Animateur d'un atelier sur la thématique « Comment réconcilier jeunesse et politique ? », le ministre de l'Equipement et des Transports a exhorté les futures élites marocaines étudiant à Paris à s'engager activement dans la vie publique. Les « Journées de la Jeunesse Marocaine » qui viennent de se dérouler à Paris, à l'initiative de l'AMGE (Association des Jeunes Marocains aux Grandes Ecoles), ont enchaîné durant trois jours (18-20 avril, à l'Institut du Monde Arabe) conférences et ateliers, animés par d'éminentes personnalités – ministres, universitaires, présidents de grandes sociétés. Les thèmes généraux abordés – économie, religion et identités, politique – furent déclinés selon des angles de traitement susceptibles d'intéresser le public de jeunes marocains étudiant dans les grandes écoles françaises. Ainsi, M. Karim Ghellab, ministre de l'Equipement et des Transports, fut l'intervenant «vedette» de l'atelier intitulé « Comment réconcilier jeunesse et politique ? », tandis que l'universitaire et écrivain Rachid Benzzine, professeur à l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix-en-Provence, traita du thème consacré à « l'Islam et la lecture des textes sacrés ». Rachid Benzzine : «Non à la lecture unique du texte coranique» Pédagogue talentueux, Rachid Benzzine tint son auditoire en haleine durant plus d'une heure, rappelant les vertus d'une lecture circonstanciée, historique, voire holistique de tout texte ancien issu de l'oralité, le Coran y compris. Ainsi, il rappela d'abord quelques règles fondamentales d'une lecture raisonnée, à commencer par le fait que le texte écrit qui nous est parvenu n'est que « la trace d'une parole fugace, énoncée dans un contexte historique particulier ». À partir de cette source orale, le texte introduit la distanciation, crée un surplus de sens du fait de l'accumulation des lectures successives qui en sont faites, tandis que, parallèlement, l'environnement originel du discours oral – soit la situation anthropologique, culturelle, géographique, économique – s'estompe jusqu'à disparaître... « Le texte s'affranchit ainsi de son auteur, de son environnement, de son contexte », souligne Rachid Benzzine. « Les lectures qui en sont faites ne sont que des interprétations parmi d'autres possibles, [aussi] l'idée d'une lecture unique du texte coranique relève-t-elle de l'idéologie... ». Cela est d'autant plus évident que « la pratique de la citation du texte coranique verset par verset ne peut que nourrir la controverse, car on trouve ainsi à justifier chaque chose et son contraire », estime le professeur. « De fait, le texte doit être appréhendé comme une vision, comme un parcours, un cheminement, et donc une lecture appropriée se situe au-delà de la segmentation des versets, mais au moins au niveau de la sourate, puis du texte dans sa globalité », déclara en substance l'universitaire, qui « invite les musulmans à se réapproprier le texte coranique, éventuellement par la pratique de lectures collectives ». Quant à « la révélation » dont le texte est porteur, l'universitaire se déclara incompétent, estimant que cette question relève de la théologie... Karim Ghellab aux jeunes : « Il faut y croire ! Et se mobiliser ! » Principal animateur de l'atelier «Comment réconcilier les jeunes et la politique ?», le ministre Karim Ghellab ébaucha pour commencer un rapide tour d'horizon des réformes de toutes sortes engagées par le Royaume depuis ces dernières années. « Ce sont là autant de ruptures, de sauts qualitatifs qui inscrivent notre pays dans la modernité et la normalité », estima-t-il. Ainsi, la marche vers la mise aux standards de la modernité économique – libéralisation, privatisations, investissements structurants... – trouve-t-elle son pendant dans la « normalité » démocratique en cours d'accomplissement – « si on ne relève plus maintenant que les élections sont libres, comme on l'a fait en 2002, souligna le minsitre, c'est parce que cela est devenu « normal »... ». Faisant référence aux récents sondages attestant la forte défiance de la jeunesse marocaine vis-à-vis du monde politique, le ministre s'efforça ensuite