Couverture médicale de base (CMB) Depuis sa création, il y a quelque six mois maintenant, l'ANAM (Agence nationale de l'assurance maladie), pilotée par le jeune manager Chakib Tazi, promet de développer et de promouvoir une « capacité de régulation » de l'institution qu'il dirige, conscient que la réussite du nouveau projet de société fondée sur l'universalisation des soins à tous les Marocains passe obligatoirement par le contrôle, le respect des règles de la concurrence et la cohérence et la solidarité de tous les intervenants (médecins, cliniciens, hospitaliers, pharmaciens, gestionnaires d'organismes de prévoyance…). C'est l'enseignement le plus significatif qui a résumé la première sortie publique de l'ANAM, ce lundi 13 mars, pour mener à bon terme un projet révolutionnaire d'AMO couvrant 30% de la société marocaine, la quasi-totalité des salariés des secteurs public et privé, en attendant de fédérer « progressivement » 30% de démunis au RAMED et 30% de professions libérales, commerçants, artisans et autres travailleurs indépendants. En effet, confie le directeur général sans chercher à contourner la problématique dominante au Maroc qui fait que le terrain de l'AMO est largement miné par un environnement défavorable aux réformes en cours mettant en lice polémiques et rivalités entre prestataires de soins et institutions publiques de prévoyance et de régulation. « Tout dépendra, naturellement, de notre capacité de régulation », reconnut Chakib Tazi qui ajouta que « cette capacité de régulation est au centre de tout notre système actuel. Disons que nous nous inscrivons dans le cadre des dispositions légales et réglementaires, encore faudrait-il qu'il faille se prémunir en garantissant l'applicabilité des lois à tous. Que les délais et modalités de remboursement soient respectés, que les méthodes de facturation soient conformes, que les prestations servies soient efficaces, que les missions de l'ANAM ne soient pas entravées… ». Et il ne faudra pas se bercer d'illusions, car tout ne se fera pas du jour au lendemain. Il faudra donc compter avec la progressivité et… la patience qui a toujours animé les Marocains depuis des siècles. Assainir l'environnement Il ne se trouvera pas un citoyen ou une citoyenne pour vous conter le parcours du combattant que représente l'accès aux soins dans les centres publics de soins, et a fortiori dans les établissements prestataires privés. D'ailleurs, la « guerre » des tarifs opposant l'Agence aux médecins et cliniciens n'a pas évolué encore d'un iota dans le bon sens. C'est dire que la fibre patriotique et solidaire, sur laquelle repose l'ensemble du nouveau projet de société consacrant le droit à la santé à tous, ne vibre pas tellement chez les producteurs et professionnels du secteur. Le tarif national unique des consultations (120 DH spécialiste et 60 DH généraliste) est refusé catégoriquement par les praticiens s'en tenant à des consultations respectives de 200 et 120 DH. L'écart est tellement énorme que des problèmes de conventionnement ou même de qualité de traitement prodigué ne tarderont pas à enrhumer la machine. « Les négociations continuent, mais il faut dire que les nouvelles propositions des praticiens ne sont pas susceptibles de faire avancer les choses ». Et en cas d'impasse, ce qui semble être le cas, le ministre de la Santé devra trancher définitivement en faveur de l'esprit AMO et contre le désir des praticiens, bien entendu, ce qui accentuera les difficultés, surtout que nous sommes en phase de lancement puisque l'assurance maladie est effectivement entrée en vigueur à partir du 1er mars 2006. Il est donc impératif de s'atteler à renforcer les pouvoirs de contrôle, de régulation, de sanction, d'intervention dissuasive de l'ANAM que la commission permanente au sein du Conseil d'administration présidée par le Premier ministre s'attachera à mettre en œuvre. Autrement dit, la priorité des priorités est d'assainir un environnement plutôt « souillé » dans le monde de la santé où se sont constitués des réseaux informels de complicité entre praticiens, producteurs et prestataires de soins. Ces réseaux qui continuent de saigner les bourses des citoyens que les ordonnances médicales n'encouragent pas toujours à prescrire les remèdes les moins coûteux. Et comme sur un millier de médicaments répertoriés remboursables, près de 400 sont remboursés au générique, le reste sur le PPM (Prix public marocain), il y a fort à parier que des surprises sont à craindre. Ce qui appelle à la nécessité d'un « climat constructif entre tous les intervenants », insiste Chakib Tazi pour lequel il faut réunir toutes les conditions favorables pour la réussite d'un « système AMO aujourd'hui opérationnel à 100% ». « Il faut se donner la capacité de produire nos propres outils de régulation et la capacité, surtout, de les faire appliquer et observer par tous les intervenants, assurés compris ». C'est là le grand défi qu'a lancé l'Agence naissante qui voit, néanmoins, avec beaucoup d'optimisme des lendemains meilleurs.