Des landers allemands aux communautés autonomes espagnoles, quel modèle inspirera-t-il davantage le Maroc ? Le débat sur l'autonomie proposée par le Roi ne fait que commencer. Le cinquantenaire de l'Indépendance du Maroc est fêté en grande pompe cette année, alors que le pays s'est engagé, en principe dans une refonte de son identité territoriale. Les choses, depuis le discours du Roi, le 6 novembre dernier, ont de ce fait, pris une solennité qui n'a d'égale que le projet proposé et soumis aux différentes composantes de l'Etat et de la société. Effectivement le discours royal, à l'occasion du 30ème anniversaire de la marche verte, a été l'occasion pour le souverain afin d'annoncer des consultations avec les partis politiques et, les populations et les élus de la région sur la nouvelle approche concernant l'autonomie du Sahara. Les termes étaient francs et directs : «Nous avons décidé de consulter les partis politiques, eu égard à leur rôle fondamental dans les grandes questions nationales, pour voir comment ils conçoivent concrètement l'exercice de l'autonomie dans le cadre de la souveraineté du Royaume». Le but, en est bien évidemment : «d'affiner la proposition que le Maroc compte présenter à ce sujet». A vrai dire, le Roi invite les partis politiques, et les représentants des populations au Sahara, à s'exprimer sur une «restructuration» de l'Etat marocain. Réponses Prônée en tant qu'alternative, et au séparatisme et au blocage politique actuel, l'autonomie souvent formulée en régionalisation avancée, participe, en réalité, d'un nouveau statut territorial. De nombreux pouvoirs (éducatifs, économiques, sociaux et de gestion) seront du ressort de la région autonome. Celle-ci, dépendra, en contre partie, de la Nation pour certaines compétences, telles les affaires étrangères et la défense. Jusqu'à présent, rares sont les partis politiques qui ont déjà entamé des réflexions à ce sujet. A tout le moins, publiquement. L'USFP de Mohamed Elyazghi est l'unique formation à annoncer «avoir créé une équipe de travail pour mettre au point les propositions du parti relatives à ce dossier». Jusqu'où, ira le parti socialiste ? Généralement, la gauche, forte d'une grande tradition de débat sur ce point, ne voit pas d'un mauvais œil un statut spécifique. Déjà, en 1976, une année après la marche verte, Abderrahim Bouabid, figure emblématique du socialisme politique marocain, avait suggéré une telle optique lors d'une réunion du comité central du parti à Beni Mellal. Les méandres du dossier, évoluant dans une logique de méfiance sinon de tension, ont décidé autrement et d'autres paradigmes ont prévalu. Certes, l'USFP à l'image des autres composantes de la mouvance de gauche, s'est déjà prononcée pour une régionalisation qui, à long terme, débouchera sur des gouvernements et des parlements régionaux ; cependant, l'Etat ira-t-il jusqu'à attribuer aux régions «une entité subétatique», dotée d'autonomie territoriale ? A l'heure actuelle, le projet marocain est en quête d'affinement. En attendant, qu'en dira le vieux parti nationaliste, très à cheval sur l'unité «transcententale» du pays ? l'Istiqlal, dévoué à son essence traditionaliste patriotique n'a certes jamais été «secoué par les mêmes théorisations» qu'a connues le mouvement socialiste. Loin s'en faut. Modèles Si Abbas Fassi, dans un premier temps avait défendu l'idée «d'une régionalisation avancée», une telle proposition n'est en fait destinée qu'à «mettre fin à un conflit artificiel», et clore «sur le plan international» un dossier en situation du blocage. Autonomie rime donc avec régionalisation. Le Secrétaire général du PI, ne rejette pas pour autant, «un examen approfondi et réfléchi des modèles déjà existants sous d'autres cieux». Des landers allemands, aux communautés autonomes espagnoles, ou les régions et communautés belges, quel sera le modèle qui inspirera davantage le décideur marocain ? Rompu à l'histoire, et très à la page des origines du système politique allemand, Feu Hassan II vouait une admiration sans faille à l'unificateur de l'Allemagne Otto Bismarck. L'Initiateur de la Marche Verte, n'en rêvait pas moins de voir les Lander devenir une réalité marocaine chaque land possédant une constitution, il joue un rôle beaucoup plus étendu que les régions françaises. Les compétences des lander sont aussi diversifiés qu'elles s'étendent de la police à l'aide sociale. Le gouvernement local, lui, est dirigé par un président nommé par un Parlement. S'ils contribuent à l'élaboration des lois fédérales, ils ne sont en revanche consulté que sur certaines matières définies par la constitution. Est-ce là le modèle dont rêvait Feu Hassan II ? On n'en saura jamais la réponse. Deux autres législations autonomes font courir les élites marocaines : Espagnole et Belge. Le système politique monarchique, dans les deux pays y est pour beaucoup, certainement. A l'origine, la Belgique était un Etat unitaire, qui suite à des réformes constitutionnelles successives est devenu un système politique fédéral. Où l'Etat exerce des compétences très larges, des A.E à la sécurité sociale en passant par la défense, la justice ou bien la santé publique. Pièce maîtresse, l'institution monarchique dispose, constitutionnellement, d'un grand pouvoir. D'autant plus que la monarchie belge est une monarchie constitutionnelle et parlementaire ! La «tentation» espagnole, elle aussi riche en enseignement, n'en demeure pas moins plus attrayante. Voisin de toujours, autrefois force d'occupation au Sud et au Nord du Maroc, l'Espagne est tout aussi une transition réussie. D'où sa force de gravité. Le dernier débat, tout aussi houleux qu'édifiant, vient rappeler que la question du système politique n'est pas encore close, définitivement. Un projet d'un nouveau statut d'autonomie catalane, soumis au Cortès, le lundi 03 octobre, stipule justement que la Catalone est «une nation» dont les citoyens ont «le devoir de déterminer librement leur futur en tant que peuple». C'est d'ailleurs la première fois que le Parlement espagnol examine un élargissement du statut d'autonomie de la Catalogne adoptée en 1979, à la suite de la nouvelle constitution espagnole en 1978. Nombreux sont les observateurs, pour qui le statut des pays Basques et la Catalogne fut l'une des clés du succès de la «transition» vers la démocratie. L'Espagne compte, 17 communautés autonomes, chacune avec son Parlement et jouissant d'une «vaste décentralisation» qui est mise en cause par les Catalans «car en-deça d'un fédéralisme». A noter également que les compétences cédées par l'Etat central peuvent varier, et les termes «indépendance» et fédéral sont quelque peu tabous. Que sera le choix du pays ? Pour le politologue Mohamed Tozy : «nous allons vers une autonomie, qui sera risquée sans un contrat politique clair avec tous les Marocains». Un projet politique dans l'unité bâtie rationnellement. Une rationalité qui a permis à l'Allemagne de se construire, idem pour l'Italie qui était la plus faible nation européenne. Au Maroc, le débat ne fait que commencer.