Leur idole en parle constamment, leurs chefs politiques et autres figures de proue y croient dur comme fer ; 2006 sera l'année d'un grand événement pour les Adlis. Que faire ? Voilà bientôt une année que la "Jamaâ" du Cheikh Abdeslam Yassine vit dans un état de prophétie, d'attente et de préparation. L'année 2006, selon le Cheikh lui-même est l'année de tous les espoirs. "2006, la glorieuse", a-t-il déclaré devant les responsables de la Jamaâ à Fès, un certain 9 septembre 2005. S'adressant à ses ouailles, le Cheikh a dit en substance : " Je demande à Sidi Arsalane (Fathallah, le porte parole de la Jamaâ), de nous parler un peu de 2006. 2006 la glorieuse (wa.ma.adraka.ma.2006) ". Seul un porte-parole peut, justement raconter l'histoire politique et organisationnelle de la "vision" qui fait courir tous les Adlis. Ce "préparez-vous" que Yassine a lancé pour exhorter ses affidés, prendra son sens "vulgarisé" dans les propos de Fathallah Arsalane : " la prophétie 2006, a-t-il expliqué, aura sûrement lieu. 2006 aura bel et bien lieu (…) Elle sera un saut qualitatif dans notre marche". Ce qui, pour Arsalane requiert "bravoure et vaillance". En termes clairs : " quand surviendra l'événement, il doit trouver des hommes vaillants et courageux; en action, intrépides ". Mobilisation Les explications présentées par le porte-parole de la Jamaâ prennent tout leur sens quand il appelle les membres d'Al Adl Wal Ihsane à " serrer les rangs, s'aimer et aiguiser la foi en Dieu qui va nous mener vers la victoire ". Non sans mysticisme, "l'homme profane", sait pertinemment que toute mystique est politique. D'où, cette injonction : " ce qui arrivera dans les prochains jours, nous demandera beaucoup de travail, un travail colossal. Dieu nous a révélé les signes de la gloire et la réussite de cette entreprise ! " Abdeslam Yassine va plus loin dans l'explication. "quand sonnera l'heure, dites-vous que vous êtes l'alternative". Alternative ? " A un Maroc qui vit dans les bas étages de son développement, où sévissent la corruption, la crise économique et l'échec de l'enseignement ". Des images et métaphores surgissent aussi de l'âbime, au seul but de haranguer les foules et inciter à la préparation : " la chance est là. On en profite, s'explique Yassine. On commence par désigner si Mounir (Regragui ?) ministre de l'Enseignement. Fathallah (Arsalane ?) président du Parlement ". C'est pour le Cheikh une manière de prévenir, de mettre en garde contre "l'envie de l'autorité et la convoitise du pouvoir". Dernière moralité : "la Jamaâ doit rester à la hauteur des espérances des Marocains ; et se prémunir de la tentation égoïste" des individus. En un mot : si le fruit est –comme l'avait déclaré la fille du Cheikh, Nadia Yassine, "assez mûr pour tomber", cela n'implique pas une ruée vers les dividendes et les postes. Mohamed Berchi, responsable de la Jamaâ à Casablanca, "cœur du Maroc" selon les termes de Yassine, a été lui-même de la cérémonie. Le Cheikh lui a même signifié de continuer " l'analyse " de Fathallah Arsalane. Après avoir puisé dans le lexique prophétique, deux messages se sont dégagés de ses propos : " la Jamaâ ne sera pas seule, dans l'acte du changement : la Umma compte plusieurs hommes et femmes qui contribuent dans le changement ? " ! En clair: " nous serons les messagers " de ce changement. Vient ensuite le " partage ". Le second message, on ne peut plus explicite, a trait à l'après-2006. "Sidi Abdeslam –explique Berchi- nous veut tout le bien. Donc, les Hauts Cercles divins. Gare donc, aux postes et aux butins". Convaincus, résolus et confiants, les membres d'Al Adl, se préparent intensément. Ribatat (conclaves), qui durent jusqu'à 40 jours, lecture du Coran, rencontres, sont autant d'actions menées, en guise de "manœuvres paramilitaires", depuis un certain temps. L'esprit et la lettre des déclarations du Cheikh, militent, chaque jour davantage, pour une telle mobilisation. Doublée d'un soufisme hautement crédule, la politique de la Jamaâ est ici mise au devant de la scène. Les moines soldats, à l'affût depuis le bras de fer autour de " la guerre des sables " à l'époque d'Ahmed Midaoui, sortent de leurs sanctuaires. Endoctrinés à outrance, la foi mysticisée aidant, ils croient dur comme fer qu'Abdeslam Yassine est " l'élu " de Dieu. Membre du "conseil d'orientation", Abdelhadi Ben Lkhaylia n'en démord pas, en effet. "La date s'approche, il faut seulement y croire. Les saints et les hommes de Dieu (devinez qui), finissent toujours par avoir la bénédiction de Dieu qui exauce leur volonté ! ". En cela, abdeslam Yassine n'a rien d'un "derviche tourneur". Sa tournée, d'ailleurs, qui l'a conduit d'Agadir à Fès, s'apparente plutôt à une visite d'un chef à ses troupes. Il n'a eu cesse de marteler : "quand surviendra 2006, s'ouvriront les portes et prenez –au nom de Dieu- le pouvoir". En mars dernier, le Cheikh n'y est pas allé par quatre chemins. "Je crois en 2006, nous tous y croyons. Qu'arrivera-t-il en cette année ? Un grand bond dans le sens de ce pourquoi nous militons depuis des années". Plus prosaïquement "le Califat sur le modèle du prophète". Nadia Yassine, elle, prévient : " l'année prochaine peut être celle des prisons où nous nous trouverons tous ". L'un exclura-t-il l'autre ?