Interview exclusive. Abdelghani Mzoudi Abdelghani Mzoudi a été contraint à un retour prématuré au Maroc à cause de la décision des autorités allemandes de le refouler, malgré son acquittement des accusations l'inculpant d'association dans les attentats du 11 septembre, lesquels furent basés sur son éventuelle relation avec l'un des 19 kamikazes, en l'occurrence Mohamed Atta, qui se trouvait à Hambourg en même temps que Mzoudi. Dans cet entretien. Mzoudi nous conte ses mésaventures en Allemagne, et confirme son innocence des accusations qui lui furent portées, tout comme il espère un dénouement heureux de l'affaire, Mounir Moutassadeq. Il parle amèrement de la période d'incarcération et de présentation au parquet, nous fait aussi part de sa décision de ne plus se rendre en Allemagne, de reprendre ses études interrompues au Maroc, et éventuellement de porter plainte contre les autorités allemandes pour dommages et intérêts … Mzoudi qui revient bredouille d'Allemagne après s'y être rendu pour parfaire ses connaissances scientifiques et technologiques éprouve un profond ressentiment envers ce pays, et pense avoir été victime de racisme et de discrimination exercés à l'encontre des Arabes et des Musulmans. Il ne nie pas cependant ses tendances religieuses, et insiste sur le fait que sa visite en Afghanistan fut avant tout une quête pour la spiritualité. La Gazette du Maroc : commençons par votre retour au Maroc, y avez-vous été malmené en passant les frontières ? Abdelghani Mzoudi : Dieu Merci, je n'ai trouvé à mon passage à la frontière aucune difficulté, bien au contraire, un accueil chaleureux m'y attendait, et grâce à Dieu je suis une nouvelle fois avec les miens, au sein de ma petite et aussi grande famille qu'est le Royaume du Maroc. La présence de votre avocat allemand à vos côtés à l'occasion de votre retour entre-t-elle dans le cadre de votre procès, pour assurer votre retour au Maroc au cas où une surprise vous y attendait? Pas du tout, sa présence ici était à titre personnel. En fait, c'est un grand admirateur du Maroc, il y vient souvent, et a proposé de m'y accompagner pour mon retour, chose que je ne pouvais refuser. Pensez-vous que votre acquittement prélude à un dénouement semblable de l'affaire Mounir Moutassadeq ? Je prie fort pour mon ami, et espère de tout mon cœur qu'il sera acquitté. Pour revenir à votre question, eh bien oui je pense que c'est un bon signe, et que l'on peut espérer son acquittement. Pensez-vous que les témoignages vous innocentant de Ramzi Ibenolshibh et Khaled Sheikh Mohamed, incarcérés aux Etats-Unis, furent cruciaux dans votre acquittement ? Leurs témoignages ne sont pas les seuls. En fait 36 autres témoignages ont participé à mon procès, certains étaient même présents aux auditions, qui ont duré du plus de six mois. Votre départ d'Allemagne dépend-il de votre volonté ou y avez-vous été contraint? C'est une décision qui me revient du fait qu'au début on m'a prohibé toute inscription aux universités d'Allemagne. Je ne ressentais donc plus le besoin d'y rester plus longtemps. Après vous avoir interdit le droit d'étudier puis celui de résider en Allemagne, comment allez- vous répondre à ces décisions que vous jugez arbitraires, d'un point de vue juridique ? Il est vrai que l'université m'a interdit le droit de poursuivre mes études sans que que je puisse intenter un procès contre la direction et que l'on m'ait donné raison. J'ai porté plainte aussi contre la décision d'interdiction de séjour, mais leurs arguments ont, hélas, prévalu. Pensez-vous porter plainte à nouveau contre les autorités allemandes ? Il n'est pas exclu en effet que je porte à nouveau plainte contre cette décision dès lors que je fus acquitté de toute accusation. Je dois cependant en parler avec mon avocat. A votre arrivée à l'aéroport, vous avez déclaré à la presse que vous allez porter plainte pour le préjudice dont vous avez été victime, et pour la période que vous avez passée en prison ? En effet, j'ai demandé à être dédommagé pour tous ces mois en prison, d'ailleurs même le juge chargé de l'affaire en a parlé, et puis j'ai un avocat qui s'occupe de ce dossier. Quels sont vos projets concernant vos études, pensez-vous retourner en Allemagne ou vous installer au Maroc ? J'ai décidé de me réinstaller dans mon pays de façon définitive. Craignez-vous d'être gêné dans vos mouvements ou autres par les autorités marocaines, ou vous sentez-vous à l'aise ? Je ne subis aucune pression de la part des autorités et je jouis pleinement des opportunités qui me sont offertes dans mon pays. Pour revenir aux chefs d'accusations portés à votre encontre, est-il vrai que vous étiez en relation avec Mohamed Atta ? Mohamed Atta faisait parti de mes connaissances, non pas mes amis intimes, nous étions tous étudiants et nous nous réunissons pour les prières collectives, d'ailleurs je ne suis pas le seul à l'avoir connu. Dans toutes les mosquées d'Hambourg où il y a les musulmans qui se réunissaient, le connaissaient. Notre relation était superficielle et je n'étais certainement pas son confident , que ce soit pour les attentats du 11 septembre ou pour autre chose. Mohamed Atta était un homme discret, et d'après le juge allemand et les enquêtes, les attentats du 11 septembre ont été planifiés en Afghanistan et non pas à Hambourg. Suite à une visite effectuée par Atta et ses amis, qui ont eu au début une autre destination à savoir la Tchétchénie pour combattre avec les rebelles tchétchènes contre les Russes, mais puisque les frontières ont été fermés, ils sont restés en Afghanistan, et c'était le début. Etiez-vous en relation avec les autres participants aux attentats terroristes du 11 septembre ? Pas du tout, seule l'université et les études nous réunissaient, de même que les heures de prière à la mosquée . Parmi les doutes qui ont poussé à votre accusation, votre voyage en Afghanistan ou l'on vous y aurait enseigné l'art de la guerre , qu'en est –il en vérité de cette accusition ? J'ai en effet visité l'Afghanistan, par pur intérêt spirituel et théologique sur proposition d'un ami en Allemagne. J'y ai suivi des cours en sciences religieuses à Khandahar pour une période de trois mois à l'époque des Talibans sans plus .. Etiez-vous accompagné par l'un de vos camarades d'Hambourg ? J'y suis allé tout seul, sans être accompagné de quiconque. Avez-vous subi une pression quelconque de la part des autorités allemandes à votre retour d'Afghanistan ? Non, mon retour s'est déroulé normalement. Les autorités allemandes ont-elles pu prouver un lien entre vous et les organisations islamistes d'Afghanistan ? Non, d'ailleurs je n'ai jamais eu de lien avec des mouvements ou organisations islamistes que ce soit en Afghanistan ou ailleurs. Du point de vue psychologique, comment s'est déroulée la période d'incarcération, et comment la presse allemande a traité votre cas ? En fait, la presse allemande fut très subjective, et partiale, au point que j'ai ressenti plus de clémence de la part des autorités. Comment les autorités judiciaires vous ont-elles traité ? C'était normal tout en respectant la loi. Avez-vous été l'objet d'exactions ou de pressions durant l'incarcération et les interrogatoires ? Pas du tout, les autorités judiciaires et juridiques m'ont traité avec équité et sans me faire subir la moindre pression. Mes droits n'ont pas été bafoués. Mon seul regret fut de voir la presse s'en prendre à moi sans preuves concrètes. Pourquoi a-t-on ciblé les étudiants arabes résidents à Hambourg sans pour autant s'intéresser aux autres étudiants disséminés un peu partout en Allemagne ? La ville d'Hambourg et ses étudiants arabes ont “porté le Chapeau” parce que Atta et les autres étudiants qui ont participé aux attentats du 11 septembre ont résidé dans cette ville et y ont côtoyé bon nombre de personnes . Maintenant que vous êtes de retour au Maroc après votre acquittement, quels sont vos projets ? J'ai besoin de repos avant toute chose, ensuite je vais essayer de poursuivre mes études par correspondance si les autorités et l'université allemandes le permettent, je vais en parler à mon avocat pour commencer les démarches. J'étais si près du but, mon diplôme était presque dans la proche n'eut été cette mésaventure. Pensez-vous que votre jugement fut empreint de racisme ? Pour ce qui est du premier jugement, je pense qu'il était équitable et motivé par le respect du droit, tandis que la décision d'expulsion, elle, est empreinte de racisme à n'en pas douter. Je crois qu'il n'y avait pas de raison pour arriver au refoulement. D'après vous, pourquoi a-t-on focalisé l'attention sur les étudiants marocains d'Hambourg ? Pas du tout, l'enquête post 11 septembre a concerné des étudiants arabes originaires de plusieurs pays, cependant, les autorités allemandes ont focalisé leur attention sur les étudiants qui ont cohabité avec Mohamed Atta, ou l'ont connu de près ou de loin. De même qu'il est fort possible que les autorités judiciaires aient basé leurs allégations sur de fausses dénonciations. Pensez-vous que les autres étudiants maghrébins et arabes vont subir des pressions semblables de la part des autorités allemandes, comme conséquence des attentats terroristes du 11 septembre ? Sans doute de terribles pressions sont exercées sur les étudiants arabes et musulman, leurs lignes téléphoniques sont sous écoute, le comportement des autorités est de plus en plus suspicieux à leur égard du fait de leur appartenance ethnique et religieuse. Certains sont même menacés d'expulsion. Tout a changé, maintenant les étudiants sont obligés de remplir des formulaires sur lesquels doivent figurer leurs appartenances politiques et religieuses, leur éventuelle connection à des groupes terroristes. Il y a même des questions concernant Mounir Motassadeq et moi-même et la relation éventuelle du postulant à une prorogation de séjour ou autre avec nous deux . Certains étudiants ont même été sommés de quitter le territoire d'Allemagne pour le simple fait qu'ils nous ont côtoyés, Mounir et moi, dont les deux étudiants marocains Abderrazak et Hussein. Le fait est que la vie au campus est soumise à une tension incroyable.