de faire entendre à son jeune auditoire « l'utilité », malgré tout, de l'engagement politique, car « si le citoyen intervient, il peut peser. Si vous ne vous engagez pas, d'autres le feront ». Puis, attaquant frontalement la question de la percée annoncée des islamistes aux prochaines élections législatives, il n'hésita pas à déclarer que cette hypothèse « justifie largement la mobilisation des jeunes. Le positionnement du peuple marocain sera déterminant. Il y a un vrai débat et un vrai choix. Le champ politique est ouvert, la démocratie au Maroc est réelle. Cela doit vous inciter à l'engagement », conclut-il. Cet appel clair et pressant à la mobilisation de ces futures élites que représentent les étudiants marocains dans les grandes écoles françaises fut encore accentué par l'intervention suivante d'Ali Bouabid, membre du conseil national de l'USFP et de la Fondation Abderrahim Bouabid. « Je ne saurais comprendre, déclara-t-il, que les élites que vous êtes, ayant tant de chances, puissent continuer à se désintéresser de la chose publique (...) ne pas vouloir agir à l'avènement d'un avenir meilleur ». Puis, revenant sur l'intervention d'un jeune qui déclarait son scepticisme quant à l'utilité de l'engagement politique, ainsi que sa faible considération pour une certaine technocratie : « Chacun de nous va être confronté à un vrai choix : être pour ou contre les islamistes ». Reprenant la parole en réponse aux interventions des étudiants, Karim Ghellab accepta d'endosser certaines critiques formulées par les jeunes, notamment sur la politique politicienne révélée par les alliances contre-nature, assuma aussi une défense nuancée de la « technocratie de la compétence » à distinguer de la « technocratie du carriérisme » et, surtout, interpella à son tour les jeunes : « Se désengager, c'est contribuer passivement à la progression de l'islamisme ! », conclut-il. Une exhortation que Fahd Yata, de La Nouvelle Tribune, traduisit en une formule lapidaire – « Le Maroc a besoin de vous ! » –, tandis que l'écrivain et professeur d'économie Fouad Laroui leur rappelait, in fine, que « si vous ne vous intéressez pas à la politique, c'est la politique qui s'occupe de vous... ». Autant de propos qui prennent un sens particulier dans la perspective des prochaines élections législatives auxquelles les MRE pourront participer. Une première historique qui marque aussi l'avancée démocratique du Maroc, mais une avancée qui reste encore à consolider. Youssef Ahizoune et Youssef Zniber, de l'AMGE de Paris : « Ce succès des JJM est le résultat d'un fort travail d'équipe » oussef Ahizoune (Sorbonne) et Youssef Zniber (Sup de Co'), principaux coordinateurs de ces « Journées de la Jeunesse Marocaine » de Paris peuvent être satisfaits : trois jours de conférences et d'ateliers animés par des personnalités éminentes, voilà un coup de maître remarquable, et qui va conforter l'excellente image de l'AMGE, l'Association des Jeunes Marocains aux Grandes Ecoles (de Paris essentiellement). « L'AMGE-Caravane, nous rappellent-ils, est une association dont la vocation première est double : promouvoir l'image du Maroc auprès des étudiants et diplômés marocains en France ; servir l'étudiant marocain avant, pendant et après son passage en grande école, afin de favoriser le retour d'un plus grand nombre de lauréats au Maroc. » Depuis deux ans, l'AMGE est en plein essor : avec une croissance de 30 % de ses effectifs, elle compte maintenant 2 000 membres. « Des membres motivés, soulignent les deux Youssef, car nous nous retrouvons tous les dimanches après-midi au service de l'association... Ce succès des JJM est le résultat d'un fort travail d'équipe. Cela va renforcer notre visibilité, c'est formidable. Nous tenons à remercier tous les commanditaires et intervenants prestigieux qui nous ont soutenus, ainsi que l'ambassade du Maroc à Paris, qui nous a ouvert ses portes dès l'avant-projet. Maintenant, nous allons attaquer un autre chantier : contribuer à la mise à niveau des classes préparatoires au Maroc, afin d'aider nos jeunes compatriotes qui restent sur place ». Contact AMGE : [email protected]