Entretien avec Ali Sedrati, représentant légal au maroc du laboratoire Smithkline Beecham Ali Sedrati, le représentant légal du laboratoire SmithKline Beecham au Maroc, qui s'était interdit tout commentaire ou déclaration à la presse au sujet du conflit qui l'oppose à la famille Diwane, dont le fils est paralysé suite à une vaccination contre l'hépatite B, est finalement sorti de ses réserves. En son nom personnel, il dévoile dans cet entretien accordé à La Gazette du Maroc, plusieurs arguments scientifiques qui déclinent toute responsabilité du laboratoire dans cette affaire. Ali Sedrati se dit étonné par la décision du tribunal de Casablanca et demande que justice lui soit rendue en appel. La Gazette du Maroc : vous étiez condamné à payer 3 millions de DH dans le procès qui vous a opposé à la famille Diwane pour votre responsabilité jugée avérée dans la paralysie de leur enfant, suite à l'injection du vaccin Engerix-B contre l'hépatite B. Quelle a été votre réaction en apprenant le verdict ? Ali Sedrati : Avant de répondre à votre question, je tiens à préciser une chose très importante. Honnêtement et loin de toute polémique judiciaire, je tiens à signaler que je partage sincèrement et humainement la souffrance et la douleur que vit la famille Diwane suite à la paralysie de leur petit Achraf. En mon nom personnel, je tiens à leur exprimer ma profonde compassion et un prompt rétablissement de leur fils victime de ce syndrome de Guillain-Barré qui le ronge depuis plusieurs années. Pour ce qui est du propre de l'affaire, je tiens à rappeler également que nous nous sommes interdit tout commentaire et autre déclaration à la presse par respect au bon déroulement du procès. À présent que le verdict est prononcé par le Tribunal de première instance de Casablanca, il est de mon droit de réagir à cette condamnation que j'estime injuste et imméritée à l'encontre du Laboratoire pharmaceutique Smithkline Beecham que je représente au Maroc. Les raisons sont multiples et les preuves de notre innocence dans cette affaire sont abondantes. Mais quelles sont justement les preuves que le tribunal de Casablanca n'a pas prises en compte ? Tout au long du procès, qui a traîné pendant plusieurs années, nous avons présenté à la justice des études scientifiques officielles, bien argumentées, qui rejettent tout lien de causalité entre l'acte de vaccination par l'Engerix B et une éventuelle paralysie de la personne vaccinée. Ce sont là des argumentations établies par la communauté scientifique internationale qu'aucune justice au monde ne peut contester ni sur le contenu ni sur le contenant. Des études faites par des experts de renommée internationale où l'on décline toute responsabilité, de près ou de loin, du Laboratoire Smithkline Beecham dans ce qu'on peut lui reproche dans cette affaire. Et à notre grand étonnement, nous étions pourtant condamnés en première instance, sur la base de l'article 433 du code pénal, pour avoir causé involontairement la maladie du petit Achraf. C'est inadmissible surtout que dans cette affaire, la décision du tribunal de Casablanca constituera désormais une jurisprudence mondiale qui fera date dans le milieu pharmaceutique universel. Je m'explique : A ce jour, et dans le monde entier, jamais un laboratoire de médicaments n'a été condamné à payer des dédommagements à ses clients du fait de l'inexistence de relation de cause à effet entre le vaccin et la paralysie de l'enfant vacciné. Pourtant l'expertise du médecin légiste fournie par la famille Diwane à la justice établit bel et bien cette relation de cause à effet ? Le rapport d'expertise du médecin légiste est un rapport spontané et trop léger pour prouver quoi que ce soit dans cette affaire. Comme nous l'avons démontré au cours du procès, ce dernier ne peut en aucun cas contrecarrer les études établies par des sommités scientifiques qui écartent toute relation de cause à effet entre notre produit et la paralysie d'Achraf Diwane. En matière d'éléments fournis par le laboratoire à la justice, il y a lieu de constater que sur 1 milliard de doses d'Engerix-B injectées dans le monde entier, soit 300 millions de personnes vaccinées, nous n'avons enregistré aucun cas de troubles neurologiques chez les individus vaccinés. Ce sont là des études scientifiques chiffrées qui ne laissent aucun doute sur l'efficacité de notre vaccin vendu dans les quatre coins du monde, importé et commercialisé tel qu'il est au Maroc. Aussi bien sur le plan juridique que médical, le laboratoire SmithKline Beecham n'est en aucun cas responsable de ce qui est arrivé à la famille Diwane. Ce que vous dites est un peu contradictoire par rapport au prospectus du vaccin incriminé qui signale pourtant dans la partie «effets indésirables» le risque de la paralysie? Vous avez bien fait de poser cette question car il me semble qu'il s'agit là d'un point très important que nous avons mis en avant dans nos différentes plaidoiries devant les juges et qui devait en principe nous blanchir de toute accusation dans ce procès. Dans notre domaine, et par souci de préserver la santé de nos clients, nous avons effectivement signalé dans le prospectus du vaccin le risque de paralysie y compris le syndrome de Guillain-Barré. Toutefois il ne faut pas prendre cet argument comme une reconnaissance mais plutôt une précaution d'utilisation de ce vaccin par rapport à quelques cas de maladies rapportés, ici et là, sans aucune preuve d'une relation de cause à effet. En plus, comme n'importe quel médicament, le vaccin Engerix-B développe certainement quelques effets secondaires qui sont à mon avis très loin de provoquer cette paralysie qui peut s'attaquer même aux enfants non vaccinés. Autre élément fondamental à soulever, le vaccin Engerix a obtenu une homologation et autorisation officielle de mise en vente libre au Maroc par le ministère de la santé. Comment se fait-il que ce même vaccin, pourtant autorisé par l'Etat marocain, se trouve à présent incriminé par ce même Etat à travers son appareil judiciaire. C'est à y perdre la tête. De même, il ne faut pas oublier que le vaccin en question fait partie d'un programme national de vaccination obligatoire instauré par le même ministère de la santé pour lutter contre la maladie de l'hépatite B à travers tout le royaume. S'il y a lieu de condamner le laboratoire, à mon avis, sa responsabilité non fondée dans cette affaire, est à partager avec ceux qui ont autorisé la vente libre de ce vaccin au Maroc. C'est compliqué à comprendre pour nous pour la simple raison que la vaccination est maintenue et qu'elle figure aujourd'hui, avec tous ses risques supposés, dans le calendrier national de vaccination. Qu'est ce que vous comptez faire aujourd'hui ? Quelle est votre stratégie de défense en appel pour contrecarrer le jugement de première instance ? Tout en récusant toute implication directe ou indirecte dans cette affaire, je peux vous assurer que nous continuons à croire fermement à la justice de notre pays qui finira par nous donner raison. C'est pour cette raison d'ailleurs que nous avons interjeté appel dès que l'on a appris la sentence rendue par le tribunal de première instance. Nous continuerons à défendre notre noble cause qu'est la lutte contre cette maladie infectieuse, en l'occurrence l'hépatite B, qui laisse derrière elle entre 1 à 2 millions de décès par an et nous réaffirmons également que nous ne sommes responsables d'aucune négligence dans ce cas de figure du petit Achraf Diwane. De ce fait, je tiens à attirer l'attention de l'opinion publique de l'utilité importante de ce vaccin dans la vie des enfants face à la pandémie de cette grave maladie qu'est l'hépatite B. La polémique soulevée aujourd'hui suite à la condamnation du Laboratoire Smithkline Beecham ne peut que perturber les opérateurs dans ce domaine très pointu qu'est l'industrie pharmaceutique.