Horaire continu Voilà une quinzaine de jours que l'horaire continu a démarré dans les admnistrations. Certains secteurs privés ont suivi la foule... Le nouveau système n'aura pas fait que des heureux. On a à peine commencé qu'on trouve déjà de quoi se plaindre ! Il fait de plus en plus chaud, et les heures sont longues à couper le souffle de nos fonctionnaires. "Tel qu'il a été établi, l'horaire continu n'arrange personne. C'est fatigant, physiquement et matériellement", se plaint Saïd, un fonctionnaire qui, à 8h 30 du matin fume déjà nerveusement sa cigarette. "Il faut savoir que l'heure du déjeuner ne compte pratiquement pas, puisque la pluapart des fonctionnaires restent dans leurs bureaux. On n'en profite pas parce que personne ne peut se permettre d'aller se reposer tranquillement dans un restaurant. Nous sommes obligés de nous contenter d'un sandwich minable. Le moins cher !". Un sandwich au bureau, veut dire une journée de travail continu de huit heures. Même le fait d'être libéré dès 16h30 ne calme pas le mécontente-ment des intéressés. "Franchement, qui a encore l'envie ou la force d'avoir des activités après une journée continue de travail. On en sort tous lessivés. Personellement, je ne pense qu'à dormir en rentrant chez moi", lance une autre fonctionnaire. Sa collègue pousse le raisonnement : "soyons logiques, tout le monde arrête à 16h30, les embouteillages reprennent... Le temps de prendre le bus et d'arriver à la maison, il est déjà 17 h passé… Le premier réflexe, après un deuxième et vrai déjeuner bien décalé, est de s'adonner à une sieste bien méritée. Au réveil, la journée est déjà finie…" A peine évoque-t-on les avantages financiers de l'horaire continu que les quatre fonctionnaires réunis dans la même pièce répondent en même temps "Mais quels avantages?"... On vient apparemment d'évoquer le point le plus sensible : l'argent. "Lorsqu'on parle des avantages de cet horaire, l'Etat évoque la réduction des frais quotidiens du transport des fonctionnaires... Mais est-ce qu'ils ont pensé aux frais du déjeuner qu'on subit actuellement ? c'est au moins le double de ce qu'on économise du transport !", lance l'un d'eux. "Au moins, nous les femmes, on ramène à manger de la maison. De toute façon nous sommes obligées de cuisiner pour les enfants avant de venir au boulot !" enchaîne sa collègue qui par souci d'économie ou d'organisation, ou certainement les deux, elle se trouve obligée comme plusieurs de ses collègues femmes de se lever de bonne heure pour commencer la journée à la cuisine. "Souvent on cuisine la veille, ça nous fait gagner quelques petites heures de sommeil le lendemain !". Pourtant, c'est bien grâce à cette petite heure de déjeuner qui dérange tout le monde que l'ambiance commence à se dessiner dans certaines administrations : “nous ramenons chacune des petits plats qu'on a préparés à la maison. Nous mettons tout sur une table et déjeunons ensemble comme en famille… Les hommes se joignent à nous aussi", raconte-t-on. Cet état durera au moins jusqu'à ce que le ministère en question négocie son contrat avec une société de restauration. "On a entendu dire qu'une société leur a proposé des plats à 40 dirhams. Maintenant, c'est à l'administration de s'arranger avec nous pour voir le pourcentage qu'on devrait payer", explique Saïd qui précise "ce qui est certain, c'est que s'ils veulent que ça marche, ils doivent nous payer au moins les trois quarts du prix. Au-delà de 10 dirhams, le plat serait trop cher pour nous...". En attendant de se mettre d'accord sur le prix du plat, ce sont à présent les restaurateurs qui se frottent les mains. Que du bonheur pour les fast food qui n'ont, eux, aucun mal à s'adapter à l'horaire continu. "Pendant toute l'année, même avec l'horaire normal, on travaille assez bien entre midi et deux, mais il est clair qu'avec l'horaire continu, ça marche encore mieux": El Haj est connu pour sa spécialité de poulet qu'il sert à des prix accessibles. "Je sers des sandwichs à 18 dirhams et des plats à 20 dirhams, je crois que ce sont des prix très raisonnables". En effet, à première vue, vingt misérables dirhams ont l'air d'un rien pour un plat sain et équilibré. Seulement, "20 dirhams, chaque jour, cinq jours par semaine, et pour toute l'année... c'est trop cher pour un fonctionnaire moyen", comme nous l'a fait remarquer Malika, secrétaire dans une administration. Autre source d'ennuis pour les mères de familles, ce sont les enfants. Si on redoute déjà la rentrée scolaire, et la manière de s'organiser avec des écoles qui n'ont pas encore décidé de rejoindre la communauté de l'horaire continu. Pendant les vacances, on a du mal à assumer. "Maintenant même les “bonnes“ négocient des augmentatio-ns parce qu'avec cet horaire, elles doivent aussi préparer à manger pour les enfants. Elles travaillent selon un horaire continu. J'ai dû augmenter ma femme de ménage de 100 dirhams pour s'occuper, en plus de ses tâches habituelles, du manger des enfants", se plaint Malika. Dans les villes intérieures, le nouvel horaire est vécu un peu différemment. Les gouverneurs ont reçu dès le 4 juillet courant, une note de la Primature leur déléguant le soin d'accommoder l'horaire de travail de leurs administrations aux caractéristiques, notamment climatiques, de leurs villes, pendant la seule période de l'été. A partir du premier septembre, ils devront cependant s'aligner sur l'horaire continu version nationale. Ainsi, dans la région de Beni Mellal, par exemple, l'administration fonctionne de 7h30 à 15h. "Il fait tellement chaud ici pendant l'été qu'il nous est impossible de tenir toute la journée. C'est physiquement impossible, surtout que nos bureaux ne sont pas elimatisés…", signale une fonctionnaire à la wilaya de la ville. "Ici, nous souffrons bien plus que les grandes villes de l'absence de snack ou autres fast food… On doit se contenter de manger n'importe quelle nourriture achetée chez le premier épicier du coin en attendant de rentrer déjeuner après 15h" ajoute la jeune femme. Comme les “bonnes“, les restaurateurs, bien des secteurs s'adaptent tant bien que mal au nouvel horaire. Même ceux de la santé. Voilà en effet une semaine que la Fédération nationale des pharmaciens a envoyé aux pharmaciens une note pour faire des suggestions concernant l'adoption ou pas de l'horaire continu dans les pharmacies. "Je pense que ça ne sert à rien pour les pharmacies d'adopter l'horaire continu. Lorsqu'on a besoin de médicaments, on s'arrange pour sortir en acheter à n'importe quelle heure" explique ce pharmacien. Un autre n'est pas du même avis : "Personellement, j'ai proposé de travailler continuellement de 9h à 20h. Nos employés s'organiseront entre eux pour assurer la garde...". Difficile, pour certains secteurs, de s'aventurer dans des horaires aussi tards, car on parle ici un horaire à long terme et pas seulement pour une durée déterminée. Pour le moment, on en reste à l'horaire d'été : 9h à 13h et 16h à 20h.