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En attendant Godot
Publié dans La Gazette du Maroc le 23 - 01 - 2006


Paysages humains
En fait, Ibrahim est un homme qui ne croit en rien. Il n'est pas nihiliste et n'aime pas que l'on épilogue sur son compte et surtout mettre des étiquettes sur ses états d'esprit. Il est juste un homme sans credo ni obédiences. Ibrahim se délecte quand il dit dans son français impeccable que l'obédience est la tare humaine par excellence. «Se courber alors que nous sommes destinés dès les premiers balbutiements de la vie à nous mettre debout ! Quelle misère! Je crois que la race des hommes est à la fois révisionniste et réactionnaire. Les humains veulent revenir à des époques éloignées où ils n'étaient encore que des bêtes apeurées sur des pâturages incertains. Moi, je dis (et quand je le dis il faut à la limite l'apprendre par cœur pour le servir à d'autres quand l'occasion se présente ), oui, moi, moi-même et je, que ma trinité sacrée a décidé que tant que la race des hommes a ce besoin de faire des génuflexions, il n'y a rien à attendre de la vie. Tout au plus une catégorie hybride rampante et ventrale».
Il y a aussi un point très saillant chez ce Ibrahim (Si tu as le malheur de l'appeler Brahim sans le «I» annonciateur, tu risques de passer un sale moment). Il refuse tout, réfute tout, en bloc, et ne laisse aucune chance à son interlocuteur de l'instant de faire face à ses ripostes bien agencées. Il est vrai qu'il a le don du verbe. Il est aussi vrai que ce bonhomme a beaucoup lu. Tout comme il est vérifié qu'il avait enseigné la littérature et l'histoire des idées dans une faculté du pays avant de tout laisser derrière lui pour une sombre affaire dont il garde un profond secret. Ses détracteurs disent que c'est au fond un faible. S'il a tout laissé tomber c'est qu'il n'est pas si fort qu'il veut bien le laisser voir. Donc étant faible, il croit forcément à quelque chose ou à quelqu'un. Dans un sens, ce raisonnement, somme toute simpliste, peut tenir la route. Mais Ibrahim a de solides arguments à avancer pour faire effriter toutes les thèses qui veulent faire de lui un homme qui se plie en deux par peur ou par soumission. Première grande sortie devant son verre de pastis ( vieille habitude qu'il dit avoir eue à Aix-en-Provence ). «J'ai tué l'amour en moi en me refusant au sentiment. Difficile à croire, mais je n'ai plus aucun état d'âme. Je suis un homme huilé sur le corps et l'âme duquel tout glisse. Pour sentir, il faut s'attacher, alors que moi j'ai coupé les amarres. Je crois que j'incarne par excellence le mot exister. Exister dans son sens primaire comme une pierre qui se suffit d'être là. Et croyez-moi si j'avais le temps, j'aurais développé sur Heidegger et Husserl en faisant quelques allusions à Schopenhauer pour vous expliquer l'Être, la Volonté et l'Existence en tant que phénoménologie. Mais je crois que personne dans ce bar sordide n'a d'oreilles assez grandes pour m'écouter». Ibrahim boit son quatrième pastis depuis qu'il a entamé son discours sur le phénomène humain. Il gagne bien sa vie en donnant des cours dans des écoles privées « Où je ne rencontre que des trous, des têtes vides. Le système éducatif national est une illusion. On perd notre temps à tous. Mon conseil est de fermer toutes les écoles et vous verrez comment la sélection naturelle se fera d'elle-même». Ibrahim a des émules qui lui font constater que, vu ce qu'il avance comme thèses, il peut risquer une arrestation en bonne et due forme et faire un passage derrière les barreaux pour des broutilles. «Je peux vous faire un topo sur la politique aussi pendant que nous y sommes. Ecoutez, bande de cons, je suis sûr que vous avez tous voté il y a quelques années. Il y a même certains d'entre vous qui l'ont fait comme un devoir et surtout en croyant aux mensonges de leurs élus. C'est chacun selon son cœur et là, je vous encourage à entretenir l'illusion, si cela vous rassure. Mais pour ma part, chers cons, je ne vote pas parce que de toutes les manières, les jeux sont pipés d'avance. Et je ne parle ni de tricheries ni de corruption, ni d'arrangements. Cela se passe même aux USA et en France. Non, j'ai une vision claire sur comment les choses vont se dérouler. Alors je refuse de participer à cette grosse supercherie appelée politique. Autant dire qu'il y a deux choses au monde que je hais plus que toutes les autres, puisque, comme vous le savez, je ne suis que haine, la politique et les politiciens. Le reste a ma sympathie. Dans un an, vous allez tous pointer aux urnes et vous allez attendre encore quelques années pour vous (re)pointer aux urnes et la chanson finit avec le même refrain, tu peux courir que rien ne bougera, car mes chers cons, c'est une affaire d'atavisme et d'hommes qui sont à la base des animaux non-politisés. Autant me faire blouser par un professionnel de la triche, un gros calibre du mensonge politique, mais par un naze à deux sous, non, je m'y refuse ». Ibrahim est chauffé à blanc. Il se rince le gosier avec un autre pastis et ouvre les guillemets :Toi le journaliste, tu es de la pire espèce. Excuse-moi de te le dire aussi crûment, mais je n'ai pas d'affinités avec les gens de ta race. Vous êtes des charognards, tous autant que vous êtes. Avec votre manie du scoop, vous êtes capables de vendre vos mères au coin de la rue pour une information, même si elle est fausse. Tant que cela gonfle votre ego, vous y allez pieds et mains joints. Quelle bande de débiles, vous faites avec vos noms et prénoms en bas de page. Je vous mets dans la même poubelle que les députés, les prêcheurs et les terroristes. Vous êtes dangereux parce que vous êtes sans scrupules. Et c'est cela la pire des qualités à posséder quand on est un homme à signature, si vous voyez ce que je veux dire. Aussi, devrais-je vous dire que je ne lis aucun papier au monde, ni ceux d'ici ni ceux d'ailleurs. Et Ibrahim de se tourner vers un groupe de jeunes femmes assez éméchées qui attendaient un pigeon pour régler la copieuse addition qu'elles ont étalée sur la table à la toile de cire fleurie. «Par contre, vous mes jeunes filles sans fleurs ni ombre, vous êtes mon mal, et c'est avec une cohorte aussi démoniaque que vous que j'ai envie d'être enterré. Vous êtes le seul mal que j'accepte malgré tous mes refus. Et croyez-moi, il n'y a aucune contradiction dans mes propos. Quand vous vous y mettez, vous êtes pire que les politiciens, les journalistes et les terroristes, mais je vous préfère de loin à tous ceux-là. Vous avez en vous une telle capacité de me rendre la souffrance délicieuse que je suis prêt à m'y noyer à chaque fois que l'idée du divin se glisse dans mes veines, si vous voyez ce que je veux dire. Alors buvez et ne vous en faites pas pour la note. Si votre con débarque, ça me va, si vous êtes là à attendre votre Godot, demandez au barman de mettre votre table sur ma note et partez tranquilles». Ibrahim se tourne vers nous, ses amis de ce soir, et il nous gratifie d'un rictus inédit. Il se penche alors vers un larron bien entamé et lui souffle comme sur l'estrade d'un immense théâtre sans témoins : «Hier j'ai rêvé de mon père avec des anges autour de lui. Il les tutoyait et ils folâtraient à ses côtés. Quand je l'ai appelé, il s'est tourné vers moi et m'a dit de ne pas le déranger parce qu'il jouait. Je n'ai pas compris ce qu'il voulait me dire, mais j'ai comme l'idée que je vais faire une belle rencontre qui va changer ma vie. En attendant, j'attends».


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