Plus d'une année après la promulgation du Dahir portant la réorganisation du Conseil supérieur et des conseils locaux des Oulémas, S.M le Roi vient de créer une Instance académique pour la fatwa. Annoncée dans un important discours, la nouvelle démarche est un nouveau pas vers la restructuration du champ religieux dans le pays. La boucle est bouclée. La Fatwa a désormais son "instance académique". Plus d'une année après la promulgation, 30 avril 2004, du Dahir portant réorganisation du Conseil supérieur et des conseils locaux des Oulémas, la première session du conseil supérieur, tenue vendredi dernier à Fès, a connu " le parachèvement du processus de structuration institutionnel du champ religieux ". C'était l'occasion pour S.M le Roi, Amir al Mouminine, d'annoncer la création "au sein du conseil supérieur des Oulémas, d'une instance académique ayant pour mission de faire des propositions de fatwas à Notre majesté, sur les cas d'espèces, appelant l'application de la règle de droit qui s'impose". Un pas structurant vient de voir le jour afin de permettre aux érudits de la nation "de se tenir prêts des citoyens, notamment les jeunes, et d'être à l'écoute de leurs préoccupations religieuses et culturelles ". Tout un programme, tant il est vrai que la fatwa est devenue, pour une raison ou une autre, l'un des vecteurs véhiculant l'intolérance et la pseudo-religiosité. A cet égard, le discours royal a été des plus clairs : " par cette démarche, nous entendons parer aux velléités de dissension et d'anarchie en matière religieuse". Autrefois source de savoir, et traditionnellement outil religieux pour faire prévaloir le sens de l'intérêt général, la fatwa a été faussement, et surtout indéfiniment réinvestie par ces "pseudo clercs", les incultes et les charlatans effrontés pour en faire l'épée de Damoclès, menaçant des fidèles en quête de spiritualité "consubstantielle au fait religieux". Le Souverain a affirmé dans ce même ordre d'idées qu'il n'y a pas de place “pour les propagateurs autoproclamés d'allégations mystificatrices ". Les missions du Conseil supérieur des Oulémas telles que définies par l'article 3 du Dahir du 30 avril consistent, faut-il le rappeler, en l'examen des questions qui lui sont soumises par S.M le Roi ainsi qu'à la supervision de l'action des conseils locaux et de leur rôle dans l'encadrement de la vie religieuse des Marocains. Au cœur de ce dispositif, le CSO a pour mission de transmettre "les demandes de fatwas dans les questions qui lui sont soumises à l'autorité religieuse habilitée à le faire en vue de les examiner et d'émettre les fatwas requises". La commission des fatwas, selon les termes du Dahir, et désormais instance académique, est seule habilitée à émettre des fatwas qui définissent et exploitent les prescriptions de la charia dans les questions à caractère public. Les fatwas sont émises " à la demande du président du Conseil ou sur la base d'une demande soumise au conseil par son secrétaire général ", comme il est stipulé dans ledit dahir. Après quoi, l'instance soumettra des propositions de fatwa à S.M le Roi. Ainsi donc est définie, dans le détail, le cadre référentiel du décret religieux lequel, relève " de la compétence de la commanderie des croyants ". Quant aux modalités de travail, des sous-commissions scientifiques spécialisées chargées de l'examen des cas d'espèces et des questions posées seront créées. Elles auront la tâche d'élaborer des rapports et présenter les conclusions y afférentes. Autre fait marquant, d'ordre jurisprudentiel : les décisions de l'instance des fatwas sont prises à l'unanimité de ses membres. Précepte canonique inébranlable, l'unanimité rassure et assure la communauté des croyants, et consolide encore davantage l'effort de parer à "l'anarchie et la dissension" rejetées par le discours royal. Ceci étant, l'Ijtihad et l'esprit du renouveau ne souffriront aucune sclérose ou rigidité tant que prévaudra l'intérêt général. " Le malékisme explique le Souverain a ceci de particulier, qu'il met en œuvre la règle de l'intérêt général, règle que le Royaume du Maroc a constamment adoptée pour se mettre au diapason des changements touchant les différentes sphères de la vie publique et privée ". Le référentiel malékite, ainsi conçu, est à la fois un rempart contre l'insécurité spirituelle et une source d'innovation, de réforme des affaires religieuses "qui a déjà franchi des étapes significatives". En choisissant la ville de Fès, berceau du savoir religieux, de la légitimité et du salafisme nationaliste et réformateur, le Souverain a fait de la symbolique du lieu une autre dimension de la mesure adoptée. En clair : fort de son histoire et de ses valeurs sacrées, le Maroc a toujours su "s'adapter aux nouveaux impératifs de notre époque, de veiller aux intérêts de la collectivité, de le prémunir contre la perversité, de faire valoir les droits et honorer les obligations ".