L'inconnu est de nouveau à nos portes. Que ce soientt des oiseaux de toutes sortes ne laisse pas d'étonner. Le printemps n'est pas bien loin et l'on est certain qu'on ne dira plus une hirondelle ne fait pas le printemps et qu'il faut s'en méfier, non en raison du doute, mais que peut-être elle porte la mort. On ne peut s'empêcher de se remémorer les scènes fortes du film d'Alfred Hichcock " Les oiseaux ". Les habitants d'une petite ville américaine ne trouvent leur salut contre les envahisseurs qu'en se calfeutrant chez eux. En se confinant. Il fallait se protéger contre une population agressive et en surnombre alors que d'ordinaire, elle est la bienvenue dans les parcs et jardins. On ne sait qui portait le mal, l'homme qui fuyait ou les oiseaux qui le pourchassaient. Qui était de trop sur terre ? Aujourd'hui, c'est un phénomène nouveau. Après la vache folle, voici le canard qui tue ses semblables. Cette volaille a l'excuse d'être sauvage et migratrice. Elle se déplace d'est en ouest, en attendant qu'elle fasse le trajet sud-nord. Qu'il fasse chaud ou froid, cela ne la gêne guère. Cela ressemble à une manœuvre d'enveloppement du globe, qui n'exclura pas les Amériques. L'Atlantique n'est pas une protection, quand on sait que le criquet peut atteindre les pays les plus inattendus. On peut affirmer sans risque d'erreur que le virus H5N1 a réussi la mondialisation conçue par les hommes. C'est la mondialisation de la peur au ventre. Cette peur ancestrale qui fait que les hommes, riches ou pauvres, partagent le même destin. Celui de la mort. Mot de Staline rapporté par André Malraux : " A la fin, c'est la mort qui gagne ". Paroles d'expert. Cependant, les choses se passent comme si de rien n'était, c'est-à-dire selon les clivages traditionnels. Pays industrialisés et pays en développement. Une nouveauté toutefois. On entend parler de pays en transition. Aurions-nous tant d'influence ? Finalement, les pays riches voient le monde à travers leur prisme : pays industrialisés, pays en transition, pays en développement, pays émergents, pays sous-développés, pays pauvres. On se demande si la défunte lutte des classes ne s'est pas transférée aux niveaux des pays et des continents. Le nucléaire iranien en serait peut-être un exemple. Pourtant, les pays les plus riches ont des populations pauvres qui les apparentent aux pays émergents. Un Américain qui cherche sa pitance dans une poubelle et dort dans un centre d'accueil où s'abritent des drogués est le frère de celui qui dort à Casablanca dans les passages l'hiver et les parcs ou la rue l'été. Il est dramatique de constater que les pays industrialisés –notamment les Etats-Unis- investissent des sommes colossales au profit d'armements sophistiqués en vue d'une guerre imaginaire. Le " terrorisme " n'est pas un pays et n'a pas de pays. Ils fabriquent aussi des engins qui iront polluer le cosmos, alors que la grippe aviaire les trouve désarmés. Bien sûr, la science doit progresser, et les affamés pourront toujours regarder le ciel pour se distraire. C'est tout juste si on ne leur conseille pas de faire leur ordinaire de la volaille. Confinée de préférence. Canard au sang pour tous ou à l'orange. Marocaine cela va de soi. Une conférence internationale a décrété que c'est un devoir d'aider les pays pauvres à combattre la grippe aviaire qui a réussi la mondialisation à son profit. Grâce à un réflexe de sauvegarde et non un élan de générosité. La faim n'est pas à l'ordre du jour, puisqu'elle ne fera pas la fortune des industries pharmaceutiques. Un vaccin produit et commercialisé dans le monde entier peut réanimer la bourse la plus exsangue. Ce qui donne de l'espoir. Le virus honni n'empêche pas la joie de vivre ni de faire " cui cui " dans son portable. Une rose peut-elle être contaminée ? Il faut oublier les épidémies du passé. Elles sont pourtant enfouies dans les mémoires. On se demande si cet épisode va rendre l'homme plus modeste. Solliciter la mémoire n'est pas nécessairement lui faire les poches. D'autant plus qu'elle n'est pas inerte et répond de bonne grâce. Cela échappe au sous-développé du bulbe, embarrassé par sa fortune toute fraîche et néanmoins véreuse, qui lui fait prendre le néon de Las Vegas pour un clair de lune.