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Entretien avec Ahmed Abbadi, Vice-président de la commission ad hoc dédiée à l'élaboration du nouveau modèle de développement économique et social des provinces du Sud : « Le CESE se propose de clarifier le débat »
Entretien réalisé par Mounia Kabiri Kettani L'Observateur du Maroc. Le CESE vient d'élaborer une note de cadrage pour un nouveau modèle de développement économique et social dans les provinces du sud. Quels en sont les enjeux et pour quels objectifs ? Ahmed Abbadi. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), de par sa vocation d'institution constitutionnelle assurant des missions consultatives en matière d'orientation générale de la politique de l'Etat sur les thématiques économique, sociale et environnementale, se voit ainsi confier, un rôle clé pour mener à bien ce chantier d'envergure, partant de sa vocation en tant qu'instance dont les avis sont la résultante de la convergence de différentes composantes de la société et des forces vives du pays et qui se prévaut d'une expertise avérée et d'une grande capacité d'écoute des différentes sensibilités. L'enjeu majeur de ce chantier prioritaire consistera à assurer l'éclosion d'un système qui favorise un développement économique, social, culturel et environnemental au bénéfice et au service des populations locales concernées. La note de cadrage sur le modèle de développement des provinces du sud constitue donc la première étape dans le processus d'élaboration de ce projet d'envergure. Un référentiel de travail qui définit la feuille de route, réflexions majeures et résultats attendus et détermine la démarche qui sera adoptée de manière participative, en tenant compte de la spécificité sociale culturelle et environnementale de la région. Nous avons procédé à une cogitation dans le but d'élaborer un diagnostic linéaire censé délimiter la problématique pour déboucher sur un diagnostic approfondi par la suite. Le modèle en vigueur a atteint ses limites d'après votre Conseil. Qu'est-ce qui handicape justement le développement des provinces du sud ? L'un des handicaps majeurs est le manque de cohérence entre les politiques sectorielles. Il y a beaucoup de concentration et de décentralisation en matière de la prise de décisions. Il n'y a pas de plateforme administrative qui permet de réagir de manière imminente. C'est un modèle qu'il faut repenser. De plus, il n'y a pas de schéma directeur et de plan d'action des projets proposés dans la région. Ne pas prendre en considération la dimension culturelle de la région fait qu'on passe à côté des objectifs escomptés. Quel état des lieux des investissements dans la région. Et Comment peut-on les booster ? L'économie des régions du Sud est peu diversifiée et reste fortement dépendante de deux secteurs, à savoir l'administration publique et la pêche. L'administration publique contribue à 36% du produit intérieur brut (PIB) et 27% des emplois posant une question de soutenabilité budgétaire à terme territoriale, tandis que la pêche participe avec 17% du PIB et 35% des emplois. Depuis 1975, un effort d'investissement a été consenti dans la région conduit par les pouvoirs publics accélérée par la création de l'Agence de développement des provinces du Sud. Aujourd'hui le bilan est paradoxal. En effet, les investissements publics dans ces régions sont très importants et sont classés en troisième position en termes d'investissements par habitant. Le territoire est également classé parmi les trois premiers en termes d'infrastructures et d'équipement. Par ailleurs, les entreprises bénéficient de l'exonération fiscale de l'impôt sur les sociétés, de la taxe sur la valeur ajoutée (sauf sur les intrants) et de taxes locales. Ces dispositions incitatives mises en place pour encourager les investissements n'ont pas atteint leurs objectifs et induisent parfois des comportements contre-productifs. Le secteur privé a besoin d'un environnement particulier qui sécurise les investissements, qui lui donne de la visibilité, qui précise le statut fiscal... Quel est le lien entre ce modèle que vous proposeriez et le projet de régionalisation avancée ? Tout ce travail s'inscrit dans le cadre de la régionalisation avancée sans aborder directement le volet politique. Il est primordial aujourd'hui de travailler sur ce qui valorise la région avec la préservation de ses spécificités. Favoriser l'éclosion d'une économie locale et attractive est le meilleur moyen pour assurer la stabilité régionale. Ensuite viser le développement de sentiments de dignité et de citoyenneté, mais aussi de confiance favoriserait le renforcement du lien social et constituerait une inflexion majeure du modèle de développement. Est-ce qu'on peut imaginer une industrie dans le Sahara ? Les richesses de la région ne se limitent pas au phosphate et à la pêche. La première richesse c'est la population qui y réside. Il y a un sentiment d'injustice, d'iniquité qui est répandu. Le contexte géopolitique et la gouvernance des provinces du Sud n'ont pas favorisé l'émergence d'une culture partagée du développement de la région ni une implication forte des acteurs concernés ou une cohérence des politiques publiques mises en œuvre. Maintenant pour les ressources naturelles, il faut optimiser leur utilisation en analysant la chaîne de création de valeurs et jusqu'à quel point elle bénéficie aux populations locales. Le CESE se propose de clarifier ce débat pour l'exploitation des ressources existantes, mais aussi à titre prospectif pour les ressources potentielles. Les questions de la création de valeur locale et de la redistribution ont bien sûr un impact sur l'emploi, la protection sociale et la cohésion sociale entre les différents segments de population. Il convient de réexaminer certaines politiques publiques qui ont généré un sentiment d'iniquité et ont créé de la tension sociale. Là aussi, la clarification de ces mécanismes et la définition d'un cadre cohérent contribueraient à améliorer le climat social. A quand le rapport final qui définira le nouveau modèle économique des provinces du sud ? En sus de l'élaboration de la note de cadrage, les principales phases des travaux du CESE consisteront en la réalisation d'un diagnostic approfondi du modèle actuel de développement des provinces du Sud et l'analyse, l'identification des inflexions majeures nécessaires, ainsi que la proposition de scenarios de développement, des grands axes du programme d'action et les modalités de mise en œuvre du modèle de développement et les mécanismes de sa gouvernance. Un travail sur le terrain nous permettra de recenser les attentes des habitants. Diverses études sont en cours touchant à la fois les conditions sociales et le volet économique et environnemental de la région. Un rapport d'étape sera présenté à la fin du mois de mars 2013 et le rapport final est prévu au courant du mois d'octobre 2013.