L'histoire commence par un simple baiser au début du film Spiderman programmé par la compagnie égyptienne Egyptair sur le vol 847, en provenance du Caire et à destination de Casablanca. Un simple film avait mis en danger la vie d'une centaine de passagers. Des passagers qui auraient dû craindre le pire, s'il n'y avait pas eu le courage du pilote et du personnel de bord composé de : Touria Wafa, Amina Mustafa, Yousra Atif Abdelmaâti, Ameur Sabri, Walid Sabri, Mahmoud Hamid et enfin deux agents de sécurité : Mohammed Taoufiq Ali et Ahmed Samir Mabrouk. A bord se trouvait une bonne centaine de passagers, dont notamment le conseiller Adel Omar Sharif, vice-président de la Cour constitutionnelle suprême, et un certain nombre de juristes et de militants de la société civile. Des Egyptiens, Jordaniens mais aussi Palestiniens. C'était à l'occasion d'une conférence annuelle sur le Moyen-Orient, à l'initiative de la faculté de Droit d'une université américaine. Ladite université a pour habitude d'organiser ses conférences dans une des villes du Moyen-Orient afin que ses professeurs et ses élèves aient l'opportunité de découvrir les pays en question, leur culture et ce, dans le but de mieux saisir leurs problèmes. A la fin du séjour qui dure une dizaine de jours, il est possible pour les étudiants intéressés par le pays et leur objet d'étude de rallonger leur durée de séjour. Certains décident même de se spécialiser dans les études du Moyen-Orient, à côté de leurs études juridiques. D'ailleurs il peut même arriver à d'autres d'aller au-delà de leurs études, en découvrant l' « Islam », religion à laquelle certains finissent pas se convertir. Mais ces aspects lumineux de l'expérience du dialogue entre les cultures et les religions sont bien loin d'être l'apanage des extrémistes musulmans. Preuve en est, ce qui s'est passé à l'arrière de l'avion égyptien à destination de Casablanca... Dans le but d'améliorer leurs services et d'assurer le confort de leurs passagers, il est d'habitude qu'EgyptAir offre aux voyageurs la possibilité de regarder des films. Le film visionné cette fois-ci n'est autre que Spiderman. Au tout début du long métrage à gros budget,le personnage principal embrasse sa petite amie au début. Dans ce même vol, se trouvait une délégation d'une vingtaine de cadres du Parti de La Justice et du Développement, un parti marocain islamiste. Les membres du PJD étaient venus en Egypte visiter la bande de Gaza, pour exprimer leur solidarité avec le gouvernement du Hamas et réitérer leur soutien et contribuer à mettre fin au siège imposé à la bande de Gaza depuis 2007. Un soutien et un déplacement qui méritent d'être applaudis. Or il s'est avéré que ,durant le vol, nos frères marocains islamistes et Spiderman n'aient pu faire bon ménage. Pour cause, les cadres du parti n'ont tout simplement pas apprécié le film, et plus précisément le baiser échangé entre l'héros et l'héroïne du film. C'est là que leur chef se lève et demande à l'équipage d'arrêter ce film. L'équipage a ensuite fait de son mieux pour calmer la fureur du chef et des autres militants de son parti, en leur proposant de se couvrir les yeux en leur offrant des œillères. L'équipage a refusé d'arrêter le film en expliquant aux membres du PJD que plus de quatre-vingts autres passagers souhaitaient au contraire voir ce film, et le finir. Sauf que nos frères marocains ont insisté à ce qu'on arrête ce film, en ordonnant encore une fois à l'équipage, sur un ton ferme d'arrêter le massacre visuel. L'équipage n'aura pas été le seul à recevoir les ordres des islamistes marocains, les passagers ont également été sommés de ne pas finir le film fantastique. Même les épouses des membres du PJD ont tenté, tant bien que mal, à calmer la fureur des frères marocains, mais en vain. Personne ne saura finalement les calmer, si ce n'est le pilote qui a fini par prendre une décision courageuse. Il annonce par haut-parleurs qu'il va devoir recourir à un atterrissage d'urgence à l'aéroport le plus proche, afin de préserver la sécurité des passagers. Quelques minutes après, le commandant de bord annonce que l'aéroport d'Alger a accepté que l'avion atterrisse pour trente minutes. S'en suit un débat animé entre les cadres du Parti. Certains sont troublés par l'idée d'atterrir d'urgence à Alger, car cela va retarder leur retour au Maroc. D'autres sont nerveux et craignent le comportement des autorités algériennes à leur égard. Trois des épouses qui accompagnaient nos très chers frères marocains, purent engager une autre série de pourparlers et de réconciliation avec le pilote, son équipage et le personnel de bord afin de poursuivre le vol, sans recours à l'atterrissage d'urgence. Le vol a alors pu se poursuivre, en toute tranquillité et en visionnant ledit film, sujet à polémiques. Spiderman qui commençait par un baiser entre l'héros et l'héroïne a pu aussi se conclure par un baiser bien plus osé que le précédent. Ce qui a été allègrement applaudi par le reste des passagers ! Ce que je viens de raconter est ce qui est arrivé à l'ancien ministre des affaires étrangères en Jordanie, le docteur Marwan Muasher, l'ancien ministre des droits de l'Homme au Maroc, Mohamed Awhar, mais aussi Mohammed Benaissa, ancien ministre des affaires étrangères au Maroc. Et c'est d'ailleurs ce même Mohammed Benaissa qui a su faire fuiter les informations qu'il faut à propos de cette affaire aux concernés, mais surtout au Palais Royal de Rabat. Chose qui a pu ouvert un large débat au sein de la presse. Mais maintenant la question centrale est la suivante : Une personne ou un groupe ont-ils le droit d'imposer leur opinion d'une chose sur les autres, au nom de la religion ? Qu'en est-il des autres valeurs telles que la justice ou la liberté ? Est-il permis à d'autres de les utiliser pour imposer une opinion ou contraindre d'autres gens à faire des choses qu'ils ne veulent pas ? Ce qui s'est passé dans le vol EgptAir à destination de Casablanca est un petit exemple de ce qui se passe, à plus grande échelle, sur la scène égyptienne, mais aussi sur la scène arabe depuis le printemps des révolutions arabes qui a commencé en Tunisie, pour finir par s'étendre à l'Egypte, la Libye, le Bahreïn, le Yemen et la Syrie. Beaucoup trop de personnes sont bouleversées par l'anarchie qui a suivi les révolutions. Il y a même des voix qui, résignées, expriment maintenant la nostalgie des anciens systèmes, comme celui de Ben Ali en Tunisie, de Moubarak en Egypte, de Saleh au Yémen, et enfin de Kadhafi en Lybie. Car ces systèmes, mêmes s'ils étaient autoritaires, savaient fournir à leurs citoyen et à la patrie, une certaine sécurité. Il y a aussi d'autres pour se demander, qu'est ce que ces révolutions du printemps arabe ont pu bien concrétiser, maintenant qu'on fête les deux ans de leur déclenchement ? Cette question, légitime, nous allons essayer d'y répondre dans un prochain article, si Dieu le veut.