Kingdom Of Heaven Pour ce " Royaume des Cieux " gentillet, Ridley Scott, un habitué des tournages au Maroc, livre une version sympathique sur le conflit Orient/Occident. Pas si méchant que cela ni profond. La technique remplit souvent son rôle de trompe-l'œil. Elle nous prend par la main et fait office de réflexion et souvent se substitue au propos du film. C'est, dans un sens, ce qui fait la force du cinéma. Et pour un virtuose de la technicité comme Ridley Scott, les effets de style couvrent les lacunes du sujet. Après plusieurs tournages heureux au Maroc qui ont accouché du gentiment nul Gladiator et du fâcheux Black Hawk Down ce Royaume des Cieux aurait pu remplir son rôle de déclencheur d'un réel débat sur l'actualité chaude d'un monde pris au piège des clivages. C'est du moins l'unique intérêt que pourrait avoir une telle pléthore d'images. Non pas que le film soit mauvais, loin s'en faut, mais c'est du grand tape à l'œil, mâtinée d'une superproduction autour d'un casting infaillible. Jérusalem et Hollywood Entre personnages émoussés et grandiloquence des scènes, Ridley Scott passe à côté de son sujet. Pour une histoire de croisade l'image du christ n'est qu'un succédané de l'historicité. Jérusalem et sa prise, le conflit entre chrétienté et islam sont un amas de clichés. Ce manque de rigueur historique pourrait sembler léger (après tout, on pourrait réécrire l'Histoire comme bon nous semble), mais le souci d'exactitude affiché d'emblée éclate en morceaux face aux jonglages des Studios. Ridley Scott s'avère du coup incapable de mener une approche personnelle. On sent clairement la niaiserie de l'analyse qui fait abstraction d'une actualité chaude, d'un état de conscience dans un monde livré aujourd'hui à la haine et l'incompréhension, en proie à la fermeture de tous bords. Jérusalem reste le point nodal d'une hypothétique paix dans le monde, ou du moins entre islam et judaïsme. Elle est aussi le centre des revendications d'une " nation " arabe qui accuse l'Occident de tourner le dos à l'injustice. Que nous offre ce Royaume des cieux ? Une image délavée de la ville-conflit. Aucune position claire ni même une esquisse d'une quelconque solution. Très vite, nous sombrons dans un esthétisme de bon aloi autour de visages perdus dans la fournaise des batailles. Grand ratage Mais ne sommes-nous pas injustes face à des tentatives d'éclairages même ratées sur l'histoire? Cela se pourrait si l'exigence de l'honnêteté l'emporte sur le remplissage et l'assemblage de plans aussi léchés les uns que les autres. Comme dans la Chute du faucon noir ou Gladiator, nous sommes affligés par le manque de profondeur de Ridley Scott. On dirait un exécutant qui s'acquitte d'une commande sans s'impliquer. On pourrait même pousser le scepticisme plus loin pour dire que ce type de faisage hyper ficelé pourrait se convertir en un outil qui attise la haine. Pourquoi ? En l'absence d'un propos clair, on ouvre des portes à l'interprétation. Toujours devant ce manichéisme hollywoodesque de bas étage. Le bon, le méchant, l'incompris et le barbare sous un ciel sombre de platitude. C'est en somme cela, le grand déballage de monsieur Scott qui, dit-il, rêvait de faire un film sur les croisades. Résultat : un film étonnamment brillant sur la technique de faire en sorte qu'un éventuel grand péplum devienne un bide culturel. Avec, il faut le souligner, une distribution plus que décevante. Orlando Bloom affiche sa mièvrerie habituelle quand Liam Neeson et Jeremy Irons remplissent leur rôle de faire-valoir. À tel point que nous avons du mal à oublier que le jeune héros n'était là que pour répéter en moins bien ses prestations dans Troie et les Seigneurs des anneaux. Réalisé par Ridley Scott Avec Orlando Bloom, Eva Green, Jeremy Irons, David Thewlis, Brendan Gleeson, Marton Csokas, Liam Neeson, Ghassan Massoud, Edward Norton. Actuellement en salles au Maroc