En novembre dernier, le CESE s'est vu confier par le roi l'élaboration d'un nouveau modèle de développement pour les « provinces du sud ». Le travail a pourtant déjà été effectué en 2011 par le cabinet américain McKinsey. L'étude, pilotée par le ministère de l'Intérieur et l'Agence du sud, a coûté 20 millions de DH aux contribuables mais n'a pas été rendue publique jusqu'à présent. L'audit de l'Agence de Développement des provinces du sud (APDS) par la Cour de comptes confirme les défaillances de gouvernance enregistrées dans la région. Absence de stratégie claire, non-suivi et impacts limités des projets réalisés, manque de transparence et de coordination : la mission de la Cour des comptes fait le même constat que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans sa note de cadrage présentée au roi au début du mois de janvier. Dans ses réponses à la Cour des comptes (retranscrites dans le rapport final), le directeur de l'Agence du Sud, Ahmed Hajji, se défend en rappelant la vocation transversale de son organisme et son simple rôle d'accompagnement de projets décidés, lancés et co-financés par d'autres partenaires (notamment l'Intérieur pour les projets INDH, le Fonds Hassan II, les ministères et établissements publics concernés par les différents plans sectoriels). La décision de Mohammed VI, en novembre dernier, de confier au CESE l'élaboration d'un nouveau modèle de développement pour les « provinces du sud » est-elle liée à ces dysfonctionnements ? L'Agence du sud en tout cas semble avoir été prise de court : Ahmed Hajji explique en effet à la Cour des comptes que c'est l'APDS qui s'est vue confier en 2011 l'élaboration de la nouvelle stratégie pour le territoire : « [...] l'Agence a été mandatée pour piloter une étude prospective en vue de pouvoir disposer d'une vision stratégique en matière de développement des Provinces du Sud à l'horizon 2020. Cette étude voulue par les pouvoirs publics, devrait aboutir à un état des lieux, à la lumière d'un bilan exhaustif et précis couvrant les 35 années d'efforts déployés, et à un véritable contrat « objectifs– moyens », à concevoir entre l'Etat et la Région. » Ahmed Hajji va même plus loin en prévoyant une refonte à venir des statuts de l'agence : « Ainsi, pour l'Agence du Sud, cette nouvelle doctrine des pouvoirs publics en matière de développement économique et social d'une part et les exigences de l'implémentation de la stratégie de développement économique et social des provinces du Sud d'autre part, s'accompagneraient-elles d'une évolution de son rôle et d'une seconde réorientation stratégique. » Cette étude stratégique à horizon 2020, nous apprend la Cour des comptes, a en fait été demandée en 2010 par le Premier ministre de l'époque, Abbas El Fassi. Pilotée par le ministère de l'Intérieur et l'Agence du Sud, sa réalisation a été confiée au cabinet américain McKinsey. Coût de l'étude : 20 millions de DH, financés par le budget général de l'Etat. McKinsey a présenté sa note de cadrage en 2011 Outre la réalisation de la plupart des plans sectoriels lancés par l'Etat depuis 2000 (Azur, Emergence, Maroc Vert, Halieutis, etc.), McKinsey avait déjà travaillé sur le développement régional du royaume en réalisant la stratégie 2010-2015 de la région Souss Massa Draâ. En ce qui concerne les provinces du Sud, le lancement officiel de l'étude a été effectué en juin 2011 à Laâyoune, en présence notamment du Wali de la région, Khalil Dkhil, du directeur de l'APDS et des élus locaux. Cette réunion avait pour but de présenter « les objectifs, étapes et méthodologie de travail relatifs à la préparation d'une étude portant sur le programme de développement socio-économique des Provinces du Sud à l'horizon 2020 », expliquait à l'époque l'agence de presse officielle MAP. Selon le quotidien libération, l'étude de McKinsey consistait également « à élaborer une feuille de route basée sur une approche participative entre les acteurs des différents secteurs de développement et qui permettrait une intégration qui répond aux attentes, aux aspirations et aux spécificités de toute la région. » Le calendrier retenu prévoyait trois grandes étapes : état des lieux, mise en place d'une stratégie et élaboration d'un plan de mise en œuvre. McKinsey devait livrer ses travaux à partir de novembre 2011. Un an plus tard, ses résultats n'ont pourtant pas encore été rendus publics et les autorités n'ont pas communiqué sur le sujet. Une question se pose alors : le CESE de Chakib Benmoussa est-il chargé de redéfinir une nouvelle stratégie ou simplement de mettre en œuvre celle concoctée par les consultants de McKinsey ?