est peut-être due à l'attentisme dans lequel celui-ci se trouve suite à l'élection de Benkirane et ses frères et qui a empêché que le mouvement reste massif dans la rue, explique Abdellatif Zeroual, membre de la formation de gauche radicale Voie démocratique, cela dit, la contestation ne s'est pas estompée pour autant. Les émeutes et soulèvements locaux se sont multipliés durant l'année 2012 ». A défaut d'un changement radical, l'expérience du 20 février a enclenché de nouvelles dynamiques de contestation. Outre l'innovation qu'a connue l'art de la contestation et l'usage des réseaux sociaux, de nouveaux mouvements sociaux voient le jour de plus en plus. Nourris par l'expérience du mouvement, son modus operandi et ses assemblées générales, des lycéens et étudiants se sont organisés pour lutter contre les inégalités dans le système de l'éducation nationale. L'Union pour le changement du système éducatif a eu, depuis près d'un an, le mérite d'organiser les élèves pour la première fois depuis la répression jusqu'à l'extinction du mouvement lycéen, fin des années 1960. Rassemblant des groupes d'élèves et étudiants de plus de 20 villes, l'Union emprunte la voie des réseaux sociaux pour matérialiser ses actions dans la rue. Le 24 février prochain, l'Union compte dénoncer la brutalité policière dans les enceintes universitaires dans plusieurs villes du royaume. De son côté, la gauche marocaine prend de plus en plus conscience de la nécessité de laisser de côtés ses divergences secondaires pour se pencher sur sa contradiction principale : le Makhzen. Ainsi, trois partis de gauche annonceront en mars leur rapprochement organisationnel. Le PSU, le PADS et le CNI, parties prenantes du M20 ont élaboré une plate-forme commune en vue d'un « front de la gauche marocaine».