Renouvellement de l'accord de pêche entre l'UE et le Maroc Les bateaux de pêche européens seront bientôt de retour dans les eaux marocaines. L'Union européenne et le Maroc ont signé un nouvel accord de pêche qui autorise les bateaux européens - essentiellement espagnols et portugais - à accéder aux eaux marocaines. L'accord, qui doit être approuvé par les 25 Etats membres de l'UE, entrera en vigueur le 1er mars 2006. A partir de cette date et pendant quatre ans, 119 bateaux européens pourront prendre dans leurs filets jusqu'à 60 000 tonnes de poisson par an. En contrepartie, Bruxelles versera 144 millions d'euros à Rabat. Un accord "équilibré" de l'avis de Mustapha Mechahouri, ministre marocain du Commerce extérieur et du Commissariat européen à la Pêche, Joe Borg. Les bateaux européens n'avaient plus accès aux eaux marocaines depuis 1999, date d'expiration du précédent accord de pêche entre l'UE et le Maroc. Les tentatives pour renouveler cet accord avaient été interrompues en 2001. L'UE et le Maroc ont également convenu de permettre une coopération économique, scientifique, technique et commerciale ainsi que l'échange de savoir-faire dans le secteur de la pêche. Les Etats membres suivants sont susceptibles de bénéficier du nouvel accord: la France, l'Allemagne, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas et la Pologne. Autre différence majeure par rapport au précédent accord: les Européens ne pourront pas capturer de crevettes ni de céphalopodes (seiches, poulpes, etc). L'idée est de protéger ces espèces, en nombre insuffisant dans les zones concernées. Le commissaire Borg s'est félicité du nouvel accord de partenariat en déclarant: "il s'agit d'une avancée significative qui renforcera les relations entre l'Union européenne et le Maroc. Les deux parties sont déterminées à collaborer étroitement en faveur d'une pêche durable et à contribuer à la mise en place d'un cadre propice à la coopération sur tous les aspects du secteur de la pêche et des secteurs associés". Quant au gouvernement espagnol, il a fait part également de sa satisfaction de la conclusion de ce nouvel accord de pêche. Ainsi, l'accord semble a priori satisfaire tout le monde, du moins du côté des officiels des deux parties signataires. Qu'en est -il de nos armateurs et professionnels marocains ? Une question s'impose, les responsables marocains ont-ils tenu compte, lors de l'établissement de l'accord, des doléances et exigences des représentants marocains de la profession, toutes filières confondues. Force est de constater que ce nouvel accord n'est pas vu d'un bon œil de la part des professionnels marocains. "Au lieu de se diriger vers les bateaux européens et leur permettre de pêcher le poisson marocain, le ministère aurait mieux fait de se pencher davantage sur la situation catastrophique que connaît le secteur actuellement", estime un armateur qui se pose des questions quant à l'opportunité d'un tel accord alors que la ressource halieutique nationale se trouve au plus bas. Même son de cloche du côté des marins qui ne sont pas du tout convaincus des profits à tirer d'un nouvel accord avec les Européens. Certains armateurs marocains n'ont pas caché leur stupéfaction quant à la vitesse à laquelle l'accord de pêche a été conclu. Pour d'autres, le nouvel accord a eu l'effet d'une tornade provoquant leur mécontentement pour ne pas avoir été consultés. Ils considèrent le nouvel accord comme une régression par rapport à 1999. Particulièrement sur le volet pélagique. De plus, il donne aux Européens l'accès à une ressource déjà surexploitée. En effet, l'inquiétude des professionnels pourrait être justifiée à plus d'un titre surtout qu'un bateau européen a la capacité de pêche de 5 bateaux marocains. Il est équipé d'un système de réfrigération à bord, ce qui lui permet d'effectuer des marées de 5 à 10 jours. Un bateau marocain ne dépasse pas les 3 jours en mer. Aussi la ressource se trouve en état d'essoufflement et pas uniquement les céphalopodes. Les professionnels estiment qu'il n'y a pas assez de poisson pour tout le monde. Ainsi, face à 119 bateaux européens qui viendront pêcher dans les eaux marocaines, les 2.000 bateaux côtiers que compte le Royaume se sentent menacés. De l'avis de Rachid Benkirane, président de l'Association professionnelle des armateurs de la pêche hauturière au Maroc (APAPHAM) "Le secteur a échappé de justesse à l'overfishing dû à la disparition des espèces. Ouvrir l'accès à la flotte étrangère serait suicidaire et pour la ressource, et pour les entreprises qui l'exploitent, car on aboutirait à une augmentation des capacités de pêche pour des ressources fortement endommagées par justement les capacités de pêche existantes " voir la gazette du Maroc de la semaine dernière n°431. Autre pomme de discorde, le chapitre des débarquements des captures de la flotte européenne. Ce point a toujours été la pierre d'achoppement de toutes les négociations entre Rabat et Bruxelles en matière de pêche depuis la renégociation à mi-parcours en 1993 de l'accord 1990-1995. Cela fut aussi le cas lors des six rounds de négociations pour l'accord de 1996-2000, mais cette fois c'est au tour des négociateurs marocains d'obtenir gain de cause pour ne pas dire le dessus. Ils ont imposé à l'Union Européenne de se soumettre au droit international de la mer qui stipule clairement que les débarquements doivent être effectués dans les ports des pays hôtes. Ainsi, l'accord stipule que 50% des prises seront débarquées au Maroc. Depuis toujours le Maroc a privilégié un partenariat avec l'Union européenne dans différents domaines : industrie, commerce et services; transport, environnement et énergie; recherche et innovation; justice et sécurité alors pourquoi pas la pêche ? C'est un petit accord certes mais à grands enjeux. Ses effets auront-ils, peut-être, des répercussions substantielles à long terme?