Festival des Gnawas à Essaouira Il n'est plus question de parler d'un festival mais d'un mythe mondial. Essaouira et son festival font, depuis des années, partie d'un patrimoine humain incontournable. Fête des sens et quête d'insouciance dans un monde fou. C'est en quelque sorte les saturnales du corps et de l'esprit qui se jouent à Essaouira chaque entame de l'été. Comme une mue nécessaire pour plier des saisons maussades. Et quand les saturnales sont mâtinées de bacchanales, il y a lieu d'attester sans retenue que l'esprit de la fête ressuscite avec Essaouira. Une dimension antique dans un cadre plus au moins rétif à la modernité, avec des visages happés par le désir. Désir de tout, désir d'être autre, désir de laisser la lourdeur des jours entasser ses rengaines loin de la légèreté d'être. Et quatre jours sont suffisants pour l'esprit de faire le vide et pour le corps de faire le plein. A Essaouira, on vit le temps sur d'autres ondes, on laisse l'espace s'imprégner de nos pas insouciants, comme emportés vers une terre promise, celle du plaisir. C'est cela la particularité d'un tel spectacle : offrir aux uns et aux autres cette nonchalance de l'âme. Et l'effet est souvent, pour peu qu'on se laisse aller sans jeter des amarres, ni chercher des repères, cathartique. Purge des sens, épuration, métamorphose, chacun selon ses limites. Dans un monde fou, Essaouira peut incarner une alternative à l'égarement bête, à la perdition stupide. C'est en somme, pour beaucoup, une thérapie salutaire que chacun se prescrit à ses doses propres contre la mort lente des jours plombés des automates que nous sommes devenus. Mélange de sentiments épars, clairsemés sur les rives de l'Atlantique, il y a des rythmes qui mettent le cœur en scène. Le cœur et ses corollaires que sont l'émotion, l'amour, le rêve. A Essaouira, on oublie, on s'oublie. On change de décor, on habille son âme d'un drap de gaîté et on ouvre une nouvelle page sur le chemin du bonheur. Et quand ce dernier n'est pas étalé sur la durée, il revêt une teinte mystique, entre extase et recueillement. La juste mesure pour laisser à cette parenthèse démesurée le temps de se saisir des profondeurs de chacun. Quitte à revêtir après un costume du quotidien qui, somme toute, ira si bien à des épaules évanescentes. Et la musique n'est là que pour guider le corps, lui donner un soupçon de direction dans les méandres du temps. Du 23 et le 26 juin 2005 Essaouira