Cela fait maintenant plus d'une année que le gouvernement Benkirane a été nommé. Une période durant laquelle on a eu droit à un florilège de déclarations et de décisions politiques dont l'aspect va du plus utile au plus extravagant. Cependant, de temps à autre, on a droit à des épisodes qui nous laissent pantois vis-à-vis de la scène politique marocaine et ses dédales de gouvernance. Après l'interdiction d'un speech du chef du gouvernement à Tanger et le tabassage du parlementaire du PJD par les forces de l'ordre, vint le tour de l'interdiction des caravanes de solidarité avec les régions enclavées du Maroc. Les trois faits cités émanent tous des prérogatives du ministère de l'intérieur. Ministère régalien des plus importants pour l'Etat et dont les clés échappent encore à Benkirane. Si l'interdiction de Tanger l'humilie une énième fois et que la bastonnade du député touche plus à sa dignité de citoyen que de représentant du peuple, l'interdiction d'une caravane de solidarité ne peut en revanche en aucun cas faire l'objet d'une justification. C'est un crime des plus condamnables. Nombre de citoyens, d'associations et de bienfaiteurs se sont déplacés dans maintes régions désenclavées du Maroc, où le froid et la mort ne font que rôder. Les décès des citoyens et leur précarité ont mobilisé maintes personnes qui ont amené des denrées, des couvertures et autres habits en guise d'aide à ces contrées. L'état marocain a royalement failli encore une fois à garantir des conditions respectables à ces parcelles de territoire. Peut-être parce qu'elles font encore partie de ce qu'on appelle « Le Maroc non utile ». Bref, l'unique intervention du gouvernement consistait à roder des communiqués officiels pour « démentir » les cas des décès des nourrissons ayant succombé à cette vague de froid. Les caravanes continuaient d'affluer vers Anefgou et autres régions, certaines avec spontanéité et bénévolat, d'autres pour pratiquer le « safari-photo-associatif ». Peu importe, dans les deux cas les citoyens désenclavés recevaient de l'aide, ce qui est le plus important. Mais le ministère de l'intérieur ne pouvait guère accepter cela pour longtemps. Selon sa pensée caduque et autoritaire, toute œuvre caritative doit être cadrée dans une campagne officielle. Durant celle-ci on bombera torses et poitrines avec un badge jaune flamboyant pour montrer sa soi-disant solidarité. On veut consacrer le monopole du caritatif, en faire un phénomène saisonnier et bien régulé de façon à ce qu'il soit toujours chapeauté par le premier bienfaiteur du pays. Ignoble. Le ministère de l'intérieur déclare que ces caravanes sont sournoisement utilisées par certains groupes islamistes pour « galvaniser » et endoctriner les foules. Trouvaille du siècle. On ne peut nier que certains groupes islamistes, au Maroc ou ailleurs, usent du social pour gagner des adeptes. Mais serait-ce une raison suffisante pour interdire toute caravane de la sorte ? Devrait-on laisser les gens mourir de faim et de froid au risque qu'ils aient des affinités avec certains groupes ? Demandons-nous, où est cet Etat ? Le ministère de l'intérieur, qui a à sa disposition des montants exorbitants encaissés dans ses « caisses noires » et qui servent à financer ses sbires entre autres usages, ne peut-il user de cet argent pour désenclaver ces régions ? Non, on préfère la force, la répression et l'interdiction. C'est ce que les « sujets » méritent, nous disent-ils. Au-delà des déclarations tordues de Benkirane, au-delà de la fameuse « interprétation démocratique » de la nouvelle constitution qui nous emmerde les tympans, au-delà de toute cette mascarade et hérésie politique, ces interdictions de caravanes répugnent et nous poussent à crier : marre, on en a marre. http://mahdizahraoui.blogspot.com