Bilan des droits de l'homme Faire le bilan de l'évolution des droits de l'homme, ses carences et ses réalisations, l'exercice n'est pas aisé dans un Maroc de plus en plus sous les projecteurs. Alors que toute l'opinion publique aussi bien nationale qu'internationale célèbre l'anniversaire de la déclaration internationale des droits de l'homme annoncée il y a 57 ans par les Nations-Unies, les attentes portent plutôt sur la publication du rapport final de l'Instance équité et réconciliation (voir détail dans l'article de Youssef Chmirou, page 15). Remis le 30 novembre 2005 au cabinet royal, le rapport fera la lumière sur une longue période (56-99) du Maroc contemporain en vue de tourner les pages sombres de son histoire. Sommes nous à la veille d'un tournant décisif, un bond qualitatif s'inscrivant dans un murissement final du processus des droits? Les espoirs sont, certes, incommensurables, il n'en demeure pas moins que le Maroc, et ce depuis le début des années 90, a entamé une “ logique d'évolution” jamais démentie. Retour en arrière Sans prêchi-prêcha, ni complaisance. Si l'IER est “elle-même fruit des progrès enregistrés par le Maroc en matière de droits humains” comme l'a reconnu le dernier rapport de l'organisation Humain Right Watch (HRW) basée à New-York –qu'on ne peut taxer de complaisance- le processus du progrès ne peut s'y limiter. Résolument, le pays s'est engagé dans une construction évolutive de l'édifice de l'Etat de droits, sur le plan politique, législatif, institutionnel et culturel et a également entamé la réflexion structurelle sur les droits socio-économiques. Vu sous l'angle des standards internationaux, beaucoup reste à faire. En ce sens, le Maroc ne se voile pas la face. Déjà, au cours de la 57e session de la sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme des Nations-Unies, le représentant du CCDH avait clairement et solennellement déclaré : “tout cela ne veut pas dire que le Maroc ne connaît pas de problème en matière des droits de l'homme”. Depuis le début du nouveau règne, un travail de fond, ayant trait à l'harmonisation et la révision des lois sous l'angle des droits de l'homme, est entrepris. En parallèle, des structures et mécanisme ont été mis en place afin de protéger ces droits. Un exemple parmi d'autres : créé au début des années 90, le CCDH a vu ses prérogatives et ses compétences s'élargir et ses secteurs d'interventions se multiplier. Entre aures : publication d'un rapport annuel sur la situation des droits de l'homme ; un autre sur les prisons basé sur des visites systématiques. Côté droits culturels, un institut (IRCAM) dont la mission est de préserver et favoriser l'intégration de la culture Amazigh dans le système scolaire et la sphère communicationnelle a vu le jour. Une culture d'éveil et de suivi s'incruste au fur et à mesure, dans l'esprit et la lettre des instances ad hoc. Néanmoins, le plus grand progrès demeure incontestablement la révision de la Moudawana. Le nouveau code de la famille, adopté en février 2004 abolit “la plupart des dispositions qui déniaient l'égalité entre hommes et femmes en matière de mariage, de divorce et de la garde d'enfants”, comme l'a souligné HRW. La même année, le gouvernement approuve un projet de loi portant sur la criminalisation de la torture. La loi “facilitera les poursuites pour les actes de torture et soumettra les responsables à de longues peines de prison et de lourdes amendes”. Dans le même esprit, le Maroc annonce son intention de lever les réserves sur la convention contre la torture et d'adhérer au protocole facultatif du pacte international relatif aux droits civils et politiques. Animées par le souci d'accroître les garanties d'un procès juste et équitable, les révisions du code de la procédure pénale entreprise en 2003, vont dans le même sens : plus de justice et de droit. L'harmonisation et l'adhésion continues aux standards internationaux ne participent pas seulement d'une volonté de “reformatage” des textes nationaux, mais s'accompagne d'une plus grande liberté au niveau de la presse et de l'action des ONG. Constat des organisations internationales, dont Amnesty et HRW : “les Marocains bénéficient d'une plus grande liberté pour critiquer ceux qui les gouvernent, tant dans la presse que lors des rassemblements publics”. Attente L'état actuel des lieux ne manque pas, certes, de signes d'inquiétudes : Entre autres : procès de presse, violence dans la dispersion de certaines manifestations ou sit-in, procès de Tamassint (Hoceima), quelques cas de mort au Sahara suite au mauvais traitement ou torture ; on est cependant loin “des violations systématiques et graves des droits de l'homme”. «L'IER a déjà fait beaucoup en donnant la parole aux victimes lors des auditions publiques (…) ses recommandations pourront-elles mettre l'avenir sur les rails du droit ? Un Maroc “avançant résolument dans ces directions fera plus que toute autre chose pour consolider le legs de l'IER” conclut HRW. A raison, d'ailleurs.