Ce serait une banale colère, si elle n'était pas de nos respectables conseillers. Du coup, c'est à une vraie colère d'Etat que le président de la deuxième chambre a dû faire face, mardi dernier. La session parlementaire touchait à sa fin, le train gnangnan des questions rébarbatives faisait son bonhomme de chemin vers la dernière station quand, subitement, le ciel a grondé. Mustapha Oukacha, vivant déjà de délicieux moments qu'il a promis aux siens, est pris de court. N'ayant rien vu venir, il a vite déclaré un branle-bas de combat. Que faire ? Avec la crème de la nation élue par les grands électeurs, eux-mêmes hissés au rang des représentants de la nation, une colère est presque –je dis bien presque- divine. Personne mieux que lui ne connaît le sens d'un courroux, le dernier jour de la session. Bref, Oukacha tente d'y voir clair. “Les élus de la nation, s'entend-il dire, se sentent lésés, abusés, lessivés, avilis, humiliés… et toute la litanie habituelle que vous pouvez imaginer, quand vous avez l'amour propre un peu froissé“. Quoi ? Un peu ? C'est un vrai scandale. Car “des agents de l'autorité s'amusent – c'est le terme qu'on choisit quand on est un notable- à rapetisser les élus“, s'insurgent ces derniers. Il y a de quoi boycotter la séance, fût-elle la dernière du calendrier. Commence alors un tohu-bohu, et pour des raisons que nous ne connaissons pas, la bêtise devient la haute politique. Car il faut, pour opérer une manœuvre “intelligente“, une certaine somme de bêtises d'une part ainsi qu'une certaine dose de mécontentement “savant“ d'autre part. Ainsi, le respectable Mohamed Mansouri, président du groupe M.P à la deuxième chambre, a revendiqué, selon notre confrère Al Ahdath Al Maghribia, “une stratégie sécuritaire urgente“. Dans la vie, on fait ce qu'on peut !. Belhaj Derhoumi, le chef du groupe UD à la même enseigne, lui, a sévèrement tancé les services de sécurité, là-bas, au bled ! Un laxisme honteux, explique-t-il, marque l'action des gendarmes. Pourtant des agresseurs et des repris de justice font la pluie et le beau temps dans plusieurs communes, notamment dans la région de Chaouia-Ouardigha. “A plusieurs reprises, tonne-t-il, les malfrats qui s'en prennent aux élus communaux ont été relâchés“. Intolérable, donc. Y avait-il des agressions avant le calvaire des élus ? Certainement. Des citoyens, ceux-là même qui ont voté pour le chef des élus UD, ont-il fait l'objet d'agressions ? Sans doute aucun. L'élu a-t-il réagi ? Rien n'est moins sûr. Alors ? Alors il n'y a de feu que celui qui se déclare chez soi. Et après moi, et même avant moi, le déluge ! Dans la chambre où la parole ne coûte apparemment rien, le silence est tenu pour de la bêtise. C'est du moins ce que l'on peut déduire de “la crise“. Résultat, il y a un troisième élu qui lui aussi court le risque de dire une bêtise. Seulement, il a eu “la gentillesse“ ou l'audace de le faire crûment sans fard ni tournure de style. “Un agent de circulation à Casablanca, raconte le conseiller Driss Merroune, a osé retirer la carte à un parlementaire sans s'empêcher de proférer des humiliations à son égard. Il a dû patienter longtemps avant que ladite carte lui soit rendue par le wali de Casablanca “! On ne connaît pas la suite. Mais on n'en peut pas moins deviner la portée : le policier et ses semblables doivent être punis, sévèrement ! Car ils ont commis l'imprudence de rappeler un conseiller à l'ordre. Devinez la frustration d'un amour-propre qui, plus rapidement que son ombre, brandit sa carte de notable nationale sans que cela ne laisse aucun effet, ni impressionne l'agent. Quel gâchis ! Je ne sais par quel hasard a-t-on donné à l'élu, l'immunité, il en a fait usage : il a fait une bêtise !