Quel joli nom, Katrina. Il pourrait être celui d'une belle espionne soviétique, comme dans le temps, infiltrée aux USA pour en découvrir les tares. Ce n'était qu'un cyclone, pourrait-on dire, qui s'est abattu sur la Louisiane et a permis des révélations étonnantes. À l'instar de l'opinion américaine, le monde entier a été anesthésié. L'Amérique était la nation la plus puissante et la plus riche du monde. On ne cherchait pas plus loin. Brusquement Katrina a révélé à tous les peuples que les Etats-Unis avaient un pied dans le tiers-monde. Si nous l'ignorions, ce n'était pas finalement de leur faute. Ils sont incalculables les films tournés à New-York ou Los Angeles, principalement des policiers qui montrent que la prospérité des villes a son revers, ce sont les quartiers pauvres. Aujourd'hui on est fondés à dire misérables. Le rêve américain, c'est surfer sur le corps du voisin. Mêmes les films ou téléfilms montrent souvent des scènes violentes ou non, tournées dans des banlieues lépreuses jonchées de saletés, avec en toile de fond la fière Manhattan, avec feu le Twin Center. Mais on était anesthésiés, tous. Ce n'est que de la fiction. On était avec eux sur la lune. Mais voilà qu'on découvre que c'est la puissance américaine qui est une fiction. On pouvait penser que le président américain avait une solide expérience procurée par la brutale irruption de la violence dans son pays avec la destruction des deux tours et d'une partie du Pentagone, l'écrasement de l'Afghanistan déjà réduit en poussière par le destin, l'embargo calculé imposé à l'Irak pour l'affaiblir et l'envahir plus tard. On pouvait imaginer qu'il était devenu un vrai président, capable de réagir à la minute devant n'importe quelle situation exceptionnelle. Comme chez tout le monde, la mémoire, anesthésiée, n'a pas joué son rôle. En renouvelant notre compassion et notre solidarité à toutes les victimes de Katrina, on peut sans déchoir remercier celle-ci de nous avoir rafraîchi la mémoire. Le président W.Bush avait appris l'attaque de New York alors qu'il participait à une quelconque réunion. Il avait pris les choses en main en disparaissant pendant 24 heures. Son vice-président, Dick Cheney avait fait le mort durant plusieurs jours. Bel exemple de courage physique. C'est le maire de l'époque, Giuliani, qui avait sauvé la situation. Le président était venu pérorer quand les sauvetages étaient achevés. Il fallait que ces choses-là fussent rappelées. Une campagne de réanesthisation s'était ensuivie. “America in War”. Télévisions, radios, presse écrite, conférences invitaient les Américains à une nouvelle “croisade”, comme l'avait ordonné le président lui-même, dessinant les prémisses d'une guerre de religion qui n'aura pas lieu, on l'espère. `Grisé par le succès afghan, comme un gosse qui aurait gagné au “wargame”, il avait décidé d'envahir l'Irak avec les résultats que l'on sait. C'est déjà plus humiliant que le Viet-nam avec cette différence que l'Irak est devenu un champ d'entraînement pour ses ennemis. Puis les éléments s'en mêlent. Le cyclone Katrina s'abat sur la Louisiane et ses environs. Qu'a fait le président qui était en vacances dans son ranch du Texas ? Il a agi comme un chef. De rayon dans un grand magasin. Il est allé jusqu'au bout de ses vacances légales avant de revenir à la Maison-Blanche. Sa côte de popularité en a pris un bon coup. Cependant, certaines sources répètent que les retards répétés du président américain n'en sont pas. Homme de foi, à chaque événement il s'enferme dans un temple pour prier et méditer sur le destin de l'humanité. A chaque fois qu'il s'extrait de ses prières c'est pour crier : “Feu !” La situation en Louisiane est à l'image de l'Amérique. Traitement privilégié réservé aux riches, l'ignorance méprisante étant le lot des pauvres majoritairement noirs. Des images frappent l'esprit. La Nouvelle-Orléans est sillonnée par des militaires, des policiers et des milices engagées par une société privée. Tout ce joli monde est armé jusqu'aux dents, comme si le gouvernement fédéral craignait une sécession. On ne sait si ces images doivent être reliées à la “conquête de l'Ouest”, ou à la conquête des colonies par les Européens. Les observateurs ont focalisé sur la popularité du président et craignent pour son avenir politique. On parie sur la hausse de popularité et que son mandat s'achèvera sans encombre. La machine de propagande s'ébranle plus tôt que prévu, malgré l'arrivée du nouveau cyclone Rita qui menace aussi le Texas. La Nasa annonce un retour sur la lune dans une douzaine d'années. L'Américain enfoncé dans la boue jusqu'au cou retrouvera sa fierté, bien que les crédits destinés à renforcer la protection de la Louisiane avaient été amputés au profit du complexe militaro-industriel. Alors que l'armée américaine n'a même pas assez d'hommes en Irak. Tout en étant invités à regarder vers le cosmos, les Américains seront nourris de la peur des attaques venues de l'extérieur. Des cassettes de menaces seront diffusées en temps voulu, sans authentification, comme pour les deux dernières. Discours du président. Et s'il le faut, celui-ci deviendra ventriloque. Le champ d'action est si vaste. La Syrie, l'Iran, le Soudan et le Pakistan. Le reste de l'Afrique ne perd rien pour attendre. C'est curieux qu'il n'ait pas songé à la Corse, au Pays Basque et à l'Irlande du Nord. Il n'en a plus les moyens si l'on se souvient de la dernière Guerre mondiale et des moyens colossaux nécessités par le débarquement en Europe et en Afrique du Nord. Les Etats-Unis dans le monde fonctionnent en vertu de “la vitesse acquise”, principe physique connu. La reconstruction de la Louisiane sera aussi un facteur positif. Des milliards de dollars seront investis. Déjà, au Texas, on se frotte les mains, bien que les autorités voient d'un mauvais œil l'arrivée de 250.000 réfugiés en majorité noirs. Des contrats sont déjà signés. Le même schéma se reproduira selon la loi de l'ultra-libéralisme. Les terrassiers seront en majorité noirs, les patrons seront en majorité blancs. La fracture s'est rouverte et constituera le nœud des problèmes futurs pour les Etats-Unis. En bonne logique l'administration américaine devrait restituer la statue de la liberté à la France. Cela permettrait aussi à celle-ci de méditer sur son passé.