Réconciliation nationale La mission de l'IER (Instance Equité et Réconciliation) a pris fin mercredi, 30 novembre dernier. L'Instance équité et réconciliation (IER) a remis, mercredi dernier, son rapport final sur les années de plomb. En effet, le 30 novembre a pris fin une mission, inédite dans l'histoire du pays et de la région, après deux années d'enquête sur les violations graves des droits de l'homme entre 1956 et 1999. Chargée de faire la lumière sur les enlèvements, disparitions, détention arbitraire et tortures qui ont émaillé notre histoire contemporaine, l'Instance mise en place en janvier 2004 par le souverain a reçu plus de 25 mille dossiers de demande d'indemnisation de la part des victimes des années sombres du pays. Composée d'anciens détenus politiques et militants des droits de l'homme, dont le président Driss Benzekri qui a passé 17 ans à la prison de Kénitra, l'instance a déjà donné des résultats, concrets quant à sa mission. Si l'objectif final, réconcilier les Marocains avec un passé douloureux et « façonner » une mémoire commune en l'occurrence, reste une œuvre de longue haleine, les audiences publiques retransmises en direct, ont fait la preuve que le «deuil public» est possible. Agitations A vrai dire, les audiences ont littéralement et politiquement ébranlé le Maroc. D'aucuns reprochaient à l'Instance, le «diktat» imposé aux témoins : limite posée, ou imposée par consentement mutuel, les victimes n'ont pas livré les noms de leurs bourreaux. Choix judicieux pour les uns, exclusifs pour les autres, les audiences ont été au cœur de réactions contrastes, les unes plus houleuses que les autres. Catégoriquement rejetée par les caciques de la politique nationale et les franges les plus conservatrices du pays, l'IER a été saluée, de fait, par toutes les forces vives et les Instances internationales qui comptent. Comme à son installation, la mission de Benzekri a aussi suscité beaucoup de réactions à sa fin. Un vieux routier comme Abdelkrim Khatib a réitéré ses positions hostiles vis-à-vis de l'IER. Pas plus tard que la semaine dernière (3 décembre), le chef spirituel du PJD et ancien membre de l'armée de libération a jugé « catastrophique » la constitution de l'IER. «l'Instance a été une erreur monumentale», a-t-il déclaré. Dans la foulée, Khatib accuse Mehdi Benbarka d'avoir commandité sinon être le seul chef des opérations d'assassinats qui ont coûté la vie à plusieurs membres du mouvement de libération. Plus : « J'ai personnellement été interpellé dans ce sens, en plus de bien d'autres personnes qui ont écrit l'histoire du Maroc à cette époque », a-t-il ajouté dans une autre interview accordée à notre confrère Aujourd'hui Le Maroc. Auparavant Khatib déclare que le chef nationaliste progressiste, également fondateur de l'UNFP (actuelle USFP), lui a demandé «de liquider Belfatmi», à l'époque chef du gouvernement. Qu'est ce qui fait courir le vieux Haraki ? Vérités Nombreux sont les commentaires qui croient déceler dans «la dernière tentative du Khatib», un moyen de persuasion sinon de pression en étroite relation avec, d'une part la fin de la mission de l'IER, et le récent déplacement du juge Français Patrick Ramaèl d'autre part. Chargé de l'enquête sur la disparition du leader de la gauche marocaine, le juge Français s'est en effet entretenu mercredi matin, durant une heure et demie avec le juge d'instruction marocain Jamal Sarhane chargé du dossier. Selon la même source : «ces personnes sont notamment des anciens hauts responsables de la sécurité». Or, il y a des coïncidences qui ne trompent pas ; car le séjour du juge français est intervenu quelques jours avant la fin de l'élaboration du rapport final de l'IER. Quel sens donner donc à la réaction, d'une rare violence du docteur Khatib ? Réputé un homme de sérail, Khatib parle-t-il, en fin de carrière, à son nom propre ou sa posture participe-t-elle d'une vision partagée ? Une chose est sûre : en accusant Ben Barka des pires exactions, il ne cache pas son « exaspération » d'un homme devenu symbole. En fait, l'affaire Ben Barka n'est que le grand point d'interrogation auquel devait répondre l'IER ? L'USFP, qui se définit comme « l'héritage de Mehdi » jugera, selon un édito paru sur les colonnes de l'organe du parti, Al Ittihad Al Ichtiraki, le travail de l'IER à l'aune des vérités révélées sur l'affaire. D'ailleurs, le parti socialiste qui a toujours soutenu le travail de Benzekri, a mis en place une commission de travail qui examinera le rapport final, et partant arrêtera une position, une fois le document rendu public. En attendant, le parti socialiste au gouvernement n'est pas le seul à attendre, impatiemment la publication, prévue le 10 décembre courant, du rapport. Pour Eric Goldstein, de l'organisme «Human Rights Watch», l'essentiel est «ce qui devait se passer après l'IER». Nous disons que le bilan de l'action de l'Instance dépendra aussi du suivi qui fera l'état de ce travail », a-t-il déclaré dans un entretien avec Maroc-soir, en faisant allusion aux recommandations qui seront présentées par ledit rapport. Les attentes des uns, on ne le voit que trop, ne sont pas automatiquement celles des autres.