L'ambassadeur d'Autriche à Rabat, Gerhard Deiss, exprime, dans cette interview à la Gazette du Maroc, son appréciation vis-à-vis des réformes entreprises sous le règne de SM le Roi Mohammed VI ainsi que des mesures faites pour améliorer la situation des Droits de l'Homme au Maroc. 2005 marque aussi le 200ème anniversaire de l'arrivée dans le Royaume du premier ambassadeur d'Autriche. Un grand événement pour l'amitié maroco-autrichienne. La Gazette du Maroc : où en est la situation économique et politique en Autriche? Gerhard DEISS : La Fête Nationale de l'Autriche de cette année marque un anniversaire tout spécial : c'est exactement il y a 50 ans, le 26 octobre 1955, que l'Autriche a récupéré son indépendance définitive après la Deuxième Guerre Mondiale, indépendance qui est fondée sur le Traité d'Etat signé à Vienne le 15 mai 1955 entre les Alliés et l'Autriche. Au cours de ces derniers 50 ans, l'Autriche a connu des changements importants en ce qui concerne son rôle en Europe et dans le monde. Ainsi, avec la fin de la Guerre Froide et le démantèlement du Rideau du Fer, l'Autriche s'est trouvée de nouveau au milieu de l'Europe. Elle est devenue membre de l'Union Européenne en 1995. Mais il est également très important qu'aussi ses pays voisins au nord,a l'est et au sud-ouest – autrefois séparés d'elle par le Rideau de Fer - sont maintenant devenus membres de l'Union Européenne depuis le 1er mai 2004. En tant que membre de l'Union Européenne et de la zone Euro, l'Autriche, tout en continuant à jouir d'une économie stable et d'une paix sociale remarquable, doit aussi poursuivre ses réformes de structure pour moderniser l'économie et faire face au défi de la mondialisation. Ceci concerne aussi la réforme du système des retraites et de la santé publique pour garantir la sécurité sociale ainsi que la viabilité des finances publiques pour l'avenir. Des réformes du système éducatif, surtout dans le secteur universitaire sont en cours. Avec un taux de chômage de 5,1 %, l'Autriche peut se réjouir d'un des taux les plus bas de l'Union Européenne. Dans la première moitié de 2006, l'Autriche assumera la Présidence de l'Union Européenne. C'est un service à rendre à l'Union Européenne et à ses partenaires dans le monde par le Gouvernement autrichien et toute l'administration. Nous comptons agir de notre mieux pour faire avancer tous les dossiers de l'Union, et cela non seulement à l'intérieur de l'Union, mais aussi dans ses relations extérieures. Quel est le bilan de la coopération bilatérale entre le Maroc et l'Autriche? L'année 2005 marque aussi le 200ème anniversaire de l'arrivée au Maroc du premier Ambassadeur d'Autriche. Cela dit, on peut constater qu'aujourd'hui, le Maroc et l'Autriche se réjouissent d'un niveau remarquable dans leurs relations bilatérales. A part des visites et contacts politiques tels que les visites, en 2002 et 2003, de l'ancienne ministre fédérale autrichienne des Affaires Etrangères, Mme Ferrero-Waldner qui est, actuellement Commissaire Européen en charge aussi des relations de l'Union Européenne avec le Maroc et du programme de la politique de voisinage européen, et des visites de ministres marocains en Autriche comme celles du Ministre de la Santé, M. Cheikh Biadillah et du Ministre de l'Industrie, M. Mezouar en 2004, les contacts s' épanouissent aussi au niveau des experts comme par exemple dans le secteur environnemental ou par des contacts directs entre des associations. C'est ainsi que, par exemple, un groupe de jeunes Autrichiens a séjourné au Maroc au mois du juillet 2005 et a eu des contacts directs avec la population de communes rurales et avec des groupes d'adolescents marocains à l'occasion d'une rencontre mondiale des jeunes à Bouznika. Dans le secteur de la coopération, il faut admettre que le Maroc ne compte pas parmi les pays ciblés de l'aide autrichienne au développement. Néanmoins, un projet de développement intégré au profit de la population rurale dans le Rif oriental est en cours depuis plusieurs années. Comment peut-on développer le volume des échanges entre les deux pays ? Les échanges commerciaux bilatéraux ont connu un niveau record en 2004, le Maroc ayant gardé toutefois son excédent traditionnel dans les échanges commerciaux avec l'Autriche. Les exportations autrichiennes vers le Maroc ont atteint 46,6 millions d'Euro, les importations à partir du Maroc se sont chiffrées à 70,6 millions d'Euro. Le niveau absolu de nos échanges en comparaison avec la totalité des échanges des deux pays reste néanmoins toujours modeste. Ceci vaut aussi pour le niveau des investissements autrichiens au Maroc, si on les compare avec les investissements des pays européens voisins du Maroc. Nous enregistrons néanmoins un intérêt croissant de la part des entreprises autrichiennes pour le marché marocain. Pour le début du mois de décembre 2005, nous attendons une délégation d'hommes d'affaires autrichiens à la recherche d'opportunités d'affaires de partenariat au Maroc. En juin 2005, l'Ambassade et le Bureau du Conseiller Commercial de l'Ambassade ont organisé un séminaire sur la technologie autrichienne dans le secteur ferroviaire qui a suscité un grand intérêt du coté marocain. Des possibilités pour développer le volume des échanges et des investissements existent aussi dans le développement de projets pour la réduction des émissions de gaz de serre. L'Autriche compte parmi les premiers pays européens avec lesquels le Maroc a conclu un mémorandum sur le mécanisme de développement propre. Quelle est votre vision sur l'avenir des relations entre le Maroc et l'Autriche ? Dans ce contexte j'aimerais mentionner une conférence qui se déroulera à Vienne en novembre 2005 sous le titre «L' Islam dans un monde pluraliste », conférence qui réunit des hommes politiques, des sociologues, des académiciens et des représentants des différentes religions . L'Autriche a toujours porté un grand intérêt au dialogue des cultures et des religions et continue cette tradition. Le Maroc, qui a toujours joué un rôle d'interlocuteur privilégié pour l'Autriche grâce à sa culture de tolérance et de dialogue, y sera évidemment représenté. Quel est le rôle que l'Autriche peut jouer pour aider le Maroc à résoudre la question du Sahara marocaine ? L'Autriche, conjointement avec ses partenaires de l'Union Européenne, soutient aussi tous les efforts pour trouver une solution politique équitable et durable selon les résolutions de l'ONU et qui doit naturellement être accepté aussi par toutes les parties. Dans ce contexte je voudrais mentionner la mission importante que doit remplir le représentant personnel du Secrétaire Général ainsi que le représentant spécial du Secrétaire Général. Nous nous félicitons de la libération des prisonniers marocains de guerre au mois d'août et nous espérons que les autres questions humanitaires encore en suspens pourront être résolues. Dans ce contexte le Haut Commissaire aux Réfugies des Nations Unis a un rôle important à jouer. Je suis certain que des progrès dans la réalisation des mesures de confiance peuvent aider à améliorer l'atmosphère du processus politique. Votre point de vue à propos des réformes entreprises par le Roi Mohammed VI ? L'Autriche a beaucoup apprécié les changements intervenus au Maroc. Depuis mon arrivée à Rabat, il y a deux ans et demi, j'ai pu assister notamment à la reforme du code de la famille. Etant donné que l'application du principe d'égalité entre hommes et femmes est aussi un des meilleurs moyens pour combattre l'analphabétisme et l'injustice sociale, cette réforme contribue à une meilleure utilisation du potentiel humain et, par conséquent, à un essor économique rapide. Dernièrement, c'était surtout l'Initiative Nationale pour le Développement Humain annoncée par Sa Majesté en mai 2005, qui exprime la sincère et ferme volonté du Roi de combattre la pauvreté, et cela avec des cibles concrètes. Cette initiative doit évidemment être considérée comme «le chantier du règne» de Sa Majesté. Nous apprécions aussi toutes les mesures entreprises pour améliorer la situation des droits de l'homme au Maroc, que ce soit p.ex. par l'instauration de l'Instance d'Equité et Réconciliation, que par des mesures législatives entreprises récemment pour sanctionner l'utilisation de la torture